Accueil > Financement > Marchés de capitaux > Pourquoi les Spacs agitent l’écosystème fintech Pourquoi les Spacs agitent l’écosystème fintech Le nombre d’introductions en Bourse dites non traditionnelles a explosé en 2020 aux Etats-Unis. Plusieurs fintech de premier plan ont choisi le mécanisme de cotation indirecte du Spac. Depuis le début de l’année, le mouvement a gagné l’Europe. Quels sont les avantages et les risques liés à ce type d’opération ? Par Antoine Duroyon. Publié le 03 juin 2021 à 7h00 - Mis à jour le 23 mai 2022 à 18h17 Ressources Spac est l’acronyme de “Special Purpose Acquisition Company” et se traduit habituellement par “société chèque en blanc”. Ce terme désigne une société sans activité opérationnelle dont l’objectif est de lever des fonds en Bourse en vue de racheter une ou plusieurs cibles non identifiées. Autrement dit, des investisseurs majoritairement institutionnels (family offices, fonds de pension, fonds souverains, fonds d’arbitrage, etc.) vont s’engager financièrement sans connaître précisément la finalité de leur contribution. Si des investisseurs acceptent cette démarche “à l’aveugle”, c’est souvent parce qu’ils misent sur le flair et la vista des sponsors de la Spac et de l’équipe de direction. Ces entrepreneurs, vétérans de l’industrie, financiers aguerris, investisseurs de renom structurent la Spac (sélection des conseillers, auditeurs…), financent le roadshow et apportent traditionnellement de 5 % à 7 % des fonds levés en Bourse. A titre d’exemple, si une Spac prévoit de récolter 200 millions de dollars en Bourse, les sponsors injecteront au minimum 10 millions de dollars (bien que dans une affaire ayant défrayé la chronique, un sponsor a pu détenir une participation valorisée à 300 millions de dollars pour un investissement initial de 25 000 dollars). En contrepartie, ils détiendront généralement environ 20 % des parts de la Spac, le solde étant cédé lors de l’IPO. Les instruments émis sont composés d’une partie d’une action ordinaire et d’une fraction de warrant (une option cotée qui donne le droit à son détenteur d’acheter ou de vendre un actif sous-jacent, à un prix fixé à l’avance et à une date déterminée). Les investisseurs examineront plusieurs points clés chez les sponsors : leur connaissance, y compris opérationnelle, d’une industrie donnée, leur capacité à identifier des sociétés cibles et leur expérience en matière de fusions-acquisitions. La Spac présente généralement une thèse d’investissement articulée autour d’un secteur industriel et d’une zone géographique. Les fonds levés sont placés dans un compte séquestre puis la Spac dispose de 18 à 24 mois pour réaliser une acquisition. Une fois qu’une cible est identifiée, la Spac entre dans une phase communément appelée “de-Spacing”. Avant de boucler une acquisition d’envergure, la Spac peut réaliser un financement complémentaire sous forme de dette ou d’une opération dite de PIPE (private investment in public equity), une augmentation de capital réservée à un ou plusieurs investisseurs tiers. Les investisseurs de la Spac ont la possibilité de se prononcer contre le projet d’acquisition et obtenir un remboursement. Une fois la transaction approuvée, la société cible est fusionnée. Source : PwC “Les Spac ont pris de l’importance aux États-Unis dans les années 1980 et, après de nombreux scandales, ont été réglementés de manière plus stricte dans les années 1990 avec le Penny Stock Reform Act et la règle 419 de la SEC“, rappelle Laurent Denize, global CIO chez Oddo BHF. Pour les sociétés ciblées par les Spac, les promoteurs mettent en avant plusieurs avantages par rapport à une IPO classique : un processus d’introduction en Bourse moins coûteux ; moins d’incertitudes dans le pricing et l’exécution, avec une plus grande rapidité ; et le moyen pour des sociétés éconduites du circuit traditionnel d’aller en Bourse. Du côté des investisseurs, les Spac donnent la possibilité de miser sur l’expertise et les réseaux de vétérans de l’industrie. Des bénéfices que la recherche académique juge toutefois nettement surestimés. Les Spacs reviennent en force, poussés par l’afflux de capitaux sur le marché. Selon le site Spac Analytics, ces véhicules ont levé l’an dernier plus de 83 milliards de dollars au travers de 248 opérations. 55 % des introductions en Bourse ont concerné des Spacs. Depuis le début de l’année, 329 Spacs (72 % des IPOs) ont déjà levé près de 105 milliards de dollars, bien que le rythme de croissance ait perdu en intensité au cours du premier trimestre. Aujourd’hui 421 Spacs ayant levé près de 135 milliards de dollars sont en quête de cibles aux Etats-Unis. Sur le Vieux continent, seuls trois Spacs ont levé des fonds en 2020 : 2MX Organic (avec Xavier Niel, Matthieu Pigasse, Moez-Alexandre Zouari) à Paris, Dutch Star Companies Two à Amsterdam et Marwyn Acquisition Company II à Londres. La fintech, un secteur prisé des Spacs L’application d’épargne et d’investissement américaine Acorns est le dernier exemple en date d’une fintech à avoir succombé au chant des sirènes d’une Spac. La société prévoit de rejoindre le Nasdaq au cours du second semestre dans le cadre d’une opération qui la valorise à 2,2 milliards de dollars. Depuis plusieurs mois, la liste des fintech à avoir choisi cette voie s’allonge outre-Atlantique : les insurtech Hippo et Metromile, l’application de trading eToro, les applications financières MoneyLion et SoFi, ou encore la solution de paiement et de transfert d’argent à l’international Payoneer. Dans le même temps, des sponsors occupent le devant de la scène : la fondatrice de The Bancorp Bank Betsy Cohen ou le fondateur et CEO de la banque d’affaires FT Partners Steve Mc Laughlin. En Europe, plusieurs financiers de renom ont décidé de cibler le segment des technologies financières : l’ancien CEO d’Unicredit Jean-Pierre Mustier, l’ex-patron de Commerzbank Martin Blessing ou encore l’ancien responsable du London Stock Exchange Xavier Rolet. Ils vont chasser des cibles qui restent pour la plupart attentistes. Le seul nom d’un éventuel candidat à avoir circulé publiquement ces dernières semaines est celui de la plateforme de Banking-as-a-Service Solarisbank. “Cette frénésie autour des Spacs s’explique par la recherche d’actifs technologiques et de croissance qui ont tendance à se raréfier en Bourse. Les sociétés restent privées de plus en plus longtemps en faisant appel à des méga-tours. Des institutionnels qui ne peuvent pas investir dans les fonds VC, late stage ou growth voient alors dans les Spacs un moyen de participer rapidement à cet engouement pour les actifs tech, explique à mind Fintech Jean Bertin, directeur d’investissement dans l’équipe venture chez BlackFin Capital Partners. Il y a beaucoup de capital sur le marché avec une quête de rendement. Pourquoi la Spac rencontre-t-il plus de succès qu’une IPO ? Cela s’explique essentiellement par le fait que le contrôle est moins strict en ce qui concerne la déclaration des perspectives de croissance, bien que cela soit en train de changer aux Etats-Unis“. Les autorités de régulation s’inquiètent en effet de la protection des investisseurs les moins avisés. “Les sponsors des Spacs génèrent de la dilution (si les Spacs récoltent 10 dollars par action auprès des investisseurs lors de leur IPO, ils ne détiennent en moyenne plus que 6,67 dollars en cash pour chaque action existante au moment de la fusion avec une cible, ce qui implique une dilution pour les investisseurs ultérieurs, ndlr) et des coûts significatifs. Ils reçoivent généralement 20 % des parts en guise d’encouragement. Les investisseurs du premier jour peuvent se retirer quand ils identifient une cible, laissant les investisseurs ultérieurs supporter le poids de cette dilution. Sans oublier que les conseils financiers perçoivent des commissions pour la cotation de la Spac, pour les PIPEs et pour la fusion avec la cible. (…) Il se peut que les investisseurs particuliers supportent une large part de ces coûts”, a déclaré dernièrement Gary Gensler, président de la SEC, lors d’une audition devant le Comité des crédits de la Chambre des États-Unis. Comme tout phénomène financier à la mode, les Spacs ne sont pas exempts de risques, sans compter que leur performance réelle reste à démontrer sur la durée car la grande majorité des Spac sont encore en phase de recherche d’une cible. “Les Spacs sont un signe des temps : un afflux massif de capital, des valorisations à la hausse et la perspective de gains rapides pour les sponsors. Le risque est aussi d’observer une volonté des sponsors de boucler des deals à tout prix. Pour aligner au mieux les intérêts, certains sponsors, comme Klaus Hommels (Lakestar), ont décidé de mettre des contraintes sur l’exerçabilité des warrants liées à la performance de la Spac“, constate Jean Bertin. Faut-il pour autant redouter ces IPOs non traditionnelles ? “En Europe, les Spacs pourraient redynamiser l’intérêt pour les marchés cotés en tech et midcap, redonner de la liquidité et permettre à des sociétés en croissance d’accéder à une forme d’indépendance. Cela pourrait modifier l’équilibre dans les schémas de financement, mais je ne pense pas que les Spacs vont concurrencer le private equity. Le buy-out reste un univers séparé avec des rationnels de valorisation différents”, conclut l’investisseur. Spac Juin 2021 Antoine Duroyon introduction en Bourse Besoin d’informations complémentaires ? 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