Accueil > Investissement > Comment QuantCube fournit des données macroéconomiques en temps réel aux institutions financières Comment QuantCube fournit des données macroéconomiques en temps réel aux institutions financières QuantCube utilise les ressources du Big Data et de l’intelligence artificielle, combinées à de l’économétrie, afin d’estimer des indicateurs économiques au jour le jour. Ces prévisions permettent aux institutions financières et fonds alternatifs d’ajuster leurs investissements en fonction de la dynamique d’activité des pays. Par Caroline Soutarson. Publié le 16 mars 2022 à 18h32 - Mis à jour le 17 mars 2022 à 9h59 Ressources La société QuantCube “fait de l’intelligence économique à partir de l’analyse du Big Data”, résume le cofondateur et président de QuantCube Thanh-Long Huynh. Au sein de ses précédents métiers (trader quantitatif, risk manager, gérant d’un fonds d’investissement…), Thanh-Long Huynh a toujours eu besoin de détenir un maximum d’informations afin de réduire ses risques d’investissement. En cocréant QuantCube Technology en 2013, Thanh-Long Huynh persévère avec un objectif : “avoir accès à l’information et l’analyser avant tout le monde”. QuantCube se saisit ainsi des technologies Big Data et d’intelligence artificielle (traitement du langage naturel, computer vision, deep learning…) pour collecter et étudier des volumes massifs de données. Au lieu de se baser sur des données structurées délivrées par des entités statistiques, dont le problème est la délivrance tardive (décalage de trois mois pour le taux de croissance, d’un mois pour les chiffres de l’emploi…), l’entreprise multiplie les sources de données pour élaborer quotidiennement des indicateurs macroéconomiques. “Notre révolution ne se trouve pas dans les indicateurs prédits : croissance économique, inflation, emploi, commerce international, tourisme, croissance urbaine…, mais dans leur disponibilité en temps réel. Nous donnons ainsi une vision en continu de la situation économique”, présente Thanh-Long Huynh. Prédire l’activité économique La technologie de QuantCube se base sur des “données alternatives, qui proviennent par exemple des réseaux sociaux, mais aussi des données satellitaires, de géolocalisation des navires et des avions – tout en étant conforme au RGPD”, précise le président. L’entreprise noue des partenariats pour avoir accès à ces informations. Pour les données satellites, QuantCube travaille notamment avec le Centre national d’études spatiales (CNES) et l’Agence spatiale européenne (ESA). Avec ces éléments, la société propose d’analyser en temps réel la position de quelque 80 000 navires marchands dans le monde comme indicateur du commerce international, le trafic aérien comme indicateur sectoriel du tourisme ou encore le niveau de pollution d’une ville pour dater la reprise économique à Wuhan post-Covid, par exemple. Selon les indicateurs, QuantCube ne couvre pas l’ensemble des pays du monde. “Nous étudions les pays du G7 et ceux que les investisseurs regardent le plus comme les États-Unis, la Chine, la France, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, le Royaume-Uni, le Canada, le Japon… Ainsi que les grandes zones marchandes de matières premières : le Brésil, la Russie, l’Ukraine et la France pour le blé, le Moyen-Orient et la Russie pour le pétrole…”, liste Thanh-Long Huynh. L’Inde est le prochain pays sur la feuille de route, indique le président de QuantCube. Comme pour la Chine, les données publiques concernant l’Inde sont rares, alors que l’activité du pays pèse de plus en plus au niveau mondial. Disposer d’informations sur ces pays représente donc un avantage pour un investisseur macro. QuantCube donne ainsi à ses clients une estimation de la croissance économique de la Chine en temps réel “et nous sommes capables de dire d’où vient la croissance”. Au cours de l’interview accordée à mind Fintech le 3 mars, le dirigeant a expliqué le calcul de certains indicateurs. “Nous récupérons l’ensemble des offres d’emploi du CSI 300 [le CAC 40 chinois, ndlr], ainsi que celles présentes sur les sites professionnels, et nous les agrégeons au niveau sectoriel. Dans le secteur financier par exemple, il y a une baisse de 58 % de notre indice. Quand la finance ne se porte pas bien, c’est mauvais signe, indique Thanh-Long Huynh, en maniant son logiciel. C’est pour cela que nous nous attendons à un fort ralentissement de la croissance économique. Et c’est ce qui intéresse nos clients : savoir quand la croissance accélère, décélère, ou les points de retournement”. Quand investir ? Dans quel secteur, dans quel pays ? Ce sont des réponses à ces questions que QuantCube veut aider à trouver. En combinant l’ensemble des données analysées, QuantCube est capable de fournir des indicateurs économiques reconstitués, “avec une exactitude de 98,5 % pour l’inflation, de 90 % pour le taux de croissance économique”, revendique Thanh-Long Huynh. “Nous utilisons des modèles économétriques, car ils sont explicables. Avec du deep learning, nous ne pourrions pas formuler les origines précises de la croissance économique (consommation, investissement, commerce international…)”. Réseaux sociaux et NLP La société ne fournit pas seulement des indicateurs chiffrés. Grâce à la pluralité de ses sources de données, QuantCube peut aussi donner des indications sur les choix politiques qui peuvent avoir une influence sur les marchés (élection d’un président libéral, référendum…). À cette fin, la société récupère les informations postées sur Twitter, Facebook, mais aussi sur les réseaux chinois Weibo et WeChat, pour calculer le “sentiment index”. Depuis octobre 2021, la société s’est également emparée des réseaux sociaux moyen-orientaux. En les couplant à ceux en anglais, QuantCube a dévoilé un nouvel indicateur : le “QuantCube Crude Oil Risk Sentiment”, qui permet d’évaluer au quotidien les possibles mouvements de prix liés à l’activité pétrolière. L’analyse des réseaux sociaux a pour avantage d’analyser de nombreuses réactions provenant d’une masse importante d’utilisateurs. Alors que les élections présidentielles approchent, les traditionnels sondages réunissent 1 000 à 2 000 répondants quand un réseau social d’ampleur en dénombre plusieurs millions. Ce genre d’analyse permet donc d’obtenir des résultats plus exacts, assure QuantCube. L’entreprise se vante notamment d’avoir prévu l’élection de Donald Trump (analyse de 20 millions de tweets par jour durant les élections), l’issue du Brexit ou encore le second tour opposant Emmanuel Macron à Marine Le Pen lors de l’élection présidentielle française de 2017. Diversification vers l’ESG Certains outils d’analyse sont aussi réutilisables sur d’autres segments d’activité, comme les critères ESG (économiques, sociaux et environnementaux). “À partir de briques technologiques existantes – l’analyse de données satellitaires notamment –, nous créons un outil de mesure d’impact environnemental. Nous suivons plus de 10 000 lacs en temps réel. Cela permet d’anticiper les sécheresses, avec l’impact sur l’agriculture ou les risques de tensions géopolitiques”, indique Thanh-Long Huynh. Les données de pollution initialement utilisées pour calculer le niveau d’activité servent dorénavant un second objectif écologique ; le suivi des lacs poursuit à la fois les critères ESG tout en permettant d’obtenir des indications sur le dynamisme des activités liées aux semi-conducteurs, d’après le président de QuantCube. En effet, la fabrication de ces derniers nécessite beaucoup d’eau. En élargissant les possibilités liées à sa technologie, la société d’intelligence économique veut développer une nouvelle source de revenus sans engager d’importants investissements en R&D, en s’adressant à plusieurs divisions des institutions financières. “Notre première offre vise plutôt les allocataires d’actifs tandis que celle-ci cible les départements RSE ou impact environnemental. Nous construisons une “one-stop-shop platform” pour augmenter le panier moyen par client”, dévoile Thanh-Long Huynh. Développer le segment commercial Le business model de QuantCube est basé sur l’abonnement. La société ne facture pas de frais d’installation pour la plateforme web, qui est la même pour chaque client. En 2018, le journal Les Echos estimait le prix des licences annuelles entre 50 000 et 100 000 euros. Interrogé à ce sujet par mind Fintech, Thanh-Long Huynh n’a pas souhaité communiquer les prix actuels. Selon les documents que mind Fintech a pu consulter, le chiffre d’affaires de QuantCube s’est établi à 763 497 euros pour son exercice comptable allant du 1er avril 2019 au 31 mars 2020, en augmentation de 211 % par rapport à l’exercice précédent. QuantCube ne divulgue pas le nombre de clients signés, mais indique cependant que sa solution est notamment utilisée par la Banque de France, la Banque mondiale, Société Générale, ainsi que des hedge funds global macro étatsuniens (avec plus d’un milliard de dollars d’actifs sous gestion), énumère Thanh-Long Huynh. Jusque-là, les dépenses en marketing et autres stratégies d’acquisition client ont été fortement réduites, l’entreprise se développant essentiellement grâce au bouche-à-oreille, selon son cofondateur. “La société n’emploie qu’un seul commercial, qui est basé aux États-Unis, sur 65 collaborateurs”, décrit Thanh-Long Huynh. Ce dernier avoue toutefois “qu’il faudrait plus de commerciaux à présent”. Le président de QuantCube compte d’ailleurs embaucher une douzaine de personnes sur ces postes durant les prochains mois : “nous recruterons 4 commerciaux en Europe : 2 en France, 1 pour la Suisse et le Luxembourg et 1 au Royaume-Uni, puis 3 ou 4 aux États-Unis, ainsi qu’en Asie”. Dernière levée en 2018 Pour financer ces recrutements, QuantCube veut notamment s’appuyer sur une levée de fonds en préparation de 20 millions d’euros. La société n’avait plus réalisé d’augmentation de capital depuis sa Série A de 5 millions de dollars en 2018, qui avait réuni Moody’s Corporation et Five Capital (coentreprise entre la Caisse des Dépôts et le fonds souverain saoudien Kingdom Holding). Avant cela, l’entreprise avait également récolté un million d’euros en amorçage auprès de business angels. La situation financière actuelle de l’entreprise n’a toutefois pas laissé d’autre choix au président, qui disposait, à fin 2019, de 59,7 % du capital actionnarial, que de faire appel à de nouvelles sources de financement. La société, qui a enregistré une perte nette de 1,94 million d’euros sur son dernier exercice comptable (du 1er avril 2020 au 31 mars 2021), a dû faire face à “de nombreuses dépenses non prévues initialement […] (recrutements et hausse des honoraires)”, évoque le Commissaire aux Comptes (CAC) de la société, selon un rapport du président à l’attention du comité stratégique datant du 19 novembre 2021 relatant des faits antérieurs. Pour remédier à la situation, QuantCube a contracté un prêt garanti par l’Etat (PGE) en juillet 2020 puis obtenu un bridge sous forme d’avance en compte courant d’associé de Moody’s à hauteur de 500 000 euros en novembre 2021, en attendant la levée de fonds à venir. Les données alternatives : coûteuses mais recherchées Selon une étude Grand View Research parue en août 2021, les données alternatives représentaient un marché de 1,72 milliard de dollars pour l’année 2020. Le rapport prédit un revenu de 69,36 milliards de dollars en 2028 grâce à l’augmentation des sources de données. Du côté des fonds alternatifs, les acteurs sont demandeurs. Selon le rapport, “plus de la moitié des hedge funds utilisent désormais des données alternatives pour acquérir un avantage concurrentiel”. “Cette tendance est vouée à croître, en raison des besoins grandissants, notamment sur les données ESG”, précise Marie Brière, responsable du centre de recherche investisseur d’Amundi et directrice scientifique du programme FaIR (Finance and Insurance Reloaded) de l’Institut Louis Bachelier, à l’occasion d’un webinaire de l’Institut. Malgré la demande, les barrières à l’entrée sur le marché sont élevées. Non seulement l’acquisition de bases de données alternatives peut s’avérer coûteuse, mais le capital humain pour les exploiter aussi. “La quête de talents pour analyser les données alternatives est un gros challenge. Cela constitue une barrière à l’entrée importante, car les data scientists coûtent chers”, souligne Alexander Denev, ancien responsable de Deloitte spécialisé dans l’intelligence artificielle au sein des services financiers, au cours du même webinaire. L’environnement concurrentiel de QuantCube Une start-up française intervient en partie sur le créneau de QuantCube : SESAMm, spécialisée dans les solutions de Big Data et de traitement du langage naturel (NLP) pour l’investissement. “Nous sommes semblables dans le sens où nous extrayons des données du web afin de les proposer via une plateforme à des acteurs de l’investissement comme des hedge funds”, décrit Sylvain Forté, cofondateur et CEO de SESAMm. Toutefois, l’angle macroéconomique et la pluralité des types de données analysées par QuantCube ne placent pas la société en concurrence frontale avec SESAMm. Sylvain Forté, estime qu’en sept ans d’activité commune, les entreprises se sont retrouvées en concurrence une seule fois sur un appel d’offres d’un acteur financier français. En Europe, l’Espagnol RavenPack se positionne sur le créneau des données alternatives. Et au niveau international, la plupart des acteurs sont américains. L’analyse marché de Grand View Research évoque notamment : 1010Data, Dataminr et YipitData. Caroline Soutarson analyse de donnéesbig datadataintelligence artificielleinvestissement Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire IA : QuantCube Technology lève 5 millions de dollars SESAMm lève 7,5 millions d’euros Analyse Big Data : SESAMm signe Groupama AM