Accueil > Financement > Les plateformes françaises forment le premier contingent des acteurs agréés PSFP en Europe Les plateformes françaises forment le premier contingent des acteurs agréés PSFP en Europe 28 plateformes françaises ont obtenu le nouvel agrément de prestataire de services de financement participatif (PSFP) sur un total de 92 acteurs au niveau européen. Cette réglementation européenne ouvre une opportunité d’expansion à l’étranger, qu’un nombre limité de plateformes ont saisie pour le moment. mind Fintech a exploré le registre européen pour un décryptage à chaud de cette nouvelle donne réglementaire. Par Antoine Duroyon, Aymeric Marolleau et Othélie Brion. Publié le 15 novembre 2023 à 17h44 - Mis à jour le 15 novembre 2023 à 17h44 Ressources Le 10 novembre 2023, les anciens régimes CIP et IFP ont pris fin pour les plateformes existantes de crowdfunding en France. Un agrément européen de prestataire de services de financement participatif (PSFP) est désormais requis. À défaut, ces acteurs sont contraints de mettre fin à toute activité commerciale. En dépit des relances de l’association Financement Participatif France (FPF), de nombreuses plateformes françaises ont attendu le dernier moment pour décrocher leur agrément. Par ailleurs, certaines l’ont obtenu sous conditions suspensives, généralement d’ordre administratif, et ont temporisé pour lever ces restrictions. “Beaucoup d’acteurs ont essayé de profiter au maximum de la période transitoire car le statut français de conseiller en investissement participatif offrait un plafond de financement plus élevé [8 millions d’euros par porteur de projet sur douze mois glissants contre 5 millions avec la nouvelle réglementation, Ndlr]”, explique Matthieu Lucchesi, counsel chez Gide. La liste des plateformes de crowdfunding européennes agréées comme prestataires de services de financement participatif (PSFP) Au 9 novembre 2023, il y avait 44 CIP enregistrés auprès de l’Orias, et 109 IFP, sans qu’il soit possible de connaître l’identité de tous. Sollicité par mind Fintech, le registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance ne nous a pas transmis la liste précise. Ce jour-là, parmi les acteurs enregistrés comme conseillers en investissement participatif mais qui ne figurent pas dans la liste de l’ESMA (Autorité européenne des marchés financiers) comme PSFP, citons par exemple Clubfunding, Koregraf ou encore Finple. En France, c’est l’AMF, avec avis conforme de l’ACPR dans le cas d’une activité impliquant la facilitation de l’octroi de prêt, qui délivre l’agrément PSFP. “Force est de constater qu’il n’y a pas eu de facilitation réservée aux plateformes établies pour obtenir l’agrément européen, ce qui était prévu dans le règlement européen. Cela a plutôt desservi les plateformes qui étaient déjà CIP comparé à des plateformes qui ont lancé leur activité”, relève Florence de Maupeou, directrice de FPF. Benoît Bazzocchi, président de la plateforme de crowdfunding immobilier Fundimmo, qui a obtenu l’agrément, confirme : “la préparation du dossier d’agrément a demandé un travail important, avec l’AMF qui a été regardante sur de nombreux sujets. Il a également fallu mener un chantier technique pour adapter le parcours d’inscription, d’évaluation et de souscription des investisseurs, ainsi que la documentation fournie [avec la mise en place de la Fiche d’Informations Clés sur l’Investissement (FICI), Ndlr]”. Sur le plan de la protection des investisseurs, la réglementation introduit notamment un délai de rétraction de quatre jours pour les investisseurs non avertis. En guise de contrepartie, des limitations sur les capacités d’investissement (en termes de montant ou de risque par rapport aux objectifs) ont été levées. Au niveau européen, l’ESMA tient à jour un registre de tous les PSFP exerçant sur le continent. Outre leur nom, leur forme légale ou leur adresse, on y trouve les pays membres où chaque acteur exerce, les services qu’il fournit, ainsi que la liste de ses autres activités non couvertes par la régulation. mind Fintech a analysé ces données à l’automne, et les a enrichies en associant d’autres informations à chaque plateforme : leur nationalité, les cibles de leurs prêts ou investissement, les spécialités des projets soutenus, ou encore la nature des instruments financiers qu’elles proposent (voir méthodologie). La France a le premier contingent Le 10 novembre, l’ESMA dénombrait 92 plateformes autorisées, originaires de 18 pays différents. Les sociétés françaises sont de loin les plus nombreuses, avec 28 représentantes, devant les Pays-Bas (13) et l’Espagne (huit). Parmi les acteurs français, citons notamment la plateforme de prêt aux PME October, celle dédiée aux installations d’énergie renouvelable Enerfip, le spécialiste du crowdfunding immobilier Fundimmo ou encore la plateforme de crowdequity Sowefund. Les plateformes sont autorisées par la réglementation à fournir deux services différents, l’un consistant à faciliter l’octroi de prêts, l’autre à permettre des placements sans engagement ferme. 42,9 % des acteurs proposent uniquement ce second service, et 26,4 % uniquement le premier. Un tiers des plateformes (30,8 %) proposent les deux. “L’un des changements majeurs liés à cette réglementation, c’est que nous ne faisons plus du conseil en investissement [comme le permettait le statut de CIP, Ndlr] mais du placement. Cela implique une adaptation de la documentation fournie aux investisseurs, des parcours et des process. En réalité, ce service de placement correspond mieux aux fondamentaux de notre métier qui consiste à faire se rencontrer des professionnels de l’immobilier qui cherchent des financements et des investisseurs”, souligne Benoît Bazzocchi, président de Fundimmo. Pour compléter l’analyse du positionnement des plateformes, nous avons identifié si elles proposent aux contributeurs de souscrire auprès des porteurs de projets de la dette, qu’il s’agisse d’obligations ou de prêts à titre onéreux, ou des parts au capital (equity). Huit plateformes sur dix proposent de la dette, et quatre sur dix de l’equity. Le financement sous forme de don a été exclu du champ de la réglementation européenne. Le statut national d’IFP demeure pour les plateformes qui souhaitent le proposer, ainsi que pour les cagnottes en ligne. Selon nos constats, au moins deux acteurs agréés PSPF, les Français Enerfip et CredoFunding, mentionnent explicitement une activité autour du don. Une volonté d’implantation inégale Les plateformes précisent auprès de l’ESMA la liste des pays de l’Union européenne où elles souhaitent fournir leur service grâce au passeport européen. Elles déclarent en moyenne six pays. Cependant, il existe une grande disparité d’une plateforme à l’autre. Ainsi, huit entreprises souhaitent s’implanter dans les 27 pays membres de l’UE : Capitalia, Crowdcube, Crowdestate, Enerfip, Estateguru, Fundeen, CrowdedHero et Wefunder. Au contraire, 42 plateformes ne souhaitent proposer leur(s) service(s) que dans un seul pays. “Pour certains acteurs du crowdfunding, les perspectives restent très nationales, et ils ont du mal à se projeter dans un marché européen. Cela va prendre un peu de temps pour que l’approche du financement participatif trouve véritablement sa dimension européenne ”, considère Matthieu Lucchesi. Alors que Fundimmo n’a pas fait jouer à ce stade le passeport européen, Benoît Bazzocchi rappelle que “la réglementation financière est plus favorable à une expansion européenne que ne l’est le droit des entreprises qui reste encore très local. Dans notre métier du crowdfunding immobilier, cela concerne par exemple les émissions de titres ou les prises de garanties qui peuvent différer selon les pays”. Par ailleurs, tous les pays ne suscitent pas le même intérêt. 24 plateformes envisagent de fournir leur(s) service(s) aux Pays-Bas, pays le plus convoité, devant la France (23) et la Belgique (20). Mais seules sept plateformes ont mentionné vouloir exercer leurs services en Slovénie, en Roumanie et en Pologne. Seuls trois acteurs français ont demandé un passeport européen. Enerfip souhaite proposer ses services dans tous les pays de l’UE, Raizers en vise six et October cinq. En outre, 14 plateformes étrangères souhaitent agir en France. Quelles cibles, spécialités et instruments financiers ? Au-delà des informations qui figurent dans le registre de l’ESMA, mind Fintech a qualifié les plateformes afin de préciser leurs cibles, leurs spécialités ainsi que leurs instruments financiers. Certaines ont plusieurs cibles. La majorité des plateformes financent les projets d’entreprises, et 38 % ceux des professionnels de l’immobilier. Seules 9 % financent les projets de particuliers, plus rarement encore ceux des associations et des collectivités locales. La nature des cibles visées se traduit dans les spécialités des projets soutenus. Près de la moitié des plateformes financent des entreprises et 38 % des projets immobiliers. Neuf plateformes accompagnent des projets ayant trait à l’économie locale, c’est-à-dire qu’elles visent expressément le marché national domestique où elles sont installées, et 10 des projets liés à l’écologie ou aux infrastructures d’énergies renouvelables. 18 prestataires de services de paiement différents La réglementation stipule que si le PSFP “encaisse des fonds pour le compte de tiers dans le cadre des opérations de financement participatif, il doit soit être enregistré en tant qu’agent de prestataire de services de paiement (PSP), soit être agréé a minima en qualité d’établissement de paiement”. Nous avons identifié l’identité du PSP de 66 des 92 plateformes. Elles travaillent avec 18 prestataires différents, dont quatre Néerlandais (Intersolve Payments, Online Payment Platform, Buckaroo et GoCredible), deux Français (Lemonway et Treezor) et autant de Suédois (Trustly et Zimpler). Lemonway apparaît le plus souvent, puisqu’il est présent chez 22 acteurs, dont 14 français, devant le Luxembourgeois Mangopay (19, dont 13 français) et le Lituanien Paysera (quatre, dont aucun français). Il faut noter qu’au moins quatre plateformes agréées comme PSFP le sont aussi comme établissement de paiement : la plateforme de crowdfunding immobilier estonienne Crowdestate, la plateforme de prêt danoise Lendino (EP exempté), la plateforme de prêt aux entreprises finlandaise Vauraus et la plateforme de prêt polonaise Finansowo. La mise en œuvre de l’agrément PSFP ne marque que le début de l’histoire. Des points sont encore nébuleux. “Il persiste un flou autour du fonctionnement des véhicules intermédiaires (SPV), entre le SPV de financement et la société de projet, voire la holding”, pointe Florence de Maupeou. La Commission européenne a prévu de réaliser un état des lieux de la nouvelle réglementation et du marché, mais celui-ci n’aura pas lieu avant au moins un an. Une clause de revoyure devrait être activée d’ici fin 2025. Méthodologie Nous avons récupéré le registre disponible sur le site de l’ESMA le 14 novembre 2023. Les informations renseignées sur ce registre sont dans leur grande majorité bien remplies, mais elles sont, dans quelques cas, incomplètes ou mal renseignées. C’est en particulier le cas pour quelques informations concernant les plateformes Seedblink et dagoberinvest. En outre, certaines plateformes ont omis de mentionner leur pays d’origine parmi ceux où elles souhaitent exercer leur activité. Cela explique que sur notre deuxième carte, le nombre de sociétés qui souhaitent agir en France soit inférieur au nombre de plateformes françaises. Contacté par mind Fintech, le service presse de l’ESMA n’a pas donné suite à nos demandes de précisions. Il est possible que certaines plateformes de crowdfunding aient reçu une autorisation PSFP sans que leur nom ait encore été ajouté au registre européen. Le 10 novembre, le registre de l’AMF mentionnait ainsi six plateformes qui ne figurent pas encore dans celui de l’ESMA : Anaxago, 1001 Pactes, Les Entreprêteurs, Happy Capital, Baltis et Homunity. Outre les informations contenues dans le registre, la rédaction de mind Fintech a qualifié les plateformes afin de préciser leur nationalité, leurs cibles, leurs spécialités et leurs instruments financiers. Lorsque l’information était disponible sur leur site, nous avons aussi relevé l’identité de leur prestataire de service de paiement (PSP), mais n’avons pas pris en compte les moyens de paiement qui sont parfois indiqués. Nous avons contacté celles qui ne précisent pas cette information, mais n’avons pas reçu de réponse. Consultez les données brutes dans notre rubrique Data. Une question, une remarque, une précision à apporter ? Contactez-nous : datalab@mind.eu.com Antoine Duroyon, Aymeric Marolleau et Othélie Brion crowdfundingcrowdfunding immobilier Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire La liste des plateformes de crowdfunding européennes agréées comme prestataires de services de financement participatif (PSFP) Les plateformes de crowdfunding héritent d'un agrément européen Crowdfunding : October obtient l’agrément de PSFP