Accueil > Investissement > Erich Bonnet (Smart Lenders AM) : “Avec les nouveaux acteurs du financement, nous cherchons à maximiser l’alignement des intérêts” Erich Bonnet (Smart Lenders AM) : “Avec les nouveaux acteurs du financement, nous cherchons à maximiser l’alignement des intérêts” Après un démarrage aux Etats-Unis auprès de plateformes spécialisées dans le crédit à la consommation, Smart Lenders Asset Management a mis le cap sur l’Europe. L'entreprise a notamment identifié des opportunités auprès de segments tels que le RBF ou le BNPL. Son fondateur et président Erich Bonnet dévoile le positionnement et les performances d’une société de gestion française atypique. Par Antoine Duroyon. Publié le 19 juillet 2023 à 18h06 - Mis à jour le 28 janvier 2025 à 15h48 Ressources Après des expériences dans le trading de dérivés et la gestion alternative, comment en êtes-vous arrivé à vous intéresser au segment du prêt en ligne ? J’ai découvert cette activité en 2012 à l’occasion d’une rencontre avec le fondateur de Lending Club, le Français Renaud Laplanche [qui a depuis fondé Upgrade, Ndlr]. La technologie apporte deux concepts qui me semblent fondamentaux : la désintermédiation bancaire et la digitalisation de la prise de décision financière. Fin 2014, j’ai donc lancé depuis Londres Smart Lenders Asset Management, une société de gestion dédiée à cette thématique avec l’objectif d’offrir à des investisseurs essentiellement européens un accès à cette classe d’actifs. Si les instruments sont relativement simples – il s’agit de crédits amortissables – il est plus compliqué de trouver la porte d’entrée et la bonne structuration juridique. L’ambition initiale était de cibler des opportunités aux Etats-Unis puis au Royaume-Uni, tout en surveillant le marché européen. Le Brexit a changé la donne et la société s’est installée en France au cours du second semestre 2017. Régulée par l’AMF depuis le 1er janvier 2018, la société de gestion détient le statut AIFM et une licence d’octroi de crédit. Comment avez-vous décliné votre stratégie d’investissement ? À partir de 2015, nous avons investi sur des prêts à la consommation originés par des fintech aux Etats-Unis, puis sur des prêts aux PME à compter de 2017. Le fait d’avoir débuté aux Etats-Unis a été un atout majeur, car nous avons pu développer notre expertise sur des modèles dont les acteurs européens se sont inspirés. Nos investissements en Europe ont commencé en 2019. Nous n’avons pas souhaité investir dans des fonds structurés par les plateformes de prêt en ligne, car notre métier consiste à sélectionner les meilleures plateformes et si possible les bons crédits. Nous avons plutôt essayé d’identifier là où résidait le maximum de valeur en termes de technologie et d’octroi sur ce marché du crédit désintermédié en Europe. Les plateformes de prêt étant en concurrence avec les banques, il m’a semblé judicieux de viser les fintech où le crédit est encapsulé dans un produit, ainsi que des niches à valeur ajoutée avec une moindre pression concurrentielle et des marges suffisantes. Cette approche explique notre présence en France et en Europe dans le BNPL, le RBF (revenue based financing), le leasing, les accords de partage de revenus (ISA), etc. De quelle manière intervenez-vous ? Ces acteurs sont jeunes et disposent de volumes de données historiques qui n’ont rien à voir avec ceux dont nous disposons aux Etats-Unis. À titre d’exemple, nous avons amorcé une relation avec LendingPoint qui octroie jusqu’à 5 milliards de dollars de crédits chaque année par blocs de 10 000. Nous avons donc créé pour ces nouveaux acteurs du financement un fonds fermé et sécurisé par les engagements des investisseurs qui permet aux fintech d’effectuer des tirages progressifs. Les opérations sont par ailleurs structurées et sur-mesure pour maximiser l’alignement des intérêts. Ainsi, nous avons racheté l’intégralité de la production de Silvr depuis mars 2022, ce qui nous apporte un rendement préférentiel. C’est la performance au-delà de ce rendement préférentiel qui rémunère la plateforme. Nous recevons en outre des warrants, ce qui fait que nous détenons environ 4 % du capital de la société. Avec Pledg, nous intervenons via un fonds commun de titrisation (FCT) qui totalise 25 millions d’euros. Quel est votre apport en matière de gestion du risque ? Aux États-Unis, nous travaillons avec des acteurs mûrs qui partagent l’intégralité de leurs données historiques. Cela nous permet d’appliquer notre propre modèle par dessus. Des acteurs comme Lending Club permettent d’acheter des crédits en les sélectionnant et en ajustant le prix. Nous avons développé une technologie à base de modèle d’intelligence artificielle pour gérer cette configuration. D’autres plateformes cèdent les crédits de manière aléatoire. Il faut donc faire une analyse en amont puis une autre en aval pour déterminer rapidement s’il y a une dérive par rapport à la qualité anticipée. En Europe, nous tâchons de comprendre les modèles de scoring des plateformes et d’analyser leurs performances. Puis nous organisons des rendez-vous périodiques avec les équipes pour suivre les évolutions du portefeuille. Par ailleurs, le sourcing des plateformes est un autre élément important. Nous en avons rencontré plus de 240 depuis l’origine et nous multiplions les échanges avec les VC, les business angels, les avocats spécialisés, etc. Combien de véhicules opèrent à l’heure actuelle ? Smart Lenders AM compte trois véhicules. Le premier est Moonstone Lending Fund, notre fonds ouvert de digital lending créé en juillet 2016. C’est une SICAV SIF luxembourgeoise qui gère un peu plus de 300 millions d’euros. Le deuxième est le FCT monté avec Pledg et qui avoisine les 25 millions d’euros. Enfin, notre troisième véhicule – The Lending Smart Fund – est un fonds fermé créé début 2022. Il a reçu à ce stade 55 millions d’euros d’engagements et la souscription sera clôturée fin 2023. Hormis Silvr, il accompagne aussi Student Finance, une plateforme qui opère en Espagne, au Portugal et au Royaume-Uni. Les noms de deux plateformes supplémentaires devraient être prochainement dévoilés. Quelle est votre base d’investisseurs ? Elle est principalement européenne, composée pour moitié d’institutionnels (notamment la Matmut et le fonds de pension des vétérinaires et des dentistes en Bade-Wurtemberg…) et pour l’autre moitié de family offices et HNWI (dont Romain Burnand, président de Moneta Asset Management). Comment est structurée la société ? L’équipe compte 15 personnes, avec des profils notamment tech (statistiques, data, IA) et financiers (analyse crédit). Le capital est détenu à 86 % par le management et moi-même, à 4 % par les salariés grâce à la distribution d’actions gratuites, et à 10 % par des investisseurs externes (Matmut et Maroun Eddé, PDG de Murex). Quelles performances parvenez-vous à dégager ? Pour notre fonds flagship (Moonstone), qui compte plus de 40 000 crédits à la consommation aux Etats-Unis et près de 1 000 crédits aux PME, la performance nette de frais et de défauts depuis l’origine s’élève à +5,66 % sur la part en dollars (+ 3,67 % sur la part en euros). Le meilleur millésime a été 2021 (+9,95 % en dollars et +9,26 % en euros) et le moins bon a été 2022 (+1,94 % en dollars et +0,13 % en euros). C’est un profil de fonds extrêmement diversifié, sans risque idiosyncratique et avec une granularité extrême. Cela offre un excellent couple risque-rendement, surtout pour des investisseurs institutionnels. Comment analysez-vous l’impact du contexte économique actuel ? Aux Etats-Unis, grâce aux cartes de crédit, nous disposons de données historiques sur 40 ans. Et nous avons observé un phénomène inédit. Malgré un taux de chômage au plus bas, les taux de défaut sur les crédits à la consommation ont explosé à cause de l’inflation. Les loyers, qui représentent un bon indicateur avancé, ont augmenté en moyenne de 17 % entre début 2021 et début 2022. La bonne nouvelle, c’est que l’inflation ralentit et la courbe des taux de défaut s’est inversée depuis quatre mois. Antoine Duroyon crédit en lignegestion d'actifs Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind