Accueil > Investissement > Capital-risque : pourquoi les assureurs suivent des stratégies différentes Capital-risque : pourquoi les assureurs suivent des stratégies différentes Défiés sur leur cœur de métier par de nouveaux modèles, les assureurs se mettent en quête de relais de croissance. Ils sont ainsi de plus en plus nombreux à se doter de véhicules d’investissements dédiés aux start-up. Reste que les fonds de capital-risque imaginés par les assureurs répondent souvent à des stratégies ainsi qu’à des ambitions très différentes. Par Chloé Consigny. Publié le 31 janvier 2017 à 9h00 - Mis à jour le 12 janvier 2022 à 10h50 Ressources Comment aborder les transformations technologiques et sociétales qui bouleversent le secteur de l’assurance ? A cette question, les assureurs et mutualistes répondent par la mise en place de dispositifs dédiés : hackatons, incubateurs, accélérateurs sont autant d’outils dont se dotent les grands groupes. Parallèlement, ils investissent en propre dans des start-up qu’ils jugent prometteuses. Ainsi, presque chaque assureur possède aujourd’hui son fonds de capital-risque pour soutenir les entreprises innovantes. Objectif affiché : trouver la licorne de demain, celle-là même qui leur permettra d’inventer le modèle de l’assurance du futur. Certains communiquent allègrement, tandis que d’autres font le choix de la confidentialité. Ainsi, au sein du groupe April, rien ne filtre au sujet d’April Venture, une cellule qui “stimule, soutient et co-finance l’innovation interne”, notamment via des partenariats. Même son de cloche pour l’assureur Aviva. Les deux groupes mènent actuellement “une réflexion sur leur politique vis à vis des start-up”. Il faut dire que le sujet est devenu hautement stratégique pour les géants de l’assurance, à tel point que ces véhicules sont souvent portés au plus haut niveau de l’organigramme des groupes. Un sujet hautement stratégique Ainsi, à la Maif, le fonds Maif Avenir s’inscrit dans le cadre du plan stratégique de l’assureur mutualiste. “La création de ce fonds fait suite à la réflexion initiée dans le cadre du nouveau plan stratégique de la Maif, qui estime que le secteur de l’assurance sera largement affecté par la rupture digitale”, détaille Nicolas Boudinet, directeur général de Maif Avenir. Un fonds doté de 125 millions d’euros et destiné à investir sur trois ans dans de jeunes pousses “dont l’activité relève du digital, de l’innovation ou de l’économie collaborative”. Même ambition chez l’assureur Allianz au sein duquel “le fonds d’investissement stratégique, InnovAllianz, dédié au financement de start-up qui ont un lien sur le marché de l’assurance s’inscrit dans notre écosystème global autour de l’innovation avec les partenariats stratégiques, les hackathons, l’open innovation, l’Accélérateur”, précise Julien Martinez, directeur de la stratégie et des projets innovants d’Allianz France. En France, ce sont les assureurs mutualistes qui ont pris le virage de l’investissement dans les start-up en premier. Ainsi, dès 2014, Macif et Matmut se sont regroupés pour créer Sferen Innovation, un fonds qui a fermé en 2016 et dont les deux principaux investissements sont TellMePlus et CBien. Le géant Covéa est également l’un des premiers à avoir lancé son fonds, baptisé Covéa Next, en décembre 2014. Des organisations internes qui diffèrent Le groupe AXA, pour sa part, a lancé au mois de février 2015, AXA Strategic Ventures, un fonds doté de 230 millions d’euros sur 5 ans. “Via ce fonds, notre objectif est de nous positionner sur des start-up dotées de technologies qui ont pour ambition de transformer le secteur de l’assurance et de la gestion d’actifs”, explique Sébastien Loubry, partner au sein d’AXA Strategic Ventures. Pour l’heure, le fonds s’est déjà placé sur une trentaine de start-up françaises et internationales, pour un montant global de 40 millions d’euros : “notre ambition est d’avoir un prisme mondial, un peu sur le modèle de Google Venture”, poursuit Sébastien Loubry. Au total, douze collaborateurs, dont six partners s’emploient au quotidien à dénicher les pépites de demain. Les partners sont basés à Londres, Paris, New York, San Francisco et bientôt en Asie : “Axa Strategic Ventures est vrai véhicule d’investissement régulé par l’Autorité des marchés financiers. Notre ambition est de capter un maximum d’innovations dans le monde”, détaille Sébastien Loubry. Pour ce faire, le groupe a fait majoritairement appel à de nouveaux collaborateurs (seuls trois collaborateurs du fonds viennent de chez AXA), spécialistes du “venture capital” : “la marque AXA, couplée à la présence de partners de renoms et bien implantés dans le secteur du capital investissement nous permet d’avoir une réelle visibilité sur le marché”, détaille Sébastien Loubry. AXA Strategic Ventures renforce d’ailleurs son action avec le lancement d’un fonds de fonds doté de 150 millions d’euros. Autre organisation pour le groupe Maif qui, jusqu’alors, a choisi de capitaliser sur ses ressources en interne. “Jusqu’à présent, nous avons sollicité l’expertise de nos collègues en interne. Il s’agit par exemple d’experts juridiques ou financiers qui ne sont pas à temps plein sur Maif Avenir. Nous faisons également appel à des conseils extérieurs”, explique Nicolas Boudinet, qui poursuit : “nous sommes en passe de recruter un manager pour le fonds”. Sur le volet choix des investissements, l’assureur mutualiste a pour l’heure opté pour une sélection de start-up françaises : “il s’agit là d’un choix de simplicité davantage qu’un parti-pris. Pour autant, nous sommes sur des technologies digitales, donc facilement exportables”, poursuit Nicolas Boudinet. L’objectif principal du fonds est la rentabilité Sébastien Loubry Partner d’Axa Strategic Ventures Allianz pour sa part a pris le virage plus tardivement. Ainsi, le fonds InnovAllianz a officiellement été lancé en juin 2016. “Nous avons annoncé le lancement de ce fonds au mois de juin 2016, mais nous avions déjà un pipeline d’investissements potentiels très fourni. En 8 mois, nous avons réalisé 5 investissements dans des domaines très variés : l’equity crowdfunding, le convoyage multimodal, une plateforme de souscription de services, une place de marché de fournitures agricoles, le spécialiste du transport de véhicules à l’unité”, détaille Julien Martinez. Pour ce fonds, majoritairement engagé dans des start-up françaises, le groupe ne communique pas sur les montants alloués, ni même sur la durée d’engagement, préférant opter pour un investissement en fonction des opportunités. Un choix évolutif également adopté par le groupe Covéa pour son fonds Covéa Next. Idem pour le géant XL Catlin qui a créé son fonds XL Innovate de l’autre côté de l’Atlantique : “XL Innovate est un fonds évolutif, sans dotation initialement figée. Cela nous permet de nous adapter en fonction des opportunités d’investissement qui s’offrent à nous”, explique Tom Hutton, managing partner and director de XL Innovate qui officie depuis San Francisco. Des différences notables dans les stratégies mises en place par les groupes. Un point commun cependant se distingue au sein de l’ensemble des les groupes : le sponsor leader demeure l’assureur. Ainsi, chez Axa Strategic Ventures, 100 % des fonds proviennent d’AXA. Même constat pour Maif Avenir, InnovAllianz et XL Innovate. Reste que sur la stratégie d’investissement, tous ne se placent pas en direct : Maif Avenir alloue ainsi 25 à 30 % de son fonds à des fonds venture existants, tels que 360 Square ou encore ISAI. Autre différence de taille, la présence de partenaires investisseurs. C’est le cas pour InnovAllianz qui fait appel aux services de son partenaire Idinvest. ROI vs. exploration de nouveaux modèles Du coté des objectifs affichés, certains recherchent avant tout la rentabilité, tandis que d’autres mettent davantage l’accent sur l’exploration de nouveaux modèles. Chez AXA, les investissements doivent ainsi en premier lieu répondre aux exigences de rentabilité chères au groupe : “l’objectif principal du fonds est la rentabilité. Si des technologies parmi nos sociétés permettent d’aider AXA dans sa transformation métier, alors nous les pousserons et ferons en sorte d’accélérer la croissance de nos start-up”, précise Sébastien Loubry. Une injonction à la rentabilité généralement peu partagée par les assureurs mutualistes tels que Covéa, la Macif ou encore la Matmut, qui privilégient le terme de “véhicule d’investissement” à celui de “fonds”. La finalité financière n’est pas première Nicolas Boudinet Directeur général de Maif Avenir Même constat au sein de Maif Avenir, comme l’explique Nicolas Boudinet : “la finalité financière n’est pas première. En ce sens, nous avons une stratégie différente de celle d’autres fonds. Lorsque nous analysons un dossier, il est évident que nous avons une approche financière. Cependant, nous n’avons pas de cible de ROI court terme sur chacun de nos dossiers. Notre logique est d’apporter des services à nos sociétaires dans la durée”. Chez XL Innovate, l’ambition est mixte : “les objectifs de rentabilité sont des préalables à tous nos investissements. Néanmoins, nous apportons une attention toute particulière à des critères non purement financiers, tels que l’équipe dirigeante en place ou encore la pertinence de la technologie développée pour les métiers assurance”, développe Tom Hutton. Et de fait, la rentabilité peut, selon les acteurs, s’évaluer de différente façon : “Il faut bien avoir à l’esprit que lorsque l’on investit trop tard dans une start-up, on prend le risque de payer deux fois car la valeur augmente également avec l’activité que nous apportons. Notre parti pris est donc d’entrer au plus tôt dans le capital de l’entreprise”, explique Nicolas Boudinet. Un investissement au stade early également pratiqué par de nombreux fonds de Capital Ventures. InnovAllianz, XL Catlin et Axa Strategic Ventures se positionnent également à un stade plus développé des entreprises, en prenant des tickets minoritaires pouvant aller jusqu’à 20 millions d’euros. Des co-investissements possibles entre assureurs Du coté des entreprises sélectionnées, les start-up dans le domaine de la santé, de l’intelligence artificielle, des objets connectés ou encore de l’économie collaborative sont particulièrement recherchées. InnovAllianz a ainsi défini douze secteurs appartenant à l’économie collaborative. La Maif, de son côté est à la recherche de modèles réplicables auprès de ses sociétaires. Enfin, les assureurs ne voient pas d’inconvénient majeur à se placer sur la même start-up de façon minoritaire : “au contraire, c’est parfois un facteur d’accélération si l’activité à des applications dans l’assurance”, explique Nicolas Boudinet. A la clé pour ces entreprises innovantes, un accompagnement dans la durée et un levier d’accélération rapide : “Pour les start-up, avoir un client tel qu’AXA est un véritable accélérateur, à la fois en termes de visibilité et de développement business”, assure Sébastien Loubry. Un cadre réglementaire strict Les fonds de capital investissement ont pour finalité une prise de participation en capital dans de petites et moyennes entreprises non cotées en Bourse, afin de permettre leur démarrage, leur développement ou encore leur transmission, cession, selon la définition de l’AMF. Sur ce segment de l’investissement en amont, les véhicules répondent à un cadre réglementaire strict et sont considérés comme des fonds de placements à risques (FCPR). Ils doivent être agréés par l’AMF. Pour ces véhicules, l’actif est composé au minimum de 50 % de valeurs mobilières non admises à la négociation sur un marché réglementé français ou étranger ou de parts de société à responsabilité limitée. Par ailleurs, 15 % des actifs au maximum peuvent être constitués d’avances en compte courant, consenties pour une durée maximale de trois ans. Sur la détention des parts, les fonds professionnels de capital investissement sont tenus à des règles obligatoires devant être précisées dans le règlement du fonds, telles que les modalités de détention et de rachat, mais également les modalités d’évaluation des parts. Cliquez sur le tableau pour l’agrandir Chloé Consigny capital-risquefonds d'investissement Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind