Accueil > Services bancaires > Banque au quotidien > Comment les banques en ligne se battent pour atteindre l’équilibre Comment les banques en ligne se battent pour atteindre l’équilibre Les banques en ligne, créées dans les années 2000 par les établissements traditionnels pour apporter une alternative innovante à leurs clients, parviennent-elles à trouver leur modèle ? Seule l’une d’entre elles est actuellement rentable et les autres poursuivent diverses stratégies pour y parvenir, entre acquisition agressive de clients, rachats de concurrents et internationalisation. Avec, en parallèle, un travail de fond pour devenir la banque principale de leurs clients. Par Aude Fredouelle avec Aymeric Marolleau. Publié le 25 octobre 2023 à 18h00 - Mis à jour le 26 octobre 2023 à 16h36 Ressources Les points clés En 2022, comme depuis plusieurs années déjà, seule la banque en ligne française Fortuneo était rentable. Trouver l’équilibre s’avère périlleux pour ces filiales des banques traditionnelles créées dans les années 2000. BoursoBank revendique désormais 5 millions de clients, loin devant ses concurrentes, grâce à une stratégie d’acquisition agressive portée depuis 2016 et qui se poursuivra pour atteindre les 8 millions de clients d’ici début 2026. Elle a prouvé au second trimestre 2023 pouvoir atteindre la rentabilité en maîtrisant ses coûts d’acquisition. Inspirées par ce succès, BforBank s’est lancée dans un plan ambitieux de modernisation, d’acquisition et d’internationalisation tandis qu’Hello Bank! va reprendre les clients d’Orange Bank. Seule Monabanq reste discrète. Le modèle financier des banques en ligne est-il viable ? Une quinzaine d’années après leur lancement, la question demeure… Ces alternatives à la banque traditionnelle, sans agences et donc à la structure de coûts plus légère, ont été lancées dans les années 2000 par les grands groupes bancaires français. Boursorama (désormais BoursoBank), site d’information financière racheté en 2002 par une filiale du groupe Société Générale, est devenu une banque en ligne à partir de 2005. Fortuneo, site de Bourse en ligne, est passé sous le giron du Crédit Mutuel Arkéa en 2006 et a entamé sa mue vers la banque en ligne en 2009 – la filiale, baptisée Arkéa Bank Direct, regroupe à la fois l’activité de Fortuneo en France et Keytrade en Belgique et en Suisse. Monabanq, détenue majoritairement par Crédit Mutuel Alliance Fédérale, a été créée en 2006, et BforBank a été lancée en octobre 2008 par les Caisses régionales de Crédit agricole. Enfin, dernière-née, Hello Bank!, marque de BNP Paribas lancée en 2013 – c’est la seule banque en ligne à ne pas exister via une structure indépendante de son groupe bancaire. [Data] Les indicateurs financiers des banques en ligne françaises BPCE, un grand absent de la banque en ligne Parmi les grands groupes bancaires, seul BPCE ne dispose pas de sa banque en ligne ou de sa banque mobile. Le groupe continue de miser sur la digitalisation des services de sa banque traditionnelle, après des échecs cuisants en la matière. BPCE avait pourtant de grandes ambitions avec le rachat du challenger allemand Fidor, en 2016 : la banque souhaitait en faire un “leader européen de la banque mobile communautaire”. Mais après des années d’errements stratégiques, Fidor a finalement cessé toutes ses activités, début 2023 (BPCE ferme Fidor, retour sur un projet stratégique qui a tourné au fiasco). Seconde tentative : le rachat d’Oney par le groupe était censé déboucher sur le déploiement d’une banque digitale de proximité dans plusieurs pays européens, assurait le groupe en 2021. Oney+, compte de paiement et carte permettant de payer en plusieurs fois, a bien été lancée en France, mais a ensuite disparu discrètement en 2023. Le projet de banque Oney n’a finalement pas abouti et la filiale n’est pas devenue la banque en ligne du groupe en Europe. Elle continue cependant de proposer des crédits et du paiement fractionné. Selon la dernière étude Colombus Consulting sur la banque de détail, portant sur le marché à fin 2022, sur les 7 % des Français ayant changé de banque principale au cours de l’année 2022, 27 % sont partis pour une banque en ligne, contre 45% chez une banque traditionnelle et 8% pour une néobanque. “Les parts de marché des banques en ligne restent stables, indique l’étude, hormis pour Boursorama qui a fait l’acquisition, cette année, de 1,4 million de clients d’ING.” Mais qu’en est-il de leurs résultats financiers ? En 2022, seule Fortuneo était bénéficiaire, avec un résultat net de 27,4 millions d’euros (en retrait toutefois de 5 millions d’euros par rapport à 2021). Depuis 2016, c’est en fait la seule banque en ligne dans le vert. “Ce n’est pas une opération facile que d’établir une banque en ligne sur des marchés matures comme le marché français, comme le prouve par exemple la fermeture d’ING, analyse Guillaume Larmaraud, partner financial services chez Colombus Consulting. La ligne de crête de la rentabilité n’est pas simple à emprunter.” Car si elles ont une structure de coûts plus légères que leurs maisons-mères, leurs coûts d'acquisition clients sont élevés. L'étude “Les acteurs numériques de la finance : un pas vers la rentabilité ?”, publiée par l'ACPR en 2022 et s’intéressant à la fois aux banques en ligne et challengers, tant BtoC que BtoB (Lydia, Younited, Nickel, N26, Ma French Bank, Orange Bank, Revolut, Qonto…), relève que “principalement constitué des primes offertes à l’ouverture et des dépenses marketing, le coût d’acquisition de la clientèle reste élevé (en moyenne, 16 % du PNB hors primes en 2020), même si l’abondement moyen par nouveau client en France est orienté à la baisse. Les acteurs numériques, et en particulier les banques en ligne, consacrent désormais davantage de ressources au marketing numérique sous toutes ses formes”. Les banques en ligne sont-elles donc vouées à perdre de l’argent ? Interrogées par mind Fintech, la plupart donnent un horizon d’atteinte du point mort. Après des années dans le rouge, traduisant des investissements marketing colossaux, BoursoBank a même indiqué être parvenue à la rentabilité au second trimestre 2023 en maîtrisant ses coûts d’acquisition. Et pour atteindre le graal de la rentabilité, les acteurs misent sur plusieurs leviers, comme l’expliquait déjà l’ACPR dans son étude publiée en 2022 : l’acquisition de nouveaux clients et, en parallèle, la diversification des produits et services et la mise en avant des services payants (modèles freemium), tandis que les services de base sont conçus pour “rester restreints et inciter à la souscription de produits payants”. Enfin, “la domiciliation de comptes est perçue comme souhaitable pour réduire le taux d'attrition et augmenter la souscription de produits”, poursuit l'étude. “Nous entrons dans un deuxième cycle de croissance du marché des banques en ligne, confirme Bertrand Cizeau, directeur d’Hello Bank!. Après une période très centrée sur les volumes de clients, on entre dans une deuxième ère qui est celle de la valeur du client. On passe de la croissance à tout va et de la banque digitale de week-end à un enjeu de principalisation de la relation”. Mais si ces objectifs sont évoqués par tous les dirigeants de banques en ligne, les moyens et stratégies mis en œuvre pour y parvenir diffèrent. “La période est difficile pour les banques, et cela plaide pour améliorer le coefficient d'exploitation et recentrer la stratégie en matière d’investissements, commente Guillaume Larmaraud. Les banques doivent choisir leurs batailles et certaines choisissent de miser sur la banque en ligne, comme SG avec BoursoBank, et d’autres pas.” Fortuneo : la croissance tranquille Fortuneo fait figure d’ovni sur le marché de la banque en ligne. La société Arkéa Bank Direct, rentable, a enregistré un PNB de 198,9 millions d’euros en 2022 (à la fois en France et Belgique), dont 105,7 millions en France. Bien devant ses concurrents : BoursoBank arrive seconde, avec 123,4 millions d’euros (le PNB a enregistré une forte baisse en 2022, après une année 2021 à près de 189 millions d’euros). Son nombre de clients est pourtant désormais sans commune mesure avec celui de BoursoBank. La banque en ligne évoque 1,05 million de clients au total - pas forcément détenteurs d’un compte courant. “Ces clients ont un ou plusieurs produits chez nous, et il peut s’agir d’un crédit, d’une assurance vie…”, explique Gregory Guermonprez, directeur de la banque en ligne. En juillet 2022, la répartition était de 600 000 clients en France chez Fortuneo et 400 000 chez Keytrade. Fortuneo a en effet fait le choix d’une croissance plus “raisonnée” que BoursoBank, misant sur la fidélisation, la domiciliation et la constitution de patrimoine. “Le volume de clients n’est pas un objectif unique ou un but en soi, même si nous enregistrons une croissance à deux chiffres sur ce critère. Nous faisons attention à recruter des clients qui s’engagent, et cela a des répercussions sur différents leviers”, poursuit le dirigeant. Chez Colombus Consulting, Guillaume Larmaraud confirme : “Fortuneo a évité de proposer des primes de parrainage trop importantes pour ne pas attirer les chasseurs de prime et a choisi une stratégie d’acquisition moins coûteuse.” Résultat : elle revendique 32 milliards d’encours en 2022 pour son million de clients, soit un peu plus de 30 000 euros en moyenne d’encours par client. “Et cela inclut les enfants de nos clients, notifie Gregory Guermonprez. Si on les retire, les encours par client atteignent 40 000 euros en moyenne. Cela nous distingue par rapport au reste du marché et en particulier aux néobanques.” Par comparaison, en 2022, BoursoBank compte 66 milliards d’encours de dépôts pour 4,7 millions de clients, soit 14 000 euros en moyenne par client. De par son histoire, Fortuneo présente une offre complète, avec la Bourse et l’assurance vie. Aux clients patrimoniaux historiques s’est ajoutée au fil du temps une nouvelle clientèle plus jeune. “50 % de nos nouveaux clients ont moins de 34 ans”, révèle le directeur. Chez Colombus Consulting, Guillaume Larmaraud confirme que les banques en ligne “captent de plus en plus de CSP+ avec des revenus confortables”. Plus de 50 % des clients de Fortuneo domicilient leur salaire dans la banque en ligne. BoursoBank : la croissance à tout prix Si Fortuneo gagne aujourd’hui la bataille du PNB et de la rentabilité, BoursoBank s’affiche leader - et de loin - en termes de nombre de clients. “C’est la belle réussite de l’histoire des banques en ligne ces dernières années”, analyse Guillaume Larmaraud. Après avoir été rentable entre 2003 et 2015, BoursoBank a décidé de changer radicalement de stratégie. “La capacité bénéficiaire était avérée en France depuis 2003, mais avec un gain de 10 à 40 millions d’euros selon les années, raconte Benoît Grisoni, directeur général. Société Générale, qui avait repris 100% du capital en 2015, nous a challengé sur nos ambitions et notre potentiel d’acquisition. Nous sommes partis du principe que plus nous aurions de clients, plus l’effet de levier du modèle que nous déployons fonctionnera - un modèle basé sur les coûts plus ramassés que les banques traditionnelles, mais avec une seule typologie de clients, les particuliers.” Le pari fait à l’époque : “renoncer temporairement à la rentabilité pour poursuivre l’acquisition de nouveaux clients sur un marché déjà mature”. BoursoBank ne lésine pas sur les budgets marketing et les primes de parrainage, ce qui lui permet d’acquérir 200 000 nouveaux clients la première année puis 300 000 la seconde. La banque en ligne mise ensuite sur sa capacité à transformer de jeunes clients (à la fois par l’âge et par leur date d’arrivée au sein de la banque) en des clients fidèles et multi-équipés. “Les encours d’un client sont multipliés en moyenne par deux entre sa première et sa troisième année (...) et par trois entre sa première et sa cinquième année”, explique le directeur général. Le second graphique met en exergue l’évolution des revenus par client de BoursoBank au cours du temps (Source : communication financière de Société Générale, septembre 2023) Pour séduire et augmenter les encours par client, la filiale de Société Générale dispose d’un avantage, comme chez sa concurrente du Crédit Mutuel Arkéa : une offre de produits déjà complète, bâtie au fil du temps, avec du crédit, de l’épargne, de l'assurance, des découverts autorisés, la Bourse… Et comme chez Fortuneo, malgré une base de clients bien plus importante, plus de 50 % d’entre eux l’utilisent en compte principal, même s’il est “difficile d’augmenter cette proportion lorsqu’on enregistre une forte croissance”, reconnaît Benoît Grisoni. Tout comme le PNB par client, qui augmente au cours du temps et se dilue donc en même temps que la banque en ligne recrute de nouveaux utilisateurs. Sept ans après le lancement de cette nouvelle stratégie, BoursoBank revendique 5 millions de clients. “Nous avions 17 milliards d’euros de dépôts, nous en avons plus de 70 milliards d’euros aujourd’hui”, ajoute Benoît Grisoni, qui évoque aussi “un taux de churn très bas”. Quant aux encours de crédit, ils atteignent 13,3 milliards d’euros fin 2022, selon les documents annuels consultés par mind Fintech, contre 2,3 milliards d’euros pour Fortuneo, 522 millions d’euros chez monabanq et 211 millions d’euros pour BforBank (ces deux derniers ne proposent plus de crédits immobilier). Mais qu’en est-il de la rentabilité ? Pour financer sa croissance, BoursoBank a augmenté ses pertes nettes, année après année, oscillant entre 24 millions d’euros en 2016 et 165 millions d’euros en 2022. Et ce, malgré une optimisation des coûts d’acquisition au cours du temps. Dans son rapport annuel 2022, à l’issue d’une année record en termes de recrutement (+1,4 million de clients, notamment grâce à l’intégration de ceux d’ING), Société Générale indique ainsi que BoursoBank a baissé son coût d’acquisition par client d’environ 20 % par rapport à 2021. En parallèle, le PNB a certes augmenté en 2020, mais est resté stable en 2021 et a drastiquement chuté en 2022, à 123,4 millions d’euros. “Cette diminution s’explique par la très forte acquisition en 2022, indique la société à mind Fintech. Pour rappel, les dépenses d’acquisition ne sont pas amorties et impactent à 100% l’exercice concerné et une partie de ces dépenses d’acquisition sont intégrées en négatif du PNB d’où l’effet constaté en 2022.” Le calcul du PNB retranche en effet aux revenus les primes offertes aux clients. Au premier trimestre 2023, BoursoBank a indiqué avoir multiplié par 3,2 son PNB par rapport à la même période en 2022. Pourtant, la banque en ligne a bel et bien prouvé que la rentabilité était à sa portée, en freinant son rythme d’acquisition. “Au second trimestre 2023, nous avons piloté ce levier pour ne recruter que 130 000 clients (contre 300 000 au premier) afin de démontrer notre capacité à être rentable et nous avons enregistré 47 millions d’euros de résultat net, témoigne Benoît Grisoni. En parallèle, la hausse des taux nous a aidés puisque depuis l’an dernier nous avions 9 milliards d’euros de collecte additionnelle.” Le plan stratégique est donc un succès : l’objectif d’atteindre 4,5 millions de clients, fixé en 2020 par sa maison-mère, a été dépassé début 2023. Reste celui de générer 100 millions d’euros de résultat net en 2024 et 200 millions d’euros en 2025 (pour une rentabilité sur fonds propres supérieure à 25 %) : “Avec les 47 millions d’euros au second trimestre, nous n’en sommes pas loin”, se félicite le directeur général. Finie l’hypercroissance, et bonjour la rentabilité ? Pas si sûr : une nouvelle trajectoire a été annoncée par la nouvelle direction SG le 18 septembre, par la voix de Slawomir Krupa, et il voit encore plus grand : plus de 8 millions de clients d’ici début 2026, et plus de 300 millions d’euros de résultat net à cette échéance. D’ici là, pendant cette période de forte acquisition, le groupe accepte que BoursoBank ne soit pas rentable, avec un objectif de résultat brut d’exploitation de 150 millions d’euros sur la période de trois ans. BforBank : plan de relance d’envergure Le succès de BoursoBank semble inspirer le groupe Crédit Agricole. Jusqu’ici, sa banque en ligne BforBank peinait à exister. Tant par sa conquête, avec une base de 200 000 clients qui ne croît pas depuis des années, loin derrière BoursoBank et Hello Bank!, que par ses résultats financiers : son PNB a même diminué doucement et régulièrement depuis 2016, passant de 37,6 millions à cette époque à 27,6 millions en 2022. En parallèle, la banque en ligne a enregistré une perte nette annuelle allant de 10,8 millions d’euros (en 2016) à 88,4 millions d’euros (en 2022). Un pic récent qui traduit en fait une volonté d’investissement du groupe dans la banque en ligne et un plan de relance d’envergure, à l’image de celui acté par BoursoBank en 2016 : 450 millions d’euros investis jusqu'en 2025, a annoncé le groupe en 2022 dans son plan à moyen terme, pour “porter la banque en ligne à la fois en France et en Europe”, raconte Pascal Luigi, directeur général délégué. Objectif : atteindre les 3 millions de clients d’ici 2028, dont un million à l’étranger (lire encadré sur les ambitions des banques en ligne à l’international). “Il y a eu une prise de conscience de la part du Crédit Agricole, note Guillaume Larmaraud. Laisser la place à un acteur qui commence à devenir un peu hégémonique peut devenir problématique, d’autant que demain, les clients BoursoBank pourraient aussi devenir des clients SG. La banque en ligne est notamment un très bon outil pour détecter les futurs clients patrimoniaux et les accompagner dans leur montée en gamme”. Une stratégie “à la BoursoBank”, donc, misant sur de forts investissements et le volume pour atteindre le point mort d’ici 2030. “Nous avons fait évoluer notre modèle d’organisation et notre socle technologique pour traiter beaucoup plus de clients à moindre coût”. Pour opérer la transformation, les effectifs sont passés de 300 collaborateurs il y a deux ans à 430 fin 2023. “Nous avons souhaité internaliser beaucoup de choses, du marketing au développement. On recrute et on continuera l’année prochaine.” Historiquement BforBank s’adressait plutôt à des clients “haut de gamme”, explique son directeur général. “L’offre de BforBank était “très adaptée à de l’épargne en ligne, avec de l’assurance vie, la Bourse…” Mais la banque en ligne veut désormais s’ouvrir : “Nous conserverons nos clients premium et leur préparons des offres haut de gamme, mais nous passons sur un spectre universel et viserons désormais tous types de clients. Ces deux dernières années, nous avons donc complètement reconfiguré l’entreprise pour en transformer le socle technologique, l’organisation et la marque.” Concrètement, BforBank migre sur une nouvelle version du core banking Temenos, avec le concours de Google Cloud Platform - jusqu’ici, la banque en ligne utilisait une version déployée on-premise et imbriquée dans des systèmes peu modulaires. Objectif : passer sur une architecture plus évolutive, permettant d’intégrer des briques internes ou de marché via API, de mettre en production rapidement des nouveautés à l’avenir et donc d’améliorer le time to market. “Cela faisait longtemps qu’on développait peu”, reconnaît le directeur général. Les deux systèmes tourneront en parallèle dans un premier temps : l’historique d’un côté et le nouveau de l’autre, dont le panel d’offres s’enrichira progressivement. “Pour l’instant, nous avons déployé deux offres simples de banque au quotidien, l’une gratuite et l’autre à 4 euros par mois. Nous proposons aussi du crédit à la consommation via Sofinco, avec un parcours refondu et une assurance des mobiles de la famille avec Pacifica”, égrène Pascal Luigi. Une offre d’épargne va aussi voir le jour. “Puis, nous allons reconstruire tout ce qui est disponible dans le Bforbank historique : assurance vie, bourse…” BforBank combinera à la fois des produits haut de gamme et de l’assurance vie plus accessible en gestion pilotée avec WeSave, filiale d'Amundi, par exemple. Le crédit immobilier arrivera “plutôt fin 2024 ou en 2025, avec un partenaire par pays” - BforBank en a stoppé la distribution en 2022. Pendant un temps, les clients devront se satisfaire d’une palette de produits plus restreinte que chez les plus grands concurrents. La migration des anciens clients sur la nouvelle plateforme aura lieu au printemps 2024. Hello Bank! mise sur le filon Orange Bank Chez Hello Bank!, seconde banque en ligne pour le nombre de clients, la direction semble avoir choisi une voie intermédiaire, entre la croissance effrénée de BoursoBank et celle, modérée, de Fortuneo. Mais là aussi, les volumes clients revendiqués par la filiale du groupe Société Générale semblent avoir poussé BNP Paribas à l’imiter, en reprenant les clients d’Orange Bank (qui comptait un stock de 478 000 comptes bancaires à fin 2022, selon son rapport de gestion annuel, et deux millions de clients en incluant les produits de financement, d’assurance et l’offre Anytime). “Le sujet de la massification est en train de se faire jour et la courbe de vitesse est lancée, analyse Guillaume Larmaraud. Les néobanques qui ne sont pas parvenues à monétiser représentent une opportunité.” Avec la reprise d’ING puis celle d’Orange Bank, la concentration s’accélère. Chez BforBank, d’ailleurs, la direction indique que les opérations de croissance externe sont une possibilité envisagée. Notre baromètre sur le nombre de clients des banques en ligne, challengers et néobanques en France Actuellement, Hello Bank! revendique 800 000 clients en France, et 3,3 millions en Europe (même si ses ambitions initiales sur le Vieux continent ont été revues à la baisse). “Nous sommes la seconde banque en ligne en nombre de clients, mais la première est très loin devant”, reconnaît Bertrand Cizeau, directeur. Hello Bank! est la seule ciblant à la fois les particuliers et les auto entrepreneurs, depuis mai 2021. Et contrairement à Fortuneo, BoursoBank et BforBank, Hello Bank! n’a pas cherché à ses débuts à séduire les clients fortunés en quête de produits d’épargne. “Il y a dix ans, elle est née de l’ambition de toucher les millennials”, raconte Bertrand Cizeau. Aujourd'hui, cependant, elle s’adresse à “tous les clients autonomes qui veulent faire de leur banque en ligne la banque principale” - les détenteurs d’un compte Hello Bank! ont 39 ans en moyenne. Comment Hello Bank! a revu à la baisse ses ambitions européennes Surtout, si la banque en ligne se distingue de ses congénères, c’est parce que c’est la seule qui ne dispose pas d’une filiale indépendante. “C’est un canal de distribution supplémentaire pour BNP Paribas”, analyse un concurrent. Résultat : ses résultats financiers ne sont pas connus. Mais une chose est sûre : comme la quasi-totalité des banques en ligne, Hello bank! n’est pas rentable. “Nous sommes comme toutes les banques digitales sur le chemin de cette rentabilité, qui n’est possible que par cette stratégie d’augmentation de la valeur. BoursoBank a d’ailleurs montré la pertinence du modèle, note Bertrand Cizeau. Avec une base de coûts plus légère, le chemin vers la rentabilité s’écrit assez naturellement : il faut une certaine masse critique, une profondeur d’offre et une qualité de service qui fait que les gens vous utilisent au quotidien. C’est pour ça que le match se concentre sur les quatre grandes banques et que les outsiders sortent.” Le dirigeant assure que la banque en ligne est entrée dans une nouvelle ère de la valeur client, après une période centrée sur les volumes. “57 % des nouveaux clients souscrivant à Prime, l’offre à 5 euros par mois, choisissent Hello Bank! comme banque principale.” Le lancement de Prime, début 2020, traduit en effet la volonté d’Hello Bank!, comme celle de ses concurrentes, de favoriser le freemium et de sortir du “tout gratuit”. “Nous accélérons dans l’invitation de nos clients à s’équiper de produits bancaires, au-delà de la simple tenue de compte, alors que nous étions jusque là très focalisés sur l’entrée en relation”. Pour autant, il souligne être toujours “très ambitieux en termes de volume”. Les offres des acteurs de la banque numérique Les banques en ligne, plus compétitives que les challengers ? Les banques en ligne “seconde génération” ont vu arriver plus récemment sur le marché les challengers de troisième génération, comme Revolut et N26, tous deux lancés en 2017 en France, puis Ma French Bank (La Banque Postale) et Orange Bank du côté des acteurs traditionnels - d’autres, à l’image de C-zam, Aumax pour moi ou des indépendants comme Pumpkin, n’ont pas survécu. Une concurrence qui les a poussés à se mettre à niveau. Dans les applications, d’abord, et en introduisant des cartes à autorisation systématique permettant l'affichage en temps réel des transactions (lire notre benchmark sur les applis mobiles bancaires de janvier 2023). “En reprenant un certain nombre de codes des néobanques, les banques en ligne se sont mises en phase avec les attentes des clients, assure Angelo Caci, managing director chez Syrtals Cards. Sans compter que leurs catalogues d’offres sont bien plus larges.” Elles se sont adaptées dans les prix, ensuite. Pour répondre aux challengers N26 et Revolut, qui avaient introduit ce standard sur le marché, plusieurs banques en ligne ont sorti des cartes avec absence de frais à l’international sans restrictions, à l’image d’Ultim chez Boursorama ou Fosfo chez Fortuneo. Plus tard, les challengers, eux, sont revenus en arrière en introduisant des plafonds dans leurs offres gratuites Reste que, comme chez les challengers et néobanques, “les banques en ligne tendent de plus en plus vers l'arrêt des offres gratuites”, note Guillaume Larmaraud. Au fil des années, la plupart ont lancé des offres payantes d’entrée de gamme à quelques euros par mois, comme les challengers avant elles, et des offres premium. Et pour les offres gratuites, des frais d’inactivité ont vu le jour ces dernières années, pour éviter les clients dormants. Les banques en ligne restent cependant les seules à proposer majoritairement des offres gratuites sous conditions - dans notre benchmark 2023 des offres bancaires, nous en recensions 12, contre 7 offres payantes et 1 gratuite sans conditions. Chez les néobanques et challengers, nous dénombrions 50 offres payantes et seulement deux gratuites sous conditions et une gratuite sans conditions (consultez le détail des offres de la banque numérique). Les primes, elles aussi, évoluent. Certes toujours plus élevées chez les banques en ligne que chez les challengers, elles ont toutefois tendance à être réduites. “De plus en plus, on conditionne les primes sous réserve de l’intentionnalité réelle de l’usage : il faut effectuer tant d’opérations ou être encore client dans un an… Les utilisateurs le comprennent tout à fait, explique ainsi Bertrand Cizeau. Le marché de la banque en ligne est né sur cette illusion du tout gratuit. Nous sommes très compétitifs, avec un rapport service/prix très élevé, mais nous voulons développer une relation avec des clients qui veulent vraiment avoir un usage, et pas des chasseurs de primes.” Les banques en ligne pourraient en tout cas tirer profit du nouvel environnement de taux, face aux néobanques et challengers, dont peu proposent du crédit sur leur propre bilan. “Cela va rendre cette activité plus rémunératrice. Elles ont aussi une belle carte à jouer dans l’investissement, notamment dans le private equity, face aux nouveaux acteurs positionnés sur des produits plus exotiques comme les cryptoactifs, qui ont été chahutés”, analyse Guillaume Larmaraud. Monabanq, la discrète La banque en ligne du Crédit Mutuel Monabanq, dont la direction n’a pas répondu à nos sollicitations d’interview, présente des indicateurs similaires à ceux de BforBank ces dernières années - sans qu’un plan d’investissement n’ait par contre été récemment annoncé. Elle ne communique pas sur le nombre de ses clients et enregistre un PNB annuel compris entre 25 et 27 millions d’euros depuis 2016. Sa perte nette, elle, oscille entre 6 et 17 millions d’euros (en hausse ces deux dernières années). Le groupe procède régulièrement à des augmentations de capital pour financer sa filiale. “Pour les mutualistes, les stratégies des banques en ligne ne sont pas évidentes car ce sont les caisses régionales qui consentent à investir et se voient siphonner une partie de leur fonds de commerce, analyse Guillaume Larmaraud. Même si le fait que BoursoBank s’affiche comme rentable contribue à changer les perceptions dans un certain nombre de comités de direction, qui s’aperçoivent que ça n’a pas siphonné le réseau SG. C’est le modèle de la banque universelle : la banque en ligne capte de nouveaux clients que le groupe n’aurait peut être pas attirés, puis les fidélise et les amène vers de nouveaux services.” L’international n’attire pas toutes les banques en ligne Avec son nouveau plan de croissance, BforBank a aussi dévoilé de fortes ambitions à l’international, alors que la banque en ligne s’était jusque là cantonnée au marché français. D’ici 2030, “l’objectif est de déployer l’offre en Espagne, Italie, Portugal et Allemagne, prévoit Pascal Luigi. Nous avons lancé les travaux pour un démarrage en Allemagne l’année prochaine, et ensuite nous lancerons un pays tous les ans ou tous les deux ans, selon la réception du marché et la manière dont ça se construit.” La banque en ligne proposera donc une offre paneuropéenne, et se lancera sur place avec des équipes restreintes. “Au départ, nous mettrons en place des dispositifs plutôt légers dans chacun des pays, puisque nous avons une proposition de valeur paneuropéenne avec une certaine notion de centralisation, mais cela pourra évoluer dans le temps”, poursuit le dirigeant. La banque en ligne s’appuiera sur les produits du groupe dans chacun des marchés, et n’exclut pas de passer par des opérations de croissance externe. “Nous sommes complètement à l’écoute du marché”, confirme Pascal Luigi. BforBank ne sera pas la seule à se développer en Europe continentale. Si Hello Bank! a revu ses ambitions à la baisse, en annulant des lancements en Slovaquie, Hongrie, Roumanie et Bulgarie et en disparaissant en Italie, la marque est toujours présente en Allemagne, Belgique, Autriche et République Tchèque. Avec, cependant, des directions et des stratégies distinctes. Fortuneo, elle, a fermé ses activités en Italie en 2022 et n’est plus présente qu’en France et en Belgique, sans que des plans d’expansion ne soient à l’ordre du jour. De même, Boursorama concentre son développement sur l’Hexagone : “Nous étions présents à l’étranger via des succursales mais nous avons arrêté ces activités en 2015 en lançant le plan de développement en France, rappelle Benoît Grisoni. Nous réfléchissons régulièrement à l’opportunité d’un développement international, mais pour l’instant rien n’est décidé et l’ambition de notre nouveau plan de croissance est centré sur la France.” Crédits Récupération des données, interviews et rédaction : Aude Fredouelle Traitement data et datavisualisations : Aymeric Marolleau Aude Fredouelle avec Aymeric Marolleau banque en lignecrédit en ligne Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Les indicateurs financiers des banques en ligne françaises Banques en ligne et néobanques : pourquoi les offres d’entrée de gamme se sont multipliées Les banques en ligne et néobanques ont doublé le nombre de leurs clients en France depuis 2018 Les fintech BtoC des banques, gouffres financiers