Accueil > Investissement > Lior Derhy (NewAlpha AM) : “Nous croyons beaucoup à l’assurance embarquée” Lior Derhy (NewAlpha AM) : “Nous croyons beaucoup à l’assurance embarquée” Pionnier de l’investissement en capital-risque dans les fintech sur le marché français, New Alpha Asset Management accompagne plusieurs acteurs sur le devant de la scène, dont Lydia, Lovys, SESAMm, Garantme ou plus récemment Neat. Avec déjà plusieurs cessions à son actif, la filiale du groupe La Française affiche un solide track record. Pour mind Fintech, son managing partner Lior Derhy revient sur la trajectoire d’investissement, partage ses convictions et commente l’environnement de marché. Par Antoine Duroyon. Publié le 22 février 2023 à 10h45 - Mis à jour le 28 janvier 2025 à 15h50 Ressources Filiale de La Française, NewAlpha Asset Management a lancé en novembre 2015 le premier fonds français de capital-risque dédié à la fintech. Pourquoi ce choix ? Il y avait à l’époque une réelle effervescence autour de la fintech. Des acteurs corporate se mettaient en ordre de bataille. Le Crédit Mutuel Arkéa, par exemple, était déjà très actif sur le marché français. Chacun avait une définition variable du phénomène. Nous voulions mieux le connaître et le comprendre pour en faire bénéficier nos investisseurs et dégager de la performance. Nous avons lancé ce premier fonds dédié en novembre 2015, avec un closing final en 2017 [à hauteur de 56 millions d’euros, avec le soutien de Bpifrance, Ndlr]. Notre idée consistait à accompagner les entrepreneurs français essentiellement. À l’époque, nous visions des tours de Série A et Série B, mais il s’agirait plutôt aujourd’hui de tours de Seed et Série A. Notre ticket cible était dans la zone des 1,5 à 2 millions d’euros, avec la possibilité de monter jusqu’à 6 millions d’euros au fil du temps. Quelle était votre stratégie d’investissement ? En 2015, lancer un fonds spécialisé en fintech, c’était déjà un parti pris en soi. Personne ne l’avait fait sur le marché français. Nous voulions nous intéresser aux initiatives entrepreneuriales qui allaient accompagner la transformation digitale des acteurs de l’industrie financière. Ces sociétés peuvent proposer des services et produits financiers en tant que tels ou opérer une activité fondamentale dans une perspective de transformation numérique. C’est le cas par exemple de la cybersécurité avec Itrust. Cela reste notre approche à ce jour. Combien d’investissements avez-vous réalisés ? Nous avons bouclé 22 opérations pour un investissement cumulé de plus de 60 millions d’euros. Il y a encore de la capacité, car nous disposons d’un deuxième fonds actif, dont le premier closing est survenu en juillet 2020. Au total, nous avons collecté environ 93 millions d’euros. Sur le deuxième millésime, pour lequel nous avons reçu des engagements provenant d’entrepreneurs fintech (en qualité d’investisseurs professionnels), nous en sommes déjà à 9 investissements. L’année 2022 a été particulièrement intense, avec 11 opérations. Plus précisément, nous avons réalisé trois opérations de cession [Digital Insure, HelloPrêt et Inqom, Ndlr], quatre investissements nouveaux [Climb, Neat, Lizy et Next Gate Tech, Ndlr] et quatre investissements complémentaires pour nos participations existantes. Nous croyons beaucoup à l’assurance embarquée, ce qui nous a poussé à signer les opérations avec le Français Neat et Le Britannique Jove, plus early-stage. Lizy, une plateforme multimarque de leasing de véhicules d’occasion pour les PME, est une autre illustration de cette imbrication des processus financiers (paiement, financement, assurance, etc.) dans des parcours d’achat en ligne. Nous avons investi en 2022 dans cet acteur d’origine belge qui veut s’attaquer au marché français. Comment se sont déroulées ces sorties ? Les cessions ont porté sur le premier fonds qui a eu sept ans l’année dernière. D’autres processus de vente sont en cours. C’est à la fois normal et enthousiasmant d’être parvenu à ce stade. Grâce à ces quatre premières cessions, nous avons commencé à rembourser très significativement nos investisseurs. La vente d’Inqom (ex-Fred de la Compta) à Visma a été une très belle opération sur le terrain de l’automatisation comptable. Cette acquisition a marqué une reconnaissance de la qualité de la technologie qui a été développée. Une autre opération remarquée a été l’acquisition à l’été 2020 par un géant américain de la tech de Mobeewave, un acteur canadien du softPOS [selon Bloomberg, l’acquéreur est le groupe Apple, Ndlr]. Quelles sont les performances de votre portefeuille ? Ce que je peux vous dire, c’est que nous enregistrons à ce stade un TRI [taux de rendement interne, Ndlr] de 20 % à 25 % sur notre premier fonds, en grande partie déjà réalisé. Vous avez investi dès 2016 dans Lydia. Quelle était votre conviction ? Nous étions en lead sur la levée de 7 millions d’euros de 2016. Le facteur humain a beaucoup joué dans ce dossier. Nous étions convaincus par la simplicité de la promesse – envoyer de l’argent grâce à un numéro de téléphone – mais aussi par la vision séquencée de l’équipe dirigeante. Nous avons toujours réinvesti jusqu’au stade où nous ne pouvions objectivement plus le faire. Il s’agit bien sûr aujourd’hui de notre plus grosse ligne dans le portefeuille [Lydia a dépassé le milliard de dollars de valorisation à l’occasion d’une levée de 103 millions de dollars en 2021, Ndlr]. Inversement, Unilend constitue le seul échec dans votre portefeuille. Que retirez-vous de cet épisode ? Si l’on se replace dans le contexte de l’époque [NewAlpha a investi en 2016, Ndlr], l’environnement était positif pour le crowdlending. L’évolution du cadre réglementaire permettait de contourner le monopole bancaire et on observait une volonté de flécher l’épargne dans des projets porteurs de sens après la crise de 2008. Chez Unilend, la qualité d’exécution était bonne. Il y a eu un peu de déchets dans le portefeuille sur les premières cohortes, mais nous avons pu leur apporter notre expérience de gestionnaire d’actifs. À dire vrai, la fin de l’histoire est plutôt ridicule [la société a été placée en liquidation judiciaire fin 2018, Ndlr]. Un processus de cession était en cours avec un acteur bancaire. Tous les signaux étaient au vert, mais l’acquéreur pressenti s’est rétracté à une semaine de la signature. Nous n’avons pas eu le temps de trouver une solution de repli. Cet épisode a laissé un arrière-goût amer. Comment avez-vous vécu la période récente de resserrement des valorisations ? En ce qui nous concerne, le marché était en pleine euphorie au moment du lancement de notre deuxième fonds. Il y avait beaucoup d’interrogations sur les niveaux de valorisation. Nous sommes restés sélectifs sur nos opérations. L’expérience montre qu’à la sortie, c’est toujours difficile, même lorsque les conditions sont optimales. Chaque euro compte, d’où la nécessité d’une extrême rigueur sur les prix d’acquisition. Une opération, c’est une entreprise, une transaction et une stratégie. Si la société et la stratégie sont géniales, mais que la transaction ne fait pas de sens pour nous, il vaut mieux se tenir à l’écart. Du côté des entreprises, il y a eu un mouvement de “flight to quality” [fuite vers la qualité, Ndlr]. Les entreprises qui ont su démontrer suffisamment de qualité d’exécution, à la fois en termes d’indicateurs d’activité et de relationnel, auprès de leurs investisseurs historiques, ont passé la tempête dans de bonnes conditions. Les entreprises qui n’ont pas réussi à le faire assez, en particulier au niveau de la relation attendue avec les actionnaires, ont rencontré des difficultés. Comment se porte l’investissement early-stage ? Le nombre d’investisseurs capables de suivre des tours de Série B est beaucoup plus réduit, et ces acteurs sont souvent étrangers. Ils ont été très affectés par la dégradation des valorisations dans la tech. Il y eu très peu de monde sur ce segment en 2022 avec un assèchement structurel. En revanche, notre cartographie annuelle des fintech early-stage montre qu’il y a eu davantage de levées pour ces sociétés [leur part dans les investissements est passée de 29 % en 2021 à 35 % en 2022, Ndlr], avec des tickets moyens qui se sont moins dégradés que ceux des séries plus importantes [-36 % pour les fintech early-stage, contre -61 % pour les fintech de plus de 5 ans, Ndlr]. Le segment de l’early stage a donc été plutôt préservé, y compris au niveau des valorisations qui ont légèrement progressé. Il faut toutefois faire attention au nombre d’opérations qui ont été annoncées, car il y a eu beaucoup de bridges en 2022. On parle de plus en plus de durabilité dans les processus d’investissement. Quelle est votre approche en la matière ? Depuis 2019, nous adoptons avec le groupe EthiFinance une démarche concrète. Nous avons défini un questionnaire de due diligence ESG adapté au secteur fintech et au niveau de maturité des sociétés que nous sommes amenés à évaluer. Nous disposons donc d’une grille d'analyse qui répond à ces deux critères. L'objectif est d'avoir une évaluation en amont de l’investissement, puis de suivre l'évolution année après année. Nous incluons par ailleurs dans nos Term Sheets la réalisation d'un audit ESG. Cela fait un moment qu'on réalise des opérations en co-investissement et nulle part nous n’avons vu ce type de condition posée dès ce moment-là. Tous les mois, mind Fintech vous propose un entretien avec un investisseur actif dans le secteur fintech. Lire tous les entretiens Antoine Duroyon capital-risque Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind