Accueil > Investissement > Solutions d'investissement > Mounir Laggoune : “Finary agrège 75 milliards d’euros d’actifs pour ses 250 000 utilisateurs” Mounir Laggoune : “Finary agrège 75 milliards d’euros d’actifs pour ses 250 000 utilisateurs” La plateforme d’agrégation du patrimoine Finary s’est lancée en 2023 dans l’investissement, en commençant par les cryptoactifs en partenariat avec Bitstamp. Une première étape au sein d’une stratégie plus large que nous expose le CEO Mounir Laggoune. Celle-ci vise à offrir aux utilisateurs de nombreux produits d’investissement et à intégrer une part croissante de conseil - notamment grâce à l’intelligence artificielle et aux grands modèles de langage. Par Aude Fredouelle. Publié le 13 décembre 2023 à 10h30 - Mis à jour le 28 janvier 2025 à 15h48 Ressources Lors d’une précédente interview, en février 2022, vous indiquiez à mind Fintech compter 30 000 utilisateurs, après un lancement début 2021. Qu’en est-il aujourd’hui ? Nous réunissons 250 000 utilisateurs et agrégeons 75 milliards d’euros d’actifs pour leur compte [Finary expliquait début 2022 lors d’une levée en crowdfunding en cibler un million d’ici fin 2023, Ndlr]. 90 % des utilisateurs résident en France et nous couvrons l’international principalement via des expatriés : des Américains en France et des Français aux Etats-Unis, mais aussi en Suisse, en Belgique, en Allemagne et au Luxembourg. Au sein de notre base, nous avons réussi à fédérer une communauté de 100 000 utilisateurs actifs, souvent CSP+, multibancarisés, avec des patrimoines diversifiés, et cela se traduit dans les usages et sur notre forum. Cette communauté nous a aussi permis de réaliser avec succès une levée en crowdfunding [2,1 millions d’euros levés en Série A sur Crowdcube en mars 2022 auprès de 989 investisseurs pour une valorisation pre-money de 45,6 millions d’euros, Ndlr] et de faire du forum Finary le deuxième forum finance de France. Nous travaillons aussi beaucoup sur notre chaîne YouTube, qui compte 45 000 abonnés. Quelle est votre couverture en termes d’agrégation ? Nous sommes connectés à plus de 20 000 établissements. L’Europe et l’Amérique du Nord sont nos deux zones géographiques de prédilection. Surtout, nous couvrons toutes les classes d’actifs, et avec une précision très fine : nous agrégeons des millions d’actifs financiers et nous pouvons fournir des informations détaillées. Pour l’assurance-vie, par exemple, nous donnons les informations sur la composition des unités de compte, les frais, les dividendes…. Nous valorisons aussi les biens immobiliers chaque semaine grâce à une fourchette de prix dans la zone donnée. Nous passons par Powens et Plaid pour récupérer la donnée brute puis nous réalisons un gros travail d’enrichissement pour toutes les classes d’actifs. A quoi donne accès Finary Plus, cet abonnement facturé 10 euros par mois ? Finary Plus apporte des “insights”, qui sont des recommandations et analyses sur les frais cachés, les dividendes ou encore les investissements les plus populaires de nos utilisateurs pour chaque classe d’actifs. Nous lançons aussi une fonctionnalité “cashflow”, qui nous a été très demandée : elle permet de visualiser toutes les entrées et sorties d’argent et ensuite de comprendre son taux d’épargne, si l’on peut économiser et épargner plus. Par exemple, nous pouvons vous dire que si vous dépensez X euros de moins en resto tous les mois, ça vous fera X euros dans X années si vous le placez dans tel produit. Et nous affichons désormais toutes les transactions des comptes, ce qui n’était pas le cas avant. Nous allons déployer dans les semaines à venir une nouvelle catégorisation, créée en interne, pour analyser les dépenses, puis mettre en place le fameux cashflow. Plaid lance une solution d’analyse du cash-flow Quelle est la part des abonnés Finary Plus ? Nous ne la révélons pas, mais c’est un pourcentage à deux chiffres sur les utilisateurs actifs, c’est-à-dire ceux qui ont connecté au moins trois établissements et ont ouvert l’application dans les 90 derniers jours – ils sont 100 000 aujourd’hui. Nous avons lancé aussi un nouvel abonnement, Finary Lite, qui permet des connexions illimités aux établissements et plateformes [contre trois établissements pour la version gratuite, alors que c’était avant illimité, Ndlr]. La formule Lite a été introduite à la fin du premier trimestre 2023 pour une raison assez simple. Pour faire de Finary une entreprise économiquement viable et rentable, il était nécessaire de limiter l’expérience gratuite pour récompenser ceux qui s’abonnent. Et cette décision a eu le plus gros impact sur le chiffre d’affaires depuis la création de l’entreprise. Vous avez annoncé en octobre 2023 le lancement d’une offre d’investissement programmé en cryptoactifs, en partenariat avec la plateforme d’échange luxembourgeoise Bitstamp. Nous comptons déjà des milliers de clients sur ce produit qui ont investi plusieurs millions d’euros. Nous observons une croissance assez forte, selon nous liée au produit mais aussi à la classe d’actifs, pour laquelle on observe un regain d’intérêt. Nous avons réalisé un sondage auprès de nos utilisateurs fin 2022 en leur demandant dans quelles classes d’actifs ils voulaient investir et les cryptoactifs sont ressortis en tête. Pour l’instant, nous proposons du DCA [investissement programmé, Ndlr] crypto mais aussi, parce qu’il y a eu une forte demande pour faire des ordres au comptant, du spot, qui représente déjà 50 % du volume. Nous travaillons aussi sur le yield, via du staking, du lending… Nous avons souhaité automatiser le plus possible les processus : nous donnons aux clients un IBAN français qui leur permet par exemple de déposer de l’argent via un virement instantané. Pour ça, nous passons par notre partenaire de Banking-as-a-Service Fiat Republic, qui fournit des comptes bancaires avec un IBAN français et permet de faire du virement instantané. Swan, par exemple, ne s’adresse pas aux sociétés traitant des cryptoactifs car elle s’appuie sur BNP Paribas. Nos utilisateurs peuvent déposer jusqu’à 100 000 euros sur Finary gratuitement via un virement instantané, ce qui représente aujourd’hui 60% des virements réalisés. Les frais de cette offre sont aussi très compétitifs : de 1,49 % à 0,49 % selon le montant investi. Nous passons par Bitstamp, mais nous ne nous interdisons pas de faire appel demain à d’autres plateformes. L’objectif est de proposer le meilleur prix et le plus de paires pertinentes. Nous ne proposons en tout cas pas de cryptoactifs qui n’ont pas de fondamentaux, comme le Dodge ou le Shiba. Dans les faits, 45 % du volume d’investissement est réalisé dans le bitcoin, 32 % dans l’ether et ensuite, beaucoup dans Solana et Ripple. Nos clients n’ont pas vraiment d’intérêt pour les petits projets qui viennent de sortir et voient l’investissement crypto comme un élément de diversification de leur patrimoine. Les clients sont à la fois des utilisateurs existants et des prospects. Mais la majorité sont des abonnés Finary Plus, déjà très engagés sur la plateforme – dans ce cas, les frais s’élèvent à 0,99 % quel que soit le montant investi. Nous avons obtenu l’enregistrement PSAN auprès de l’AMF fin 2022. Aujourd’hui, les investisseurs ont beaucoup de doutes sur les acteurs en place, de craintes sur la régulation, d’autant plus pour ceux qui ont perdu de l’argent dans des affaires comme FTX. Ils privilégient un acteur Français et régulé. Aujourd’hui, nous avons une belle offre sur la crypto, mais demain, nous proposerons d’autres classes d’actifs. Nous voulons devenir une plateforme d’investissement et couvrir tout le spectre des investissements pour le cadre supérieur, qui n’est à 85 % pas accompagné par un conseiller. Allez-vous jusqu’à conseiller certains cryptoactifs ? Non, il n’y a pas de dimension de conseil. Nous proposons des collections, c’est-à-dire des assemblages de crypto. Celle avec ethereum et bitcoin rafle la plupart de la mise, mais nous avons aussi une collection Defi, une collection Green planet avec du proof of stake… Nous réfléchissons aussi à proposer un “insight” pour dire à nos utilisateurs quel pourcentage de leur patrimoine ils devraient investir dans la crypto, en analysant la part allouée par nos utilisateurs avec un patrimoine similaire. En général, la proportion oscille entre 3 et 10 %. Vous aviez indiqué vouloir vous différencier avec des produits d’investissement inédits, comme le private equity, dont la barrière à l’entrée est aujourd’hui élevée. Qu’en est-il ? Nous travaillons sur le sujet avec un partenaire spécialisé qui n’a encore jamais travaillé avec du retail ni une plateforme en ligne. Et nous regardons aussi les actions, les ETF, les enveloppes (compte titre, assurance vie, PER, PEA), la SCPI… Il y a beaucoup de possibilités et nous prenons notre temps. Pour la crypto par exemple, nous voulions l’enregistrement PSAN pour avoir la latitude de travailler avec les partenaires qui nous plaisaient le plus, mais ce n’est pas toujours une obligation. Pour le compte titre, nous pourrions travailler avec un partenaire sans être PSI, par exemple. Cette approche permet d’être plus rapide et de mettre un pied à l’étrier, comme le fait Revolut par exemple en proposant l’investissement en actions via des partenaires. Comment allez-vous vous différencier des concurrents, de plus en plus nombreux, proposant des produits d’investissement ? Notre clé de lecture, c’est de se demander systématiquement : qu’est ce qu’on peut apporter de plus qu’un Trade Republic ou un Revolut, sur un compte titre par exemple ? Si la réponse est “rien”, alors nous ne le lançons pas. Mais il y a plein de choses que ces acteurs ne proposent pas car ils restent européens et ne veulent pas développer des produits trop spécifiques, et c’est là que peut résider notre valeur. En France, 90 % des volumes vont dans l’assurance vie, et nous pourrions proposer quelque chose sur ce créneau. Et l’innovation passe aussi par les frais : par exemple, la plupart des courtiers crypto appliquent des frais importants sur le passage d’ordre, le dépôt d’argent par carte bancaire… Nous sommes très compétitifs à ce niveau. En quoi consiste Finary AI, service pour lequel vous proposez à vos utilisateurs de s’inscrire sur liste d’attente ? L’expérimentation est toujours en cours. L’objectif est de voir jusqu’où nous pouvons aller avec Chat GPT4. Nous avons construit un conseiller IA et nous l’avons testé pendant plusieurs mois. C’est très puissant et nous sommes en train de le baliser et de le packager pour le rendre accessible à nos utilisateurs. L’objectif est de les accompagner de façon extrêmement personnalisée. Le point de départ est le bilan patrimonial. Comme chez un conseiller, un peut demander à l’assistant de sortir en 30 secondes un bilan complet puis lui poser des questions subsidiaires : des pistes d’amélioration qui découlent de cette analyse, les choix que font les autres utilisateurs, les points forts et faibles du bilan… Nous ne sommes pas partis sur une approche conversationnelle : il s’agit d’abord simplement d’un bilan. Nous n’avons pas encore décidé si nous allons le mettre à disposition des utilisateurs directement ou si nous allons former des conseillers Finary qui interagiront avec eux. Nous sommes agréés CIF, mais nous n’avons jusqu’ici jamais délivré de conseil à proprement parler, mais si la demande va vers ça, pourquoi pas ? Quels sont vos canaux d’acquisition ? Notre axe différenciant est avant tout d’être la meilleure plateforme pour suivre son patrimoine et c’est la promesse grâce à laquelle nous attirons les utilisateurs, avec une agrégation très simple et exhaustive. Nous ne faisons que très peu de publicité, à hauteur de quelques milliers d’euros par mois. Nos plus gros canaux d’acquisition, pour 80 %, sont le bouche à oreille et notre stratégie média. Lors de votre campagne en crowdfunding, vous annonciez une expansion internationale. Quels sont vos projets en la matière ? Nous nous concentrons avant tout sur la France, qui est un marché extrêmement profond. Nous regardons ensuite vers les Etats-Unis, dont le potentiel est énorme, et où nous aimerions nous lancer l’année prochaine en ouvrant un bureau à New York. L’objectif est déjà d’atteindre la rentabilité en France, en 2024. Quel est votre chiffre d’affaires ? Nous ne communiquons pas notre chiffre d’affaires. Sa composition change rapidement : jusqu’à octobre, il était à 100 % constitué par les abonnements, mais depuis, les commissions crypto croissent rapidement même si cela reste encore petit. Nous gérons déjà des centaines de milliers d’euros d’abonnements par mois, et c’est quasiment uniquement de la marge, alors qu’il faut miser sur le volume quand nous nous rémunérons à la commission. Avec notre produit crypto, nous gérons déjà des millions d’euros de transactions par mois. Notre focus, même si nous voulons démocratiser l’investissement et que nous proposons une version gratuite de Finary, est d’offrir la meilleure expérience à la petite part de clients qui investissent beaucoup, pour atteindre la rentabilité. Hormis l’investissement crypto, quelles autres nouveautés avez-vous lancées en 2023 ? Les utilisateurs peuvent faire un KYB pour onboarder leur entreprise et investir leur trésorerie. Nous avons aussi ouvert un support par téléphone, même si peu d’utilisateurs y recourent – un sur 1 000 en moyenne – cela rassure. Nous allons sortir dans les semaines qui arrivent le mode “holding” pour suivre son patrimoine professionnel en plus du personnel (ajouter son EURL, les actionnaires, les comptes bancaires professionnels…). Début 2022, vous aviez indiqué à mind Fintech tester une version BtoB pour les CGP. Cette activité est-elle encore d’actualité ? Nous l’avons en effet développée et nous avons des cabinets clients. Nous servons encore quelques dizaines d’entre eux et il s’agissait uniquement de demandes entrantes, parfois via des utilisateurs de Finary. Mais nous avons mis cette activité en pause, car nous observons beaucoup d’intérêt en BtoC et nous n’avons pas des ressources illimitées. L’autre sujet, c’est que nous sommes en train de créer une marque dans laquelle les utilisateurs ont confiance. Alors pourquoi la diluer au profit de cabinets ? La vision, c’est d’utiliser toutes nos technologies pour faire le conseil nous mêmes et l’offrir à nos utilisateurs. Vous nous aviez aussi dit travailler sur des services liés à la fiscalité… C’est un sujet très important mais nous n’avons toujours pas trouvé de produit qui a fondamentalement résolu ce problème. Nous creusons le sujet actuellement pour trouver le bon angle : optimisation fiscale, aide à la déclaration, ingénierie financière ? Nous pourrions proposer plein de choses, très différentes, qui ne parlent pas à tout le monde. L’optimisation fiscale, par exemple, je n’y crois pas tellement : cela pousse souvent à vendre des produits qui ne sont pas très intéressants. Combien de collaborateurs travaillent chez Finary ? Nous sommes 32 collaborateurs et n’avons pas prévu de beaucoup grossir, pour conserver notre vélocité. Nous étions seulement 8 lors de notre Série A. Avez-vous prévu une nouvelle levée de fonds ? Nous avons levé 10 millions d’euros en equity puis de nouveau 2,1 millions d’euros en crowdfunding en mars 2022. L’année prochaine, nous allons probablement réitérer avec une levée institutionnelle et une autre auprès de nos utilisateurs. Nous voulons avoir de quoi financer l’expansion aux États-Unis, et continuer notre développement sur le marché français. Aude Fredouelle agrégateurapplication mobilePFM Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Finary offre de l’investissement programmé en cryptoactifs Comment Finary veut démocratiser la banque privée avec son agrégateur patrimonial