Accueil > Services bancaires > Banque au quotidien > Agrégation : comment se positionnent les trois acteurs français actifs sur le marché BtoB ? Agrégation : comment se positionnent les trois acteurs français actifs sur le marché BtoB ? L’entrée en vigueur de la DSP2 et l’obtention des premiers agréments dynamisent le marché BtoB de l’agrégation. mind Fintech s’est penché sur les modèles et les spécificités des trois principaux acteurs présents dans l’Hexagone : Bankin’, Linxo et Budget Insight. Qualité des connecteurs et services additionnels de valorisation des données constituent des points de différenciation entre les offres. Par Aude Fredouelle. Publié le 24 avril 2018 à 10h23 - Mis à jour le 24 avril 2018 à 10h23 Ressources Les trois acteurs historiques qui se partagent le marché français de l’agrégation – Bankin’, Budget Insight et Linxo – ont tous décroché l’agrément DSP2 ces derniers mois. Une normalisation réglementaire de nature à stimuler le marché BtoB. Joan Burkovic, CEO de Bankin’ (premier agrégateur à avoir obtenu l’agrément), assure que “de nombreux acteurs qui hésitaient à cause de débats internes sur la légalité de la méthode franchissent désormais le pas”. “La société est en train de signer de nombreux nouveaux clients”, se réjouit le dirigeant. Outre les banques qui souhaitent améliorer l’expérience client sur leur application, l’agrégation est demandée par les plateformes de prêts, pour le scoring, les logiciels de comptabilité, les robo-advisors… Reste à choisir l’un des trois agrégateurs français, en pesant leur proposition de valeur. Spécialistes du BtoB vs généralistes Budget Insight opère uniquement en BtoB – son application BtoC Budgea n’est qu’une vitrine pour les clients BtoB – et ne risque donc pas de se retrouver en concurrence avec ses clients bancaires. Un avantage pour décrocher les appels d’offres des grands groupes. Linxo, de son côté, suit une stratégie hybride en misant tout aussi bien sur son application BtoC (1,7 million d’utilisateurs ayant utilisé au moins une fois l’application) que sur son activité BtoB. Bankin’ est résolument centré sur le BtoC… mais propose aussi depuis trois ans environ sa technologie sous forme d’API, principalement à des petites entreprises, à la marge et de manière opportuniste. Une activité formalisée sous la marque Bridge, fin 2017, et destinée à saisir l’opportunité de la DSP2. Self-service ou grands comptes Bankin’ vise principalement des acteurs pouvant s’onboarder seuls et utilisant la solution SaaS. La start-up ne propose d’ailleurs pas d’intégration “on-premise”, contrairement à Linxo et Budget Insight. Bankin’ se positionne tout de même sur les appels d’offres des banques pour de gros contrats. La société revendique quelques dizaines de clients, dont Lendix, Finexkap, Barclays et Oddo. Au contraire, Linxo ne proposait jusqu’ici pas encore son API en libre-service et a travaillé quasiment exclusivement sur de gros projets avec des grands comptes, comme la MAIF ou HSBC, pour leur créer un PFM, en se chargeant également du front (ce que ne proposent pas ses deux concurrents). Mais sous l’effet de la DSP2 et de l’explosion du marché BtoB, la société évolue : elle développe depuis un an de nouvelles APIs REST. L’objectif est de permettre à des acteurs de s’onboarder rapidement sur sa solution SaaS. Entre les deux, Budget Insight opère à la fois une solution clé en main pour les fintech (experts-comptables, logiciels de gestion de trésorerie…) et une autre pour les grands comptes. La société travaille aussi bien avec BNP Paribas qu’avec la start-up Lydia. Pricing Les APIs “self-service” seront facturées un euro par mois et par utilisateur chez Oxlin (la maison mère de Linxo, qui fournit les services DSP2), et le prix “diminuera en fonction des volumes”, décrit Bruno van Haetsdaele, CEO de Linxo. Un forfait d’intégration de 1 000 à 1 200 euros s’y ajoutera. Pour les banques, des frais de déploiement sont facturés et une option d’accompagnement est fortement poussée. Le prix par utilisateur et par mois descend ensuite “bien en dessous de l’euro”. Chez Bankin’, la solution SaaS est facturée à partir de 499 euros pour 250 utilisateurs (peu importe le nombre de banques et de comptes synchronisés) ou 400 connexions uniques. Chez Budget Insight, le tarif de la solution SaaS commence à 140 euros par mois puis varie en fonction du nombre de comptes agrégés. Outre l’agrégation, les trois acteurs permettent d’utiliser leur solution pour vérifier l’identité d’une personne. L’initiation de virements n’est par contre pour l’instant disponible qu’avec Budget Insight. Les CEOs de Bankin’ et de Linxo assurent tous deux qu’elle le sera “bientôt” sur leur API. Marque blanche ou co-branding Depuis l’adoption de la DSP2, le fournisseur technique peut également devenir fournisseur d’agrément. Le client a trois options de déploiement. S’il possède l’agrément DSP2 (dans le cas des banques par exemple), alors il peut décider de s’appuyer sur son propre agrément et d’utiliser la solution de l’agrégateur en marque blanche. S’il n’a pas l’agrément, il peut devenir agent de l’agrégateur (qui le notifie à l’ACPR). C’est par exemple ce qu’a fait la MAIF avec Oxlin. “Dans ce cas, l’agent doit expliquer au client final qu’il distribue les services d’Oxlin”, explique Bruno van Haestdaele. Un troisième cas de figure est possible. Sans agrément et sans relation d’agent, le client doit alors rediriger son utilisateur sur l’interface de l’agrégateur et toute la partie identification est réalisée chez lui. C’est ce que fait par exemple Younited Credit avec Oxlin. La plupart des clients historiques de Linxo, Budget insight et Bankin’ sont encore en train de réfléchir à la relation qu’ils souhaitent mettre en place – et donc à l’expérience utilisateur qui en découlera. La solution est systématiquement hébergée par l’agrégateur s’il porte l’agrément mais peut l’être chez le client agréé. “Les fintech sont hébergées chez nous dans un environnement mutualisé (et étanche entre elles) mais les banques choisissent plutôt un hébergement dédié”, raconte Bruno van Haetsdaele. Qualité des connecteurs Romain Bignon, CEO de Budget Insight, est le créateur de Weboob (pour “Web Outside of Browsers”), logiciel libre de scraping lancé en 2010 et qui propose des connecteurs vers divers sites dont des sites bancaires. Budget Insight est donc basé sur Weboob… même si “tout n’est pas intégré dedans”, souligne Romain Bignon. “Par exemple, la maintenance des connecteurs que nous effectuons pour Budget Insight n’est pas reversée immédiatement dans Weboob. La différence se fait aussi sur la couche de normalisation et les fonctionnalités de nos APIs et sur certains connecteurs qui ne sont pas libérés.” Linxo avait de son côté développé ses propres connecteurs mais est en train de les migrer vers une nouvelle version plus flexible, hormis pour les partenaires bancaires et assureurs historiques. Selon nos informations, la société a été en discussion avec Budget Insight pour utiliser les siens mais les deux acteurs ne sont pas parvenus à trouver un accord commercial. Certes, Linxo se positionne davantage sur la couche de catégorisation/PFM que Budget Insight, mais en continuant à commercialiser également l’agrégation de données, les deux sociétés restent concurrentes. Linxo a finalement décidé d’utiliser notamment le logiciel Weboob pour ses nouveaux connecteurs, comme son concurrent, ainsi que d’autres composants open-source, et de recruter des spécialistes Python (langage utilisé par Weboob) pour en assurer la maintenance. Younited Credit est déjà en production sur ces nouvelles APIs REST et plusieurs anciens clients comme Grisbee et BirdyCent sont en train d’y migrer. La maintenance des connecteurs est un enjeu phare pour les services d’agrégation : dès que la banque modifie sa page d’accès aux comptes, le connecteur doit être adapté en fonction sous peine de ne plus fonctionner. Tant Linxo que Bankin’ mettent alors en avant leur application BtoC comme un gage de rapidité : “les bugs nous sont remontés immédiatemment par notre masse d’utilisateurs et nous les corrigeons immédiatemment”, explique Joan Burkovic. Langage de programmation Les anciens connecteurs de Linxo étaient basés sur le langage Java, moins agile que d’autres comme Ruby ou Python, avec lesquels le développement est plus rapide. “Le langage de programmation est un élément très différenciant pour les agrégateurs, assure Lisa Terziman-Gutu, directrice commerciale de Saltedge. Chez Saltedge, par exemple, nous utilisons Ruby alors que d’autres utilisent Java. Or, les techniques actuelles de scraping nécessitent de corriger chaque jour de nombreux connecteurs, dès que les banques modifient leur interface. Avec un langage de programmation agile comme Ruby, nous pouvons corriger très rapidement. Les acteurs qui utilisent Java ne peuvent pas le faire aussi rapidement.” Le langage de programmation est un élément très différenciant pour les agrégateurs Lisa Terziman-Gutu Directrice commerciale, Saltedge Romain Bignon, CEO de Budget Insight, confirme : “Nous utilisons Python, qui présente le même type de flexibilité que Ruby, car Java est un langage très rigide et contraignant.” Désormais, les connecteurs de Linxo utilisent notamment Python et NodeJS. Ceux de Bankin’, eux, sont en Javascript. Mise en valeur des données bancaires Au-delà de la qualité des connecteurs pour la récupération des données, les clients des agrégateurs se posent la question de l’utilisation des données. Et si les fintech se contentent souvent de la brique d’agrégation et opèrent elles-mêmes leur mise en valeur, les acteurs traditionnels ont davantage besoin d’être guidés en la matière. Quand Budget Insight met en avant la qualité de ses connecteurs, le point fort de Linxo et Bankin’ réside dans la qualité de leur catégorisation, puisque leur application BtoC leur permet de se servir des retours de millions de clients pour l’améliorer. “Notre taux de catégorisation et de précision est très élevé, estime ainsi Joan Burkovic, puisque nos 2,4 millions d’utilisateurs enrichissent la donnée et améliorent nos algorithmes”. Linxo propose même sous forme d’API son PFM, c’est-à-dire la couche de coach financier allant au-delà de la simple catégorisation, pour certains gros clients comme la MAIF ou HSBC. “L’objectif est de tout porter à terme sur l’API”, explique le CEO. Les banques qui souhaitent développer en interne le PFM se tournent donc plus facilement vers Budget Insight, comme BNP Paribas : “le PFM/BFM repose sur notre infrastructure big data, que l’on construit pour BNP Paribas, donc nous avons décidé de concevoir cet outil en interne”, nous expliquait ainsi Marc Campi, directeur marketing et digital de la banque de détail en France, en janvier dernier. Les acteurs qui souhaitent au contraire être accompagnés sur le front et le PFM préfèreront Linxo. Budget Insight reconnaît être moins performant sur la catégorisation. “Nous nous concentrons davantage sur la récupération et la normalisation de la donnée que sur le PFM”, commente Romain Bignon. La start-up a donc choisi de nouer des partenariats avec des fintech spécialisées pour proposer des services complémentaires à ses clients. “Nous avons lancé une nouvelle offre baptisée Budgea Hub, une API qui permet à d’autres fintech utilisant les données bancaires de s’interconnecter entre nous et d’autres acteurs”, explique le CEO. C’est le cas de Paylead, qui propose aux banques de créer des programmes de fidélité liés aux données bancaires ou encore du gérant d’épargne en ligne WeSave. La plateforme de prêts Kabbage a aussi été intégrée au hub et propose avec ING des offres en quelques minutes aux PME. “De cette manière, le client n’a qu’un seul point d’accès technique”, souligne Romain Bignon. Couverture internationale Budget Insight couvre les banques françaises, luxembourgeoises, belges et allemandes et se passeporte actuellement au Royaume-Uni pour utiliser les API des banques anglaises (dans le cadre du projet Open Bank). Bankin’, de son côté, couvre désormais “plus de 80% des banques anglaises et espagnoles et 70% des banques allemandes”, assure son CEO. De quoi intéresser les sociétés pan européennes ou simplement les acteurs français qui veulent donner la possibilité aux expatriés d’agréger leurs comptes de plusieurs pays. Linxo, présent uniquement en France, pourrait amorcer son internationalisation cette année, tant en BtoC qu’en BtoB. Des partenariats internationaux en vue Les positions solides des trois acteurs français ont jusqu’ici dissuadé les agrégateurs étrangers d’investir sur leur développement commercial dans l’Hexagone. Cela pourrait changer avec la DSP2 et les APIs des banques : si les banques françaises parvenaient à proposer un standard d’API, alors des agrégateurs étrangers pourraient s’y connecter plus facilement et se lancer en France sans avoir à développer d’innombrables connecteurs, comme les acteurs français ont dû le faire. Des partenariats internationaux entre agrégateurs pourraient aussi émerger pour faciliter l’internationalisation. Budget Insight est par exemple en discussion avec un agrégateur en Europe de l’Est. “Il est présent dans des pays que nous n’attaquerons pas commercialement et il ne compte pas venir là où nous sommes présents, donc nous ne serons pas en concurrence frontale, explique Romain Bignon. Nous aimerions donc signer un accord pour se connecter à ses APIs afin d’agréger les banques d’Europe de l’Est et inversement”. Le partenariat permettrait à Budget Insight de proposer à ses clients français ou luxembourgeois, par exemple, ayant des comptes dans ces pays, de pouvoir les agréger. Cliquez sur le tableau pour l’agrandir (PDF) Aude Fredouelle agrégateurAPIDSP2open bankingpartenariatPFM Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind