Accueil > Investissement > Pourquoi les ventes du wallet sécurisé de Ledger ont décollé Pourquoi les ventes du wallet sécurisé de Ledger ont décollé Ledger a écoulé 350 000 wallets depuis avril 2017. La start-up propose aux détenteurs de crypto-monnaies une solution hardware sécurisée pour gérer les clés privées mais aussi flexible, qui permet de s’adapter à un marché très mouvant. Par Aude Fredouelle. Publié le 03 novembre 2017 à 9h00 - Mis à jour le 18 mai 2021 à 17h20 Ressources En quelques mois, la start-up Ledger a changé de dimension. Les ventes de son wallet, qui permet de sécuriser les crypto-monnaies, ont explosé en même temps que le marché des monnaies virtuelles, passé d’une valorisation globale de près de 17,68 milliards de dollars début janvier à 179,3 milliards actuellement, selon Coinmarketcap. En avril, à l’occasion de l’annonce d’une levée de fonds de 7 millions d’euros menée par la MAIF (qui est depuis sorti du capital, cf encadré), Ledger revendiquait 50 000 wallets hardware écoulés depuis son lancement en 2015. Six mois plus tard, la start-up a franchi les 400 000 produits vendus dans 165 pays. Pourquoi Ledger intéresse-t-il tant les détenteurs de crypto-monnaies ? Les détenteurs de crypto-devises ont le choix entre plusieurs solutions pour gérer leurs clés privées, qui prouvent qu’ils sont bien les propriétaires des tokens achetés. Ils peuvent passer par des plateformes comme l’américaine Coinbase par exemple, et leur confier leurs clés. De plus en plus régulées et contrôlées, elles présentent désormais peu de risques de hacking ou de contrepartie, reconnaît Eric Larchevêque, cofondateur et CEO de Ledger. Mais dans ce cas, l’utilisateur ne peut investir que dans les crypto-monnaies proposées par le tiers de confiance (sur Coinbase, par exemple, Bitcoin, Ethereum et Litecoin). Surtout, avance Eric Larchevêque, “pour beaucoup de détenteurs, les crypto-monnaies représentent une application financière alternative aux monnaies fiat contrôlées par les gouvernements et sont protégées en cas de défaillance du système. Confier ses fonds à un tiers soumis à de fortes contraintes de régulation, c’est perdre cet avantage.” Et d’ajouter : “Le credo de la communauté bitcoin, c’est que celui qui ne possède pas ses clés privées ne possède pas ses bitcoins.” Les utilisateurs peuvent donc décider de passer par des solutions de wallet pour gérer eux-même leurs clés privées. Certaines reposent uniquement sur du software mais Ledger a choisi de passer par une solution hardware sécurisée. Il faut dire que la start-up revendique venir de “l’univers de la carte à puce et du hardware sécurisé”. Nicolas Bacca, CTO, a en effet travaillé pendant 5 ans chez Oberthur sur les systèmes de cartes sécurisés puis a cofondé BT Chip, qui a développé la première version de ce qui est devenu le wallet Ledger. Un triptyque hardware, OS et applications Ledger a élaboré une solution combinant du hardware, du software et un app store où chaque crypto-monnaie a son application dédiée où sont gérées les clés privées. Le hardware repose sur des micro-processeurs qui garantissent que les informations contenues ne pourront pas être extraites par des attaques physiques et que le code ne pourra pas être modifié. “Nous utilisons le même type de microprocesseur sécurisée qu’on retrouve dans une carte de crédit ou un passeport”, décrit Eric Larcheveque. Ensuite, “il fallait faire tourner du code dedans. Mais les systèmes d’exploitation (OS) qu’on connaît pour les cartes à puce, pour gérer des problématiques de sécurité Visa ou Mastercard par exemple, n’avaient pas la flexibilité nécessaire pour fonctionner avec des applications blockchain. Nous avons donc construit un OS qui permet d’utiliser les fonctionnalités d’isolation du hardware tout en offrant des SDK [kits de développement, ndlr] modernes.” L’intérêt de cette combinaison hardware/OS ? “Les applications ne peuvent pas communiquer , donc si l’une d’entre elles est corrompue, elle ne peut pas attaquer les autres. La ligne de défense du hardware est infranchissable.” Une sécurité qui permet à Ledger d’ouvrir son OS aux développeurs externes et de publier rapidement de nouvelles applications. “Le go-to-market est très rapide : nous pouvons valider une application dédiée à une crypto-monnaie en quelques heures”, commente le CEO. Résultat : lors du fork entre Bitcoin et Bitcoin Cash, en août dernier, Ledger a pu proposer rapidement une application dédiée. Sur Coinbase, au contraire, Bitcoin Cash ne sera par exemple disponible qu’en janvier 2018. Les plateformes qui disposent d’un code monolithique doivent s’assurer que le nouveau code ne pose aucun risque et ne causera pas de faille critique, ce qui ralentit leur cycle de distribution. Ledger propose aujourd’hui 18 applications, dont une pour gérer tous les tokens d’ICOs. 400 000 wallets écoulés Depuis son lancement, Ledger a donc écoulé plus de 400 000 unités, dont 350 000 depuis avril dernier. Le tout, sans dépenses marketing. Ledger réfléchira à partir de novembre sur un plan de communication, grâce aux fonds levés en avril. Le produit phare, le Ledger Nano S facturé 69,60 euros, représente le gros des ventes. Son principal concurrent, l’américain Trezor, vend le sien pour 106 euros. Ledger commercialise aussi le Ledger Blue, avec un écran tactile, pour 274,80 euros. Une fois reçu, l’utilisateur doit extraire ses clés privées et reçoit une suite de 24 mots, qu’il doit noter et conserver dans un coffre-fort : ils lui permettront de retrouver ses clés en cas de perte du wallet. Industrialiser la production Ledger a eu du mal à répondre à l’explosion de la demande de ces derniers mois mais a désormais atteint une capacité de production de 4 millions d’unités par an. 300 personnes sont dédiées à notre chaîne de production en Chine, via un EMS (Electronics Manufacturing Services, fabricant de composants électroniques, ndlr), explique Eric Larchevêque.Nous allons désormais ouvrir des usines dans d’autres zones géographiques pour des questions d’optimisation logistique et de taxes douanières, ajoute le dirigeant. La start-up doit aussi industrialiser la production du produit Blue. Son unité de production de Vierzon se concentre sur les éditions spéciales. Ledger enregistre environ un tiers de ses ventes aux Etats-Unis, un tiers en Europe et un tiers en Asie. Outre les Etats-Unis, les pays les plus demandeurs sont l’Allemagne, les Pays-Bas, le Japon, la Chine ou encore la Corée du Sud. Environ 60% des ventes sont réalisées en direct sur le site, dont un petit pourcentage d’affiliation. 30% viennent de commerçants partenaires. Les 10% restants sont des éditions spéciales créées à la demande, par exemple pour une ICO, avec des couleurs et des logos personnalisés. Vault : une application sous licence pour la multi-signature Lors du tour de table de 7 millions d’euros, Ledger annonçait que la start-up allait désormais “commercialiser en BtoB son système d’exploitation pour permettre à des institutions financières de mettre en place des fonds de crypto-monnaies sécurisés”. “Nous demeurons une entreprise de consumer electronics, tient à souligner Eric Larchevêque, mais nous diversifions nos produits et y ajoutons des applications payantes.” Le wallet Ledger est en fait déjà utilisé par des institutions financières qui investissent dans les crypto-monnaies et ont besoin de les sécuriser. “Elles combinent généralement du stockage sur les plateformes d’échange, en acceptant le risque de contrepartie, et des solutions hardware comme la nôtre.” Problème : “c’est acceptable pour quelques dizaines de millions de dollars mais pas pour des investissements en centaines de millions, voire en milliards de dollars. Il y a un problème de gouvernance et de sécurité. Où le device est-il conservé ? Qui peut y avoir accès…”, pointe Eric Larchevêque. L’application Vault, créée par Ledger en partenariat avec Gemalto, propose des solutions de serveurs sécurisés contrôlés par plusieurs hardwares wallets qui agissent comme des signataires, avec ouverture retardée. Aujourd’hui, elle est accessible aux entreprises (dépositaires, banques, fonds alternatifs…) et commercialisée en SaaS (software-as-a-service) selon la valeur des actifs sous gestion. Quelques clients ont été sélectionnés par la start-up pour commencer ; “des entreprises de premier plan dans l’univers financier classique”. Mais elle sera ensuite proposée aux particuliers, fin 2018 : “pour régler les problèmes de gouvernance et associer au wallet un tiers, un avocat, un membre de sa famille…”, annonce le CEO. Structurer et s’adapter à la demande Joël Pobeda , cofondateur, nous annonçait en avril que cette activité BtoB représenterait 15 à 20% du chiffre d’affaires en 2017. Mais l’explosion des ventes du wallet a redistribué les cartes. “Nous enregistrerons environ 1% du chiffre d’affaires sur Vault cette année et probablement 5% à 10% en 2018” , prévoit Eric Larchevêque. “L’enjeu actuel, pour Ledger, est de se structurer à tous les niveaux pour pouvoir répondre à la demande.” La start-up, qui comptait une trentaine de collaborateurs en avril, en a désormais plus de 60 et cherche à en recruter 40 supplémentaires. Ledger a dégagé un chiffre d’affaires de 500 000 euros en 2015 pour une perte de près de 800 000 euros et un chiffre d’affaires de 1,5 million d’euros en 2016 avec un résultat à l’équilibre. Joël Pobeda nous disait en avril viser 8 à 9 millions de CA en 2017 mais l’objectif a déjà été “largement dépassé”, selon le CEO. La barre des 500 000 wallets écoulés sera dépassée avant la fin de l’année et la start-up compte en vendre au moins un million en 2018. Fournisseur d’infrastructure blockchain L’explosion des ventes du wallet n’a cependant pas fait oublier à Ledger ses autres ambitions. La start-up travaille sur des applications blockchain industrielles (smart grid, traçabilité industrielle, voiture autonome, recharge automatique…). “Nous voulons donner des capacités blockchain en proposant notre OS sous licence et en intégrant des microprocesseurs dans des devices IoT existants”, décrit Eric Larchevêque. Des équipes dédiées ont été formées pour travailler avec quelques industriels dans les secteurs de l’énergie et de l’industrie lourde, avec pour objectif une génération de chiffre d’affaires d’ici 3 à 5 ans. “Nous voulons devenir un géant industriel global qui fournit l’infrastructure pour déployer des applications blockchain”, décrit Eric Larchevêque. Pour convaincre les industriels de sa solution mais aussi apporter un nouvel argument de vente à son wallet, Ledger cherche à certifier sa solution et à rassurer ses clients contre les attaques. “Nous obtiendrons des premiers certificats d’auditeurs en 2018”, annonce le CEO. MAIF Avenir est sorti du capital de Ledger Six mois seulement après avoir mené un tour de table de 7 millions d’euros de Ledger, aux côtés de son investisseur historique XAnge, MAIF Avenir, le fonds de corporate venture de l’assureur, a discrètement annoncé être sorti du capital de la société. Le 16 octobre dernier, l’assureur a dévoilé la vente des parts en deux lignes, dans un communiqué de presse publié sur son site.Selon nos informations, la MAIF, qui s’était associée avec Ledger par intérêt pour ses pilotes avec des acteurs de l’industrie, en tant que fournisseur d’infrastructures, a souhaité revendre ses parts à un moment où le business des wallets en lien avec l’investissement dans les crypto-monnaies a explosé. L’assureur a réalisé une plus-value en revendant ses parts aux fondateurs, qui détiennent désormais 65% du capital. Aude Fredouelle bitcoinblockchaincryptoactif Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind