Accueil > Financement > Les BFI accélèrent leur transformation numérique Les BFI accélèrent leur transformation numérique Les banques de financement et d’investissement marchent dans les pas des banques de détail en travaillant à la création d’interfaces en ligne, à l’APIsation de leurs systèmes et à l’automatisation de leurs processus. Revue des chantiers en cours chez Natixis (BPCE), BNP Paribas CIB, SG CIB (Société Générale) et CACIB (Crédit Agricole). Par Aude Fredouelle. Publié le 02 février 2021 à 14h18 - Mis à jour le 03 février 2021 à 17h35 Ressources En réponse à l’arrivée des néobanques sur le marché, les acteurs bancaires traditionnels ont beaucoup investi dans la transformation des interfaces et des process dans la banque de détail. Les banques de financement et d’investissement (BFI), qui accompagnent les grandes entreprises et institutionnels dans leurs opérations financières (banque, gestion de trésorerie, couverture de change, financements, acquisitions, activités de marchés…), reposent quant à elles encore majoritairement sur des envois de documents et des échanges avec les agents. Mais elles s’engagent désormais elles aussi progressivement dans une transformation de leurs interfaces, pour répondre à une demande croissante de simplicité et de fluidité de la part des clients, ainsi que dans une transformation interne destinée à automatiser les processus et à réaliser des économies. Digitaliser les parcours et interfaces Si les travaux de digitalisation des parcours sont déjà bien avancés au sein des banques de détail, les BFI ont encore beaucoup à faire. “La crise du coronavirus a accéléré la mise en place de la signature électronique et de parcours en ligne, assure Luc Barnaud, interviewé par mind Fintech en sa qualité de chief digital and technology officer de Natixis, fin 2020 – il a depuis été nommé directeur de la data et de l’intelligence artificielle du groupe BPCE. Même si la transformation numérique des services BFI est moins avancée que celle de la banque de détail, nous développons une démarche équivalente de portail proposant aux investisseurs une gestion de leur portefeuille d’investissement.” “Aujourd’hui, la relation entre client et vendeur/trader n’est pas entièrement digitalisée”, reconnaît aussi Cécile Bartenieff, responsable des ressources de la banque de grande clientèle chez Société Générale. Des projets sont en cours pour y remédier. Dans le domaine du financement, par exemple, SG CIB veut permettre davantage d’autonomie dans le suivi de position et la consultation d’opérations. Plateformisation Comme les banques de détail, les BFI s’engagent en effet progressivement dans un mouvement de plateformisation. “Nous transformons progressivement nos services en APIs sur lesquelles le client peut se connecter, explique Cécile Bartenieff. Cela nous permet des gains en matière d’efficacité et de coûts, mais c’est un très gros chantier.” Société Générale développe par exemple depuis 2016 la plateforme SG Markets, qui donne accès aux opérations de la banque de grande clientèle (BFI et métiers titres notamment). Les clients peuvent y accéder en direct ou, depuis récemment, l’intégrer par API à leurs propres interfaces. Surtout, “tous les développeurs peuvent développer autour des capacités digitales communes leurs propres services, exposés à tous et réutilisables par tous, explique Cécile Bartenieff. Cela a été un très gros changement culturel au sein des équipes IT et business.” Chez Natixis, Luc Barnaud imagine “un système dans lequel on organise un carrefour avec nos produits, les produits de tiers et nos clients et collaborateurs”. “Par exemple, dans le domaine du KYC, la mise à disposition sur une même plateforme de l’ensemble des services associés, qu’ils soient opérés en interne ou par des tiers, permet de les distribuer aisément à plusieurs entités, internes ou externes.” Des plateformes blockchain sont également en train d’émerger sur le marché dans le domaine du trade finance, pour créer des plateformes de marché comme komgo, we.trade ou Marco Polo. Ces initiatives tentent de digitaliser un marché qui repose encore beaucoup sur des échanges de documents papier. Trade finance : les plateformes blockchain entrent progressivement en production”, de juillet 2020. Le grand défi de la data En parallèle de la mise en place de parcours en ligne, les équipes innovation des BFI investissent massivement dans le développement de l’analyse des données et dans la mise en place d’algorithmes d’intelligence artificielle pour gagner en efficacité. “Nous avons commencé par la Business Intelligence, en 2015, se souvient Hugues Even, chief data officer de BNP Paribas CIB. Nous avons monté une équipe pour créer des outils de BI. Nous avons d’abord rassemblé toutes les données en cassant les silos (finance, CRM, référentiels clients, données externes…) puis nous avons créé des reportings et dashboards dynamiques, mis à jour en temps réel, sur nos clients et nos KPIs. L’objectif était de donner accès à des hubs de données et de pouvoir créer rapidement des dashboards en fonction des besoins internes mais aussi pour nos clients.” Depuis trois ans, le groupe est entré dans une nouvelle phase d’adoption d’outils d’intelligence artificielle “à grande échelle”, car “la technologie était enfin mature”, explique le chief data officer. Un laboratoire a été créé pour permettre aux collaborateurs de s’approprier les technologies. “Dans le groupe, 500 cas d’usage font tourner de l’IA, dont un tiers en production. Et les mises en production se sont accélérées ces 18 derniers mois.” Chez Société Générale, un travail de nettoyage et d’accès à la donnée a été mené, avec la création d’un data lake accessible par tous, raconte Cécile Bartenieff. Des cas d’usage ont été développés à la fois pour des objectifs commerciaux mais aussi pour optimiser des process de traitement : capture des erreurs de saisie des opérations avec Nephelai (solution d’assistance à la saisie d’ordres et de transactions financières sélectionnée par l’incubateur de SG CIB) ; lecture automatique de documents pour le KYC ; analyse des comportements et des transactions des clients… Parmi les cas d’usage déployés chez BNP Paribas CIB : la traduction, “car CIB est présent dans 50 pays”, explique Hugues Even. “Les outils du marché n’étaient soit pas adaptés au contenu financier, soit en mode cloud comme Google Translate, ce qui pose problème en matière de protection des données. Les outils on-premise et adaptés étaient cher, donc nous avons capitalisé sur des librairies open-source pour créer notre propre algorithme de traduction, qui est aujourd’hui de très bonne qualité dans une quinzaine de langues.” Il sert par exemple à traduire des procédures locales, à vérifier l’intégrité des échanges, à traduire des pitchs commerciaux… “Le périmètre s’élargit de plus en plus”, assure le chief data officer. Automatiser les traitements BNP Paribas CIB recourt aussi à l’IA pour accélérer des processus ou automatiser des traitements, afin de gagner en efficacité et en qualité. “Par exemple, nous avons développé des algorithmes de classification des requêtes de nos clients reçues dans des boîtes mail génériques pour les transférer au bon spécialiste, décrit Hugues Even. La prochaine étape sera de suggérer les réponses automatiquement, en allant chercher les bonnes informations dans nos SI.” Les instructions clients données par mail mais aussi par chat sont également retranscrites. “Nous remplissons automatiquement les plateformes d’exécution avec les informations non structurées, puis un collaborateur vérifie les champs.” L’extraction automatisée de données facilite aussi de multiples tâches, poursuit-il : l’automatisation des rapports de comptes annuels, du KYC (avec l’extraction de données sur les entités concernées), le pré-remplissage des systèmes d’analyse de crédit, l’alimentation des plateformes de données ESG (critères environnementaux, sociaux et de gouvernance) par la lecture automatique des rapports ESG des entreprises et de données externes… Mais systématiquement, des agents ou équipes conformité vérifient les données pour validation. Les algorithmes de speech to text sont aussi sollicités pour les télé-conseillers et dans les salles de marché. “Comment Bertin IT assiste Crédit Agricole CIB sur la conformité dans les salles de marchés”, de janvier 2020. “Sur ces sujets, l’équilibre est encore fragile car ces technologies coûtent encore cher”, souligne cependant Hugues Even. Conformité, gestion du risque et cybersécurité Les algorithmes d’IA sont aussi utilisés pour la conformité et la gestion du risque de fraude (cyberattaques ou fraude opérationnelle). “Dans ce cas, l’enjeu est moins d’automatiser des process que de créer des écosystèmes de données plus larges, explique le chief data officer de BNP Paribas CIB. L’objectif est de replacer une transaction dans un contexte : est ce qu’elle est régulière, est ce que la monnaie utilisée est habituelle, le pays est-il à risque, le fournisseur est-il habituel ou non… ? Et d’identifier des schémas anormaux.” Chez CACIB, l’équipe innovation a par exemple mené avec les équipes métier une expérimentation d’analyse de données pour prédire la dégradation des notes de solvabilité de ses clients, raconte Romaric Rollet, responsable de l’innovation et de la transformation digitale. Elle a été généralisée après le succès du projet. “L’utilisation de l’IA pour lutter contre la fraude est encore plus intéressante que les algorithmes d’amélioration des processus pour lesquels il faut toujours un œil humain pour la vérification et la validation, car elle libère du temps aux collaborateurs, commente Hugues Even, de BNP Paribas CIB. Avec ces bases de connaissances dédiées à traiter des problématiques de plus en plus complexes, nous pourrions par exemple les utiliser à des fins de conseil et de protection des intérêts de nos clients.” Migration sur le cloud Comme dans la banque de détail, la question de l’hébergement des données et des opérations dans le cloud se pose au sein des BFI en pleine transformation (lire aussi : le dossier “Comment les banques se positionnent-elles face au cloud ?” de juin 2019). “Nous sommes passés au cloud privé (à 80%) et au cloud public”, indique Cécile Bartenieff, la responsable des ressources de la banque de grande clientèle de Société Générale. 10 % de nos infrastructures environ sont désormais sur le cloud public [principalement chez Microsoft Azure, ndlr] et nous avons une politique assez agressive sur le sujet. Des appels d’offres sont en cours avec différents fournisseurs.” Les 10% restants restent en solutions traditionnelles (VMS, serveurs physiques, stockage classique). L’équipe innovation de CACIB reste plus prudente. “Nous utilisons les services cloud quand c’est pertinent, pour gagner en flexibilité et pour le passage à l’échelle, tout en gardant une informatique on-premise sur certaines activités, pour un niveau de conformité le plus élevé possible”, indique Guillaume Gendron, membre de l’équipe innovation et transformation digitale. Organisation et transformation La nécessité de transformer les interfaces et les processus a, comme dans les banques de détail, bouleversé les organisations. Chez BNP Paribas CIB, les stratégies data “sont établies au sein des métiers, et non pas dans une cellule à part”, explique Hugues Even. Les métiers sont dotés de capacités propres pour mener à bien ces projets puis ils peuvent s’appuyer sur un écosystème de ressources mis en place par le pôle d’expertise data de CIB. “Nous voulons faire en sorte que la data science soit vulgarisée et diffusée dans toute l’organisation“, insiste le chief data officer. Même stratégie chez CACIB, où l’équipe innovation et transformation digitale compte 17 personnes, et s’appuie aussi sur la digital factory de la BFI. “Nous sommes une équipe réduite car nous voulons que la transformation et l’innovation passent avant tout par les métiers”, insiste Romaric Rollet. Chez Natixis, “neuf data owners ancrés dans les métiers apportent dans la filière data la vision business, conjuguée à l’expertise des équipes”, indique Anne-Christine Champion, co-responsable mondiale de la Banque de grande clientèle, sponsor des projets tech et membre du comité de direction générale de Natixis. L’un est par exemple dédié au trade finance, l’autre aux marchés de capitaux, aux prêts, au cash management, banque d’investissement et M&A… En parallèle, une trentaine de data scientists travaillent dans la filière data de Natixis. Chez Société Genérale CIB, des équipes mêlant un collaborateur IT et un collaborateur “opérations” avec un collaborateur métier ont été créées. “Ils définissent ensemble l’ambition d’un produit, la roadmap, le budget pour le développement et le run, explique Cécile Bartenieff. Cela a été un vrai changement de culture interne. Nous avons identifié près de 500 “product owners” dans les métiers, côté front office, middle et back office ou risques, pour piloter au quotidien la transformation de notre SI”. Au sein de l’IT, des équipes pluridisciplinaires ont également été constituées. Enfin, les méthodes agiles ont été déployées, non seulement au sein des équipes IT mais aussi des opérations (back et middle office) et des métiers. Débutée en 2017, la réorganisation sera terminée dans l’année. Aude Fredouelle BFIblockchainKYCtrade financetransformation digitale Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire HSBC premier membre de la plateforme DLT Contour à entrer en production Trade finance : les plateformes blockchain entrent progressivement en production