Accueil > Services bancaires > Banque au quotidien > Covid-19 : La crise va t-elle freiner la transformation numérique des banques ? Covid-19 : La crise va t-elle freiner la transformation numérique des banques ? La crise du coronavirus a accéléré des chantiers liés à la numérisation des offres des banques. Des spécialistes s’inquiètent toutefois d’un impact à moyen terme sur les budgets alloués à la transformation numérique des établissements. Par Aude Fredouelle. Publié le 15 mai 2020 à 16h33 - Mis à jour le 09 mars 2021 à 18h09 Ressources Les chantiers de transformation numérique des banques sont-ils mis à mal par la crise liée au coronavirus ? Le début du confinement, en mars, a en tout cas marqué un coup d’arrêt aux projets d’innovation. “La priorité a été la continuité de l’activité et notamment de service à la clientèle, résume Seddik Jamai, vice-président services financiers et fintech chez Capgemini Invent. Dans un premier temps, les collaborateurs nécessaires à cette continuité – en relation avec les clients – ont été prioritaires à tous les niveaux – par exemple, pour l’accès au VPN et les usages nécessitant une importante bande passante, tandis que les autres, parmi lesquels les équipes travaillant sur des projets de transformation, ont été encouragés à travailler hors VPN, voire dispensés d’activité.” Selon lui, certains projets ont pu reprendre à partir d’avril, une fois les réseaux améliorés et les premières urgences traitées. “Les modèles de delivery ont été remaniés, et tous les projets qui s’appuyaient sur des ateliers de co-construction ont été repensés, par exemple.” Pour autant, certains chantiers en passe d’être lancés ont été stoppés. “Chaque banque a décidé selon sa situation et les ressources nécessaires de les maintenir, les alléger ou les repousser à une date ultérieure”, explique Seddik Jamai. Selon lui, les projets déjà initiés et surtout ceux avec une dimension de transformation numérique importante ont été préservés, “car il s’agissait souvent de gros chantiers qui ne peuvent pas être remis en question, comme les projets de construction de services digitaux, de transformation de l’expérience client, de déploiement de CRM, de “Move To Cloud”…” Il assure qu’environ 70% des projets ont été maintenus en l’état, 20% réajustés et 10% arrêtés ou replanifiés. Chez Square Management, Marc Campi, partner, assure également que “les banques ont maintenu les projets, quand les consultants pouvaient travailler à distance et que les projets étaient importants”, mais que “certains lots ont été réduits ou décalés, avec le report de fonctionnalités à des lots ultérieurs”. Julien Maldonato, associé industrie financière chez Deloitte, ne se montre pas si optimiste. “Certains projets de transformation liés à l’innovation qui étaient à peine lancés ont été stoppés et ne reprendront pas avant juin ou septembre, raconte-t-il. Par exemple, les lancement d’activités à l’international ou la création d’offres sur des segments sinistrés tels que le pro ou la petite entreprise ont été reportés à 2021.” Selon lui, “les projets structurants de transformation type IT sont plutôt ralentis”, notamment à cause de l’absentéisme dans les banques, qui peut parfois atteindre 40% chez certaines équipes IT. “Les projets IT qui impliquent beaucoup de collaborateurs seront relancés au mieux en septembre… voire en janvier”, prévoit l’associé. Priorisation des projets liés au self care Le confinement, en mettant en lumière les carences des acteurs traditionnels sur la numérisation de leurs parcours, a cependant poussé les établissements à prioriser certains chantiers axés sur l’autonomisation des clients. “En anticipation de la crise économique, tous les acteurs des services financiers sont en train de passer en revue leurs portefeuilles de projets avec une focalisation sur la transformation digitale et les projets adaptés au temps de crise : la dématérialisation, l’accès au poste de travail à distance, les nouvelles fonctionnalités de l’espace client, le renforcement de la cybersécurité …”, égrène Seddik Jamai. Des projets ont aussi été montés en urgence, notamment pour absorber, dans le contexte du confinement, le flux de demandes d’entreprises (lire notre dossier “comment les banques s’organisent pour répondre aux demandes de prêts garantis par l’État“) mais aussi de particuliers (lire notre étude de cas “comment la Matmut a soutenu son canal téléphonique avec un callbot“). Selon Seddik Jamai, la crise pourrait être un terrain de test pour lancer des initiatives sur ces sujets. “Par exemple, en ce qui concerne les projets de DevOps qui portent sur des couches basses de l’IT et qui ne sont habituellement pas très visibles du top management, ceux qui n’ont pas investi sur ces sujets se rendent compte que des mises en production sont retardées car elles nécessitent de se rendre sur site. Cela pourrait remettre ces projets en haut de la pile”. Une hypothèse confirmée par Jean-Pierre Bessy, directeur adjoint du marketing digital et de la communication commerciale de LCL. “Nous devons aller plus loin sur les possibilités en ligne. Des sujets de self care ont été ainsi repriorisés, par rapport à l’optimisation de certains process par exemple. La récupération du mot de passe par les clients en toute autonomie est ainsi un incontournable, qui va être possible très prochainement.” Si la priorisation des projets est revue, “les banques n’ont pas de sentiment d’urgence, puisque le confinement strict a été levé”, mesure Julien Maldonato. Chez Société Générale, par exemple, Grégoire Dupiellet, responsable marketing digital de la banque de détail en France, explique que les arbitrages seront rendus dans les mois à venir. “Cette crise a mis en évidence le rôle et l’importance du digital dans un contexte où les interactions à distance sont privilégiées. Cette crise s’inscrit comme un accélérateur s’agissant de nos roadmaps digitales alors même que la situation de distanciation sociale, de réduction des contacts et des déplacements pourraient être amenés à durer. Certains projets vont clairement être repriorisés dans les mois qui viennent et nous aurons à favoriser l’adoption systématique et permanente du digital, en particulier, pour les clients qui sont peu ou pas utilisateurs.” Impact sur les gros chantiers IT À plus long terme, un impact négatif de la crise sur les budgets IT inquiète en tout cas les spécialistes du secteur. “Il se pourrait que la rentrée de septembre soit synonyme de douche froide pour les banques, qui réaliseront que l’impact économique de la crise va vraiment s’étirer dans le temps, s’interroge Julien Maldonato. Aujourd’hui, l’impact est difficile à évaluer : certaines banques sont optimistes quand d’autres ne voient pas de reprise avant 2022. Le risque, c’est que les établissements, à mesure que l’étendue des problèmes économiques s’étendent, préfèreraient optimiser le P&L par la base de coûts plutôt que l’investissement dans des projets.” Marc Campi, de Square, partage ces inquiétudes : “il est très probable qu’il y aura un ralentissement des projets et une réduction des coûts du fait de la crise. Les banques vendent moins et voient arriver une hausse du risque de crédit, peut-être sur la clientèle des particuliers mais surtout sur la clientèle des entreprises. Les PNB et les coûts du risque devraient être impactés et les banques, pour maintenir leurs résultats, devront réaliser des économies en coupant certaines dépenses, dont les dépenses de projets”. Pour Seddik Jamai, “les projets les plus touchés ne seront pas forcément ceux de la transformation digitale : des projets réglementaires prévus pour la fin d’année risquent d’être reportés grâce à des prolongations de délai par le régulateur.” Il reconnaît toutefois que, si la crise permettra peut être “une prise de conscience de l’importance de l’agilité de la vitesse d’exécution” et “des projets de transformation liés au vidéo banking, à la relation à distance, au CRM…” : les “projets d’innovation à long terme” risquent quant à eux d’être mis de côté. “Un jour ou l’autre, les banques devront lancer de gros chantiers pour reconstruire les core systems, passer dans les clouds privés et publics (pas uniquement pour des applications périphériques mais sur le coeur de l’activité), conclut Julien Maldonato. Peut être que s’il y a une reprise en 2021 ou 2022, cela sera l’occasion de tout reconstruire avec des très gros chantiers, en pensant la dématérialisation dès le début plutôt que d’ajouter quelques briques technologiques à la marge.” >> Retrouvez l’ensemble de nos contenus liés à la crise du coronavirus << Aude Fredouelle coronavirustransformation digitale Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Comment les banques s’organisent pour répondre aux demandes de prêts garantis par l’Etat Comment la Matmut a soutenu son canal téléphonique avec un callbot