Accueil > Financement > Finance alternative > Comment les fintech américaines deviennent des mastodontes de la finance Comment les fintech américaines deviennent des mastodontes de la finance Les fintech américaines spécialisées s’horizontalisent en s’attaquant progressivement à de nouveaux créneaux : des prêts au processing de paiements ou aux comptes courants, des terminaux de paiement au financement des entreprises ou au paiement mobile… L’écosystème se concentre autour de géants de plus en plus généralistes. Par Aude Fredouelle. Publié le 20 mars 2019 à 9h58 - Mis à jour le 20 mars 2019 à 9h58 Ressources La majorité des fintech européennes se construisent en se spécialisant sur un créneau : plateforme de prêt, néo-banque, robo-advisor… Aux Etats-Unis, une tendance contraire émerge depuis quelques années. Des fintech extrêmement spécialisées remontent ou descendent sur la chaîne de valeurs ou bien s’attaquent à de nouveaux créneaux annexes, de manière horizontale, en créant de nouveaux services. Sont en train d’émerger des énormes fintech plus généralistes, qui se concurrencent toutes les unes les autres sur chacun des segments. Square : du mPOS au financement d’entreprises et paiement P2P Square en est l’un des exemples les plus complets. La société a été fondée en 2009 à San Francisco. Son premier produit, le Square Reader, était un mPOS, un device hardware pouvant se connecter à un smartphone pour lui permettre d’accepter les paiements cartes. Dix ans et une entrée en Bourse plus tard, Square a sorti plusieurs modèles de mPOS puis, en 2017, un système de POS standalone (Square Register). En octobre 2018, Square a également lancé un terminal de paiement dédié aux petites entreprises, alternative aux TPE traditionnels, Square Terminal. Mais la société a surtout attaqué bien d’autres segments, à commencer par celui des paiements : Square a lancé en mars 2015 Square Cash (désormais Cash App), application de paiement P2P (entre particuliers, business, organisations…). Fin 2016, la société y a introduit la possibilité de créer des cartes virtuelles de débit prépayées pouvant être ajoutées à des wallets comme Apple Pay. Puis, en mai 2017, Square a commencé à proposer en complément une carte prépayée, pour se distinguer de Venmo, filiale de PayPal leader sur le segment du P2P. En février 2018, Square revendiquait 7 millions d’utilisateurs actifs sur Square Cash. Petit à petit, Square a grignoté la chaîne de valeurs du paiement : la société permet depuis 2012 aux marchands de créer des cartes cadeaux virtuelles, via le scan d’un QR code. Les cartes cadeaux physiques ont été ajoutées au service en 2014. L’entreprise s’est aussi attaquée au financement. D’abord, celui des marchands qu’elle équipe de terminaux de paiement. Square Capital, lancé en mai 2014, leur permet de bénéficier d’avances sur les paiements de leurs clients. Puis, plus récemment, celui des particuliers : depuis octobre 2018, Square Capital permet aux clients des quelque 225 000 entreprises équipées de ses solutions de payer en plusieurs fois, pour des factures de 250 à 10 000 dollars. Taux d’intérêt : entre 0 et 24%. La société finance les prêts sur son propre bilan. Depuis sa création, Square Capital a prêté plus de 4 milliards de dollars à plus de 230 000 marchands, via des prêts allant de 500 à 100 000 dollars. En juin 2015, Square a aussi sorti Square Payroll, un outil de gestion des salaires à destination des petites entreprises. Puis, en 2016, une API de processing des paiements cartes pour les paiements e-commerce a marqué l’incursion de Square sur le segment des paiements en ligne. La société s’est aussi positionnée sur l’édition de sites avec le rachat de Weebly en avril 2018 pour 365 millions de dollars ; ainsi que sur la livraison de repas de restaurants et les solutions de réservation. PSP, POS et Trésorerie Comme Square, plusieurs grosses fintech américaines ont suivi le chemin de la diversification. Stripe a par exemple emprunté le chemin inverse. Le PSP s’est lancé en 2010 avec une solution clé en main permettant à des e-commerçants d’accepter rapidement des paiements en ligne. La société entame désormais sa diversification : en septembre 2018, elle a annoncé la mise sur le marché de Terminal, une offre de paiement en magasin paramétrable comprenant un lecteur de carte conçu par BPPOS et Verifone, des kits de développement logiciel (SDKs) Javascript et mobiles ainsi que des APIs pour personnaliser l’expérience d’achat et une solution logicielle pour gérer les équipements connectés. Stripe vise avant tout les acteurs du commerce en ligne développant une activité dans les magasins physiques, afin de conserver une vision consolidée des ventes et clients. Quelques jours plus tard, TechCrunch dévoilait que la société était en train de tester un service d’avance de trésorerie pour les entreprises similaire à celui de Square. La tendance se retrouve chez plusieurs plateformes de prêts : La plateforme de prêts aux entreprises américaine Kabbage a demandé mi-2018 l’agrément de prestataire de services de paiement (PSP) en vue de proposer à ses clients, en priorité les commerces physiques, des outils pour accepter les paiements cartes en magasin et en ligne… marchant ainsi sur les platebandes de Square. “Les entreprises focalisées sur une activité unique peinent à réussir sur le long terme”, a indiqué la CEO Kathryn Petralia. Étape la plus récente de cette tendance à l’horizontalisation : la diversification de certaines fintech spécialisées sur des offres bancaires. La plateforme SoFi, fondée en 2011, a démarré en proposant des prêts aux étudiants américains. Petit à petit, elle s’est attaquée à de nouveaux segments : les crédits à la consommation et crédit immobiliers à partir de 2015 ; puis SoFi at Work fin 2016, un régime d’avantages sociaux. Début 2018, SoFi a noué un partenariat avec WSFS Bank, basée dans le Delaware, et a présenté son offre bancaire SoFi Money (un compte courant gratuit avec un taux d’intérêt de 0,96% et d’une carte Visa). SoFi Money a finalement été lancée officiellement fin février 2019… en même temps que SoFi Invest, plateforme d’investissement et de trading. De quoi marcher sur les platebandes de Robinhood, Betterment ou Wealthfront, les robo-advisors low-cost leaders aux Etats-Unis. Il faut dire que les volumes de prêts accordés par SoFi sont en baisse, assure Bloomberg : 2,24 milliards de dollars ont été prêtés au dernier trimestre 2018, contre 2,5 milliards de dollars au troisième et 3 milliards de dollars au second. Ces nouvelles activités sont un moyen pour SoFi de compenser et d’aller chercher de la croissance ailleurs. Le robo-advisor Robinhood, créé en 2015, a de son côté fait sensation en annonçant mi-décembre 2018 son incursion dans les services bancaires, au-delà de son service de trading sans commission d’actions, ETF, options et crypto-actifs. Baptisée “Robinhood Checking & Savings”, la nouvelle offre devait englober un compte courant et un livret d’épargne, tous les deux rémunérés à 3%, une carte de débit Mastercard personnalisée et l’accès à plus de 75 000 distributeurs aux Etats-Unis. Pas de solde minimum, de frais mensuels, d’agios ou de commissions sur les opérations à l’étranger. Robinhood devait proposer ces services de dépôt et d’épargne via un compte de courtage et la carte en partenariat avec Sutton Bank. Mais quelques jours plus tard, Robinhood a dû annoncer la refonte de cette offre après une polémique autour du mécanisme de protection des dépôts. Les co-fondateurs de Robinhood ont alors fait part de leur volonté de “travailler étroitement avec les régulateurs pour préparer le lancement de [leur] programme de gestion du cash”, abandonnant toute référence à l’appellation initiale “Checking & Savings”. Plus de 745 000 personnes s’étaient inscrites en une semaine sur la liste d’attente. Banque industrielle Robinhood n’est pas le premier à se heurter à des obstacles réglementaires. SoFi avait même réalisé une demande de statut de banque industrielle (Industrial Loan Company) en septembre 2017, pour ne pas avoir besoin de banque partenaire. Le statut s’applique aux Etats-Unis à des institutions financières prêtant de l’argent et acceptant des dépôts tout en étant détenues par des acteurs non financiers, mais cet agrément n’a plus été délivré depuis 2008. SoFi a finalement retiré en octobre 2017 sa demande de statut après le départ de plusieurs dirigeants et notamment celui de son CEO Mike Cagney, évincé après des accusations d’agressions sexuelles. Sans que cela ne l’empêche de poursuivre ses plans d’expansion. Square avait également déposé fin 2017 une demande de statut de banque industrielle auprès de la FDIC puis l’avait suspendue en juillet 2018. Si la tendance à la diversification des fintech américaines est si forte, c’est notamment parce que le marché américain renferme déjà un énorme potentiel. “La plupart des fintech préfèrent développer leurs produits et services pour atteindre la croissance et rentabilité dans le pays avant de s’internationaliser, car les coûts d’expansion sont très élevés, commente Matt Hatch, partner Americas Financial Services Organization (FSO) chez EY. Elles sont soutenues par des capitaux-risqueurs qui se prononcent rarement pour des gros investissements d’expansion internationale avant d’atteindre la rentabilité sur le marché américain.” Selon une étude annuelle sur l’adoption des fintech menée par EY, 15% des Américains utilisaient leurs services en 2016 et 32% en 2017, de quoi laisser une marge d’amélioration aux acteurs du secteur. Il est par ailleurs “plus facile et moins coûteux pour elles de créer des nouveaux produits aux Etats-Unis plutôt que d’adapter leurs produits existants à d’autres marchés très spécifiques comme le marché asiatique par exemple, et d’y franchir les obstacles réglementaires”, ajoute Matt Hatch. Fin 2017, SoFi annonçait ainsi l’abandon de ses plans d’expansion en Australie et Canada, préférant “améliorer ses produits de prêts aux Etats-Unis”. Dans l’Union européenne, au contraire, l’absence de barrières réglementaires pousse les fintech à baser leur croissance sur l’expansion plutôt que sur la diversification. la tendance gagne les géants fintech européens Si la tendance à l’horizontalisation des fintech n’est pas encore arrivée en France, d’autres mastodontes européens suivent le même chemin que les américains. Au Royaume-Uni, la plateforme de prêts entre particuliers Zopa a dévoilé en décembre 2018 avoir décroché un agrément bancaire avec restrictions, qui lui permettra de proposer des comptes d’épargnes et des cartes de crédit en complément de ses produits de prêts et d’investissement. En Suède, le spécialiste du paiement différé et fractionné Klarna a obtenu une licence bancaire en 2017. Elle prépare le lancement d’une carte de paiement hybride et d’une application mobile bancaire. En septembre 2018, le CEO Sebastian Siemiatkowski confiait à Forbes que la carte était testée en bêta en Suède mais qu’elle serait à terme déployée sur tous les marchés. Klarna veut s’appuyer sur ses commerçants partenaires et sur les données amassées par leur biais pour enrichir son application bancaire. Pour télécharger le tableau, cliquez sur l’image (PDF) Aude Fredouelle panoramaplateforme de prêtsPSPterminal de paiement Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind