Comment Cryptio aide les entreprises du Web3 dans leur comptabilité

À l’été 2022, Bartosz Jakubowski, associé dédié aux investissements dans le Web3 chez Alven, confiait à mind Fintech l’utilité d’investir, dans un premier temps au moins, dans des start-up d’infrastructure concernant l’écosystème crypto. Dans ce cadre, la société de capital-risque a participé en juin 2022 à la Série A de la start-up Cryptio, “qui offre des services de comptabilité aux entreprises qui détiennent des tokens dans leur bilan”.

Fondée en 2018, la société française Cryptio a profité de la croissance des ICO (initial coin offerings) pour se positionner dans l’écosystème crypto. “Il y a eu beaucoup d’escroqueries mais cela a également marqué un premier signal concernant l’utilisation de la crypto pour des cas d’usage différents de la simple spéculation : échanges monétaires, création de produits sur le réseau Ethereum, décentralisation des entreprises, etc. Nous avons parié sur ces applications et décidé de construire un service essentiel pour les wallets et leurs détenteurs”, à savoir des solutions de comptabilité, de reporting et d’audit, présente Antoine Scalia, cofondateur et président de Cryptio.

Intégrer les crypto au reporting fiat

La société a souhaité répondre à deux problématiques, ajoute-t-il : “comment créer un reporting sur les activités crypto ? Et comment le fusionner avec le reporting fiat ?” Pour ce faire, Cryptio a créé un logiciel de back-office qui relie les activités crypto des entreprises à des systèmes de comptabilité et ERP (enterprise resource planning ou progiciel de gestion intégré) tels que Xero, Netsuite, QuickBooks, SAP, Sage… Dénommée Crypto Ionics, la solution automatise la récupération de données et leur valorisation et permet de renseigner des règles pour automatiser leur catégorisation. Pour trouver lesdites données, le service s’est intégré à des solutions de conservation (Fireblocks, Anchorage, BitGo, Bitcoin Suisse), des plateformes d’échange (Binance, Coinbase, Gemini, Kraken, etc.), des blockchains (Bitcoin, Ethereum, Cardano, Tezos, etc.), ainsi qu’aux projets de “smart contracts, DeFi (finance décentralisée) et NFT”, détaille le dirigeant de Cryptio.

“Une blockchain est un livre de compte public en théorie accessible à tout le monde. Mais pour extraire les données qui y sont présentes, les entreprises ont besoin d’une solution avec un degré d’assurance assez élevé pour leurs audits”, affirme Antoine Scalia. La comptatech Pennylane a listé sur son blog le 11 juillet 2022 les difficultés liées à la récupération des données à partir des blockchains dues à “leur structure, des moyens de récupération non aboutis, des plateformes et process non audités et des fichiers non normés ou non harmonisés”. 

Pour passer outre, Cryptio a construit ses propres “indexeurs” rattachés à des exchanges et aux blockchains. Ces “indexeurs” transforment les données brutes recueillies sur les blockchains en des données utilisables comptablement. Concernant la valorisation des cryptoactifs dans les comptes fiat de ses clients, Cryptio fait appel au fournisseur de données de marché crypto Kaiko, une start-up française qui a levé 50 millions d’euros en juin 2022.

95 % des clients à l’international

Mazars y a recours “pour auditer ses clients, de gros exchanges. L’entité n’avait toutefois pas recours à nos services pour son travail sur la preuve de réserve [activité d’attestation des crypto détenus par une entité au regard des dépôts. Le cabinet l’a arrêtée en décembre, Ndlr]”, précise le dirigeant. Démarré en BtoC avec un service fiscal, Cryptio a opéré un virage complet il y a quatre ans vers le BtoB. “Le BtoC n’existe plus. Aujourd’hui, nous nous adressons uniquement à des entreprises plutôt mid-market (considérées comme grosses à l’échelle de l’écosystème) qui réalisent des millions, voire des milliards de dollars de chiffre d’affaires, et qui ont une exposition on chain”, affirme Antoine Scalia.

Parmi les clients qui utilisent Cryptio à l’échelle internationale : le wallet crypto MetaMask, l’entreprise à l’initiative du protocole open-source de DeFi Aave, les métavers The Sandbox et Decentraland, mais aussi “des institutions financières, des VC et des hedge funds, ajoute le cofondateur de la start-up. Au total, nous comptons plus de 300 clients, dont 95 % se situent en dehors de la France. [Le fournisseur de données, Ndlr] Kaiko, [la plateforme de staking, Nldr] Kiln, [l’agrégateur DeFi, Ndlr] ParaSwap ou encore Sorare font partie de nos utilisateurs français”, précise le dirigeant. 

Par ailleurs, la start-up vise aussi les cabinets comptables et n’hésite pas à former ceux qui appréhendent l’ajout de ces nouveaux actifs dans la comptabilité fiat traditionnelle. “Pour l’instant, nous fournissons des formations à la demande aux cabinets d’expertise comptable. Nous préparons un produit dédié avec des niveaux de certification en comptabilité et fiscalité crypto”, indique Antoine Scalia. La relation avec les comptables peut même se transformer en partenariat dans le cadre de la stratégie d’acquisition clients. “Les cabinets partenaires nous poussent des clients entreprises de manière croissante bien que la majorité de nos leads se fassent inbound”, précise Antoine Scalia.

Tarification

Sur la page tarification du site, Cryptio propose trois offres : Basic (de 299 à 949 dollars par mois), Pro (de 750 à 4 800 dollars) et Enterprise (prix sur-mesure), avec une ristourne de 10 % pour les abonnements annuels. “Le prix dépend de la taille de l’entreprise, des solutions et fonctionnalités souhaitées par les utilisateurs”, indique Antoine Scalia. La tarification varie en effet en fonction du nombre d’utilisateurs qui auront accès à la solution, du nombre de transactions réalisées, du nombre de sources de données à capter et piste de vérification), selon le site. “En moyenne, nos clients paient 15 000 dollars à l’année, et jusqu’à 400 000 pour les plus gros, confie Antoine Scalia à mind Fintech. Les petits clients disposent d’un nombre limité de fonctionnalités et peuvent tout faire tout seul, n’ont pas besoin du service client. Les plus grandes ont davantage de questions concernant le set-up, les traitements comptables, etc.”, résume le cofondateur.

Le service client est proposé depuis les bureaux américain et londonien de Cryptio. “En France, nous avons nos équipes techniques et produits. À Londres, il y a des customer facing, des sales, les fonctions marketing et customer success pour l’onboarding et l’account management. Aux États-Unis, nous avons des experts en comptabilité au profil senior et des experts métiers. Nous avons un effectif global de 35 collaborateurs dont près de la moitié est associée à la tech et au produit”, détaille Antoine Scalia.

Financement

Le recrutement est l’un des enjeux évoqués par l’entreprise à la suite de sa levée de fonds de 10 millions de dollars réalisée à la mi-2022. Dirigé par la société de capital-risque allemande Point Nine, le tour a également réuni BlueYard Capital, CoinShares, Avantgarde Finance, Protocol Labs et Draper Associates (investisseur qui avait mené le cycle d’amorçage de 1,2 million de dollars en avril 2021). Le développement produit est également au cœur de ce cycle. “Nous souhaitons ouvrir notre technologie à d’autres cas d’usage de comptabilité et de fiscalité pour les entreprises comme la réconciliation, ainsi qu’à d’autres organisations comme les banques. Notre objectif est d’étendre les cas d’usage pour nos clients existants afin de réaliser des upsell”, projette Antoine Scalia.

L’élargissement de la gamme produits permettra à Cryptio de davantage concurrencer les acteurs présents sur son segment de marché comme Verady qui a lancé son service BtoB de comptabilité et fiscalité crypto Ledgible en janvier 2022, le logiciel de comptabilité crypto SoftLedger ou encore la plateforme de suivi des wallets crypto à des fins fiscales Accointing, rachetée en octobre 2022 par le fournisseur de données de marché crypto Glassdone.