Fabien Monsallier : “platform58 va accompagner la création de partenariats entre les start-up et La Banque Postale”

Pouvez-vous faire le point sur le programme d’accompagnement platform58 ?

Le programme d’accompagnement comprend 18 start-up (dont cinq ne sont plus présentes physiquement dans nos locaux) et nous en hébergeons une quinzaine de plus dans nos espaces de co-working. Les premières sont arrivées en juin 2018 ; il s’agissait de YesWeHack, Cashbee et Rendement Locatif. L’équipe de platform58 compte sept personnes, dont deux entrepreneurs en résidence.

Les start-up incubées disposent de six postes de travail gratuits pendant un an, puis doivent payer pour l’hébergement si elles restent par la suite. Mais nous continuons à les accompagner dans la durée, même si c’est avec une intensité moindre pour les plus anciennes. Par exemple, la néobanque pour mineurs Pixpay a emménagé dans ses propres locaux lorsqu’elle a dépassé la vingtaine de collaborateurs mais elle continue de bénéficier gratuitement de notre accompagnement.

Quelles sont les belles réussites parmi les start-up accompagnées ?

Pendant le confinement, une première sortie a été réalisée par une start-up du programme. Il s’agit de SoftLaw, solution SaaS de gestion automatisée de contrats qui repose sur l’intelligence artificielle, rachetée par le groupe Septeo, un éditeur de solutions pour les professionnels du droit. Débuté en janvier, le processus de vente a abouti fin avril. L’équipe reste dans le programme en tant qu’alumni et devrait à son tour soutenir les start-up du programme. Libeo, solution de gestion et paiement des factures fournisseurs pour les TPE et PME, a aussi annoncé une levée de 4 millions d’euros en avril. Et YesWeHack a été retenue pour tester la plateforme StopCovid.

Comment avez-vous réagi à la crise et au début du confinement ?

Nous avons gardé le site ouvert pour les start-up mais la plupart ont décidé d’adopter le travail à distance. Nous avons organisé des webinars pour les aider à gérer leur trésorerie en temps de crise, à assurer la continuité quand elles avaient démarré une levée de fonds, à solliciter leurs actionnaires en cas de soutien financier nécessaire, etc. Nous avons élargi ces sessions à d’autres start-up que les membres de Platform58, notamment via France Fintech. 

Nous souhaitions par ailleurs conserver le rythme d’accompagnement des start-up, qui consiste à les voir tous les 15 jours, en déployant la visioconférence. Et nous nous sommes aussi donné pour objectif d’échanger individuellement avec chacun des entrepreneurs au moins une fois par semaine. Nous avons voulu leur faire comprendre que la crise sanitaire et économique allait durer et qu’il ne fallait pas viser une reprise dès septembre, mais faire en sorte d’avoir suffisamment de liquidités pour que l’horizon soit plutôt à janvier 2021. Je pense que la période de crise souligne la valeur ajoutée de l’accompagnement d’un incubateur pour les entrepreneurs. L’organisation de webinars ou de rendez-vous avec des fonds leur libère du temps pour se pencher sur d’autres sujets.

Continuez-vous à recruter des start-up dans le programme ?

Absolument. Nous avons réuni en visioconférence un comité des dirigeants de la banque pour sélectionner récemment deux nouvelles start-up, qui nous rejoindront sous peu. Il s’agit d’Hello Carbo, qui propose d’estimer et de réduire son empreinte carbone, et d’Ideel, qui optimise les abonnements des utilisateurs. Quelques places seront par ailleurs disponibles à partir de juillet ou septembre pour accueillir de nouvelles start-up. Nous avons reconfiguré l’espace à la suite de la crise : nous avons réquisitionné les salles de réunion ou de conférence pour en faire des bureaux afin de conserver la même capacité d’accueil tout en respectant les contraintes de distanciation physique. 

Des partenariats ont-ils été mis en place entre les start-up accompagnées et La Banque Postale ?

Cela n’était pas nécessairement un pré-requis au démarrage car l’enjeu est de proposer un programme d’accompagnement au même titre que Y combinator ou 50 partners par exemple. Mais des synergies voient quand même le jour. Ainsi, Rendement Locatif a été intégré dans une offre de La Banque Postale pour les clients patrimoniaux. Désormais, nous allons donc étudier plus systématiquement les synergies possibles et accompagner les start-up dans leur réalisation et le suivi des dossiers… et nous souhaitons aussi aider le grand groupe qu’est La Banque Postale à traiter ces questions dans une temporalité adaptée aux start up.

Pour autant, nous insistons sur le fait que les start-up accompagnées sont absolument libres de s’allier à d’autres banques. Par exemple, Cashbee travaille avec My Money Bank, et c’est le résultat d’efforts menés par l’incubateur pour créer le lien.

Envisagez-vous d’investir dans les start-up ?

Cela ne faisait pas partie des sujets au départ parce que nous voulons que platform58 soit un lieu d’échange et un vecteur d’innovation, sans obligation de travailler avec nous et parce que CNP Assurances [dont la Banque Postale détient la majorité du capital, ndlr] opère le programme Open CNP qui investit dans des start-up. Mais nous avons reçu des demandes de la part de start-up accompagnées et nous réfléchissons actuellement à des pistes communes.

Le programme est-il rentable grâce au coworking ? Quels sont vos KPIs ? 

Le coworking contribue à un équilibre mais un certain nombre d’éléments extra-financiers entrent également en ligne de compte. Par exemple, le fait d’être au plus près des start-up et de créer une intimité et une relation de confiance qui nous permet de nouer des partenariats serait probablement plus difficile sans Platform58. 

Nous basons avant tout notre succès sur la satisfaction des start-up et nous avons mis en place un NPS calculé tous les trimestres. Il est aujourd’hui de plus de 92. 

platform58 a aussi pour vocation d’évangéliser les collaborateurs de la banque sur les sujets du numérique. Quels sont vos efforts à ce niveau ?

Le programme d’accompagnement est gratuit pour les start-up mais tous les membres des équipes s’engagent à donner environ une journée par mois de leur temps. Cela permet d’organiser des masterclass de trois jours et demi sur l’innovation pour des collaborateurs de la banque. Notre mission est de faire suivre ce programme au top 400 de la banque dans les deux années qui viennent, à raison d’une vingtaine de personnes par mois. Une centaine l’ont déjà fait, et on observe chez eux une vraie envie de transformation. L’enjeu est d’en faire un vecteur d’innovation, pour que les collaborateurs, sur leurs projets, pensent à la fois aux KPIs financiers, à l’innovation et à la pérennité des solutions qu’ils développent. Entre le premier et le troisième jour, les postures changent. À la fin, les collaborateurs pitchent un projet construit ensemble pour mettre en pratique les enseignements de la masterclass. 

Quels enseignements tirez-vous après deux ans d’accompagnement ?

Nous nous sommes rendus compte que le CTO est souvent le grand oublié des programmes d’accompagnement alors que c’est une fonction centrale dans une start-up. Nous allons notamment organiser des dîners réservés aux CTO des start-up accompagnées afin qu’ils se rencontrent et puissent échanger.