Accueil > Services bancaires > Banque au quotidien > Crowdfunding et banques, des relations qui fluctuent entre convoitise et déni Crowdfunding et banques, des relations qui fluctuent entre convoitise et déni Il y a trois ans s’ouvrait en France une brèche dans le monopole bancaire, permettant aux acteurs du financement participatif de se développer. De nombreuses start-up se sont d’abord lancées dans le don entre particuliers, avant de proposer des financements en equity puis en prêt. Face à ces nouveaux entrants, les réactions des établissements bancaires traditionnels sont multiples. Entre déni et partenariats, tour d’horizon des rapports qu’entretiennent les banques traditionnelles avec les plateformes de dons, de crowdfunding et de crowdlending. Par Chloé Consigny. Publié le 24 mai 2017 à 8h30 - Mis à jour le 29 janvier 2021 à 17h32 Ressources Si les premières plateformes se sont lancées dès le début des années 2010, les établissements bancaires, pour leur part, semblent avoir mis du temps à prendre la mesure du phénomène. La très grande majorité des partenariats noués n’ont ainsi qu’une à deux années d’existence, voire quelques mois. “Beaucoup de banquiers voient le crowdfunding comme un sujet complexe”, explique Nicolas Lesur, président fondateur d’Unilend qui détaille : “il faut bien avoir à l’esprit que la tradition bancaire française est le modèle de la banque universelle. Il s’agit de l’industrie la plus intégrée qu’il soit. Commercialiser un produit qui n’est pas fabriqué en interne constitue un véritable saut culturel pour certains établissements bancaires”. L’évolution de la réglementation, couplée à l’appétence des épargnants pour ces investissements alternatifs (portée par une fiscalité incitative) a fini par attirer l’attention des banques de détail. Et de fait, les chiffres sont formels : chaque année, les montants levés via les plateformes de financement participatif enregistrent une progression à deux chiffres. Selon le dernier baromètre du financement participatif en France, 233,8 millions d’euros ont été collectés au cours de l’année 2016, contre 166,8 millions d’euros un an auparavant (hors fonds de prêts aux entreprises en ligne du type Lendix). Dans le détail, les montants levés pour des dons atteignent 68,6 millions d’euros, contre 96,6 millions d’euros pour des prêts et 68,6 millions d’euros en equity. Des chiffres qui restent encore infiniment petits au regard des montants investis et prêtés chaque année par les établissements bancaires (les banques ont distribué 14,5 milliards d’euros de crédits nouveaux aux TPE d’octobre à décembre 2016, note la FBF), mais qui néanmoins enregistrent des croissances annuelles aux alentours de 40 %. Le don avec contrepartie : sourcing de clients et échange de visibilité Première typologie de plateforme à laquelle les établissements bancaires se sont intéressés : les plateformes de dons. Historiquement, ce sont également les toutes premières à avoir émergé sur le marché français à l’instar d’Ulule, une plateforme née en 2010 autour du co-financement de projets artistiques. À l’issue de la levée de fonds, les souscripteurs sont remerciés par un système de contrepartie. Un modèle peu concurrentiel pour les établissements bancaires et qui suscite une réelle appétence de leur part. “Pour Société Générale, les offres de financement participatif sont avant tout complémentaires. En don contre-don, on parle de 5 000 euros en moyenne collectés auprès de 100 personnes. Le plan de financement est rarement bouclé avec 5 000 euros. Des financements complémentaires sont ainsi souvent nécessaires et fournis par les banques”, explique Ambroise Pascal, directeur du marché des professionnels et des TPE chez Société Générale. Le financement participatif, un levier vers le prêt bancaire Héloïse Estève Responsable des partenariats chez MiiMosa La banque rouge et noire s’est rapprochée de la plateforme Bulb In Town en octobre 2016. Chaque trimestre un concours est organisé : le porteur de projet qui réussit sa collecte et obtient le plus de votes de la part des internautes reçoit un soutien financier de Société Générale qui pourra lui proposer par la suite des financements complémentaires. Un échange qui permet à la plateforme d’identifier de nouveaux projets tout en gagnant en visibilité et à l’établissement bancaire de cibler et fidéliser de nouveaux clients. Pour autant, la part de l’activité de Bulb in Town en provenance du réseau Société Générale est encore mineure : “aujourd’hui les projets émanant de nos partenaires bancaires représentent environ 10 % de notre activité totale”, précise Stéphane Vromman, cofondateur de Bulb In Town. Sur le même format, MiiMosa, plateforme de don avec contrepartie spécialisée dans les projets agricoles et alimentaires compte dans ses partenaires bon nombre de banques régionales, à l’instar des caisses régionales du Crédit Agricole : Toulouse 31, Nord de France, Centre Est, et Nord Midi-Pyrénées. “Lorsqu’un entrepreneur parvient à réaliser une collecte sur MiiMosa, il apporte la preuve qu’il existe un marché pour son projet qui est ainsi crédibilisé. Le financement participatif ne détrône pas le financement bancaire. C’est au contraire un levier vers le prêt bancaire”, explique Héloïse Estève, responsable des partenariats chez MiiMosa. Crowdfunding et parts de marchés À la suite des plateformes de dons avec contrepartie, se sont développées des plateformes d’equity, permettant aux investisseurs une prise de participation en capital ou en obligations dans des projets en développement. Sur ces plateformes, les montants collectés par projets sont beaucoup plus élevés, pouvant aller au-delà du million d’euros. En janvier 2015, Crédit Coopératif s’est placé aux côtés de Wiseed l’un des pionniers du financement participatif en equity par le biais d’une prise de participation de 8 %. “Au sein de nos agences, nos chargés de clientèle connaissent Wiseed et peuvent être amenés à parler de la plateforme aux porteurs de projets dans certains plans de financements”, explique Jérôme Henry, directeur innovation pour le Crédit Coopératif. À terme, l’établissement bancaire entend également commercialiser les produits Wiseed dans son réseau d’agences à destination des épargnants. Notre difficulté, c’est la notoriété Philippe Gaborieau Président fondateur d’Happy Capital Un projet encore freiné par le risque encouru par les investisseurs sur ce type de placements : “sur la partie BtoC, nous limitons l’offre à nos gestionnaires de patrimoine. Ces produits doivent en effet être à destination d’investisseurs avertis”, précise Jérôme Henry. Les plateformes pour leur part ont conscience qu’il faudra du temps avant de voir leurs offres commercialisées en agence. Pour l’heure, elles tablent sur la visibilité apportée par les marques bancaires. “Notre difficulté, c’est la notoriété. Il y a en France un gros travail de pédagogie à faire qui ne peut être réalisé que par le biais de partenaires apportant de la confiance”, explique Philippe Gaborieau, président fondateur d’Happy Capital, une plateforme de crowdequity qui a noué un partenariat avec Caisse d’Epargne fin 2015. Le modèle 100 % intégré Dans cette course aux nouveaux clients à forts potentiels, certaines banques vont encore plus loin, à l’instar de la Banque Populaire Atlantique qui a créé en avril 2015, Proximéa, sa propre plateforme de crowdfunding, filiale à 100 % de l’établissement bancaire. “Une jeune entreprise en amorçage ou en développement a besoin de renforcer ses fonds propres pour faire face à ses besoins de développement. Une fois renforcée en fonds propres, la société peut solliciter des prêts bancaires plus importants. Il semblait donc naturel de couvrir ce besoin préalable en proposant cette solution innovante d’apport en fonds propres aux entrepreneurs”, explique Anne-Sophie Meysselle, responsable de projets au sein de la plateforme. Un bon moyen pour l’établissement bancaire de capter de futurs clients très recherchés à l’instar des start-up et des entreprises en fort développement. Depuis sa création, la plateforme a permis de financer 8 projets pour un montant total de 5 millions d’euros. Si Proximéa revendique son indépendance vis-à-vis de son unique actionnaire, pas question pour autant de se lancer dans du prêt aux entreprises, l’activité de prêts étant jugée bien trop concurrente du cœur de métier de l’établissement bancaire. Des banques encore réticentes face au développement du crowdlending Et, de fait, rares sont les acteurs bancaires à nouer des partenariats avec des plateformes de crowdlending, “un modèle bien trop proche de notre cœur de métier”, explique Cédric Mignon, directeur du développement des Caisses d’Épargne. Même état d’esprit au sein du Crédit Coopératif qui invoque à nouveau les risques encourus par les épargnants. Pour l’heure, quelques rares établissements bancaires se sont lancés dans l’aventure à l’instar d’Hello Bank ! qui a noué un partenariat avec Credit.fr en septembre 2016. La plateforme de crowdlending gagne en visibilité grâce à la promotion faite sur le site Hello Bank !, tandis que la banque mobile a la possibilité de proposer à ses épargnants un nouveau produit d’investissement. Au-delà de la rémunération perçue par la banque en qualité d’apporteur d’affaires, c’est la diversification de l’offre à destination de sa clientèle d’investisseurs particuliers qui est visée. Reste que là encore, l’affichage est discret : “le crowdlending est un support d’épargne qui comporte des risques. C’est la raison pour laquelle nous ne faisons pas de publicité ouverte sur notre site. L’onglet crowdlending n’est ouvert qu’à nos clients et nous avons choisi de faire une présentation à plat qui présente l’ensemble des risques”, détaille Marc Campi, directeur général d’Hello Bank!. Groupama Banque s’intéresse également au prêt participatif et a opéré un rapprochement dès 2015 avec Unilend. Néanmoins, “ce partenariat se matérialise par une prise de participation de l’établissement bancaire dans les projets financés par Unilend”, explique Nicolas Lesur. L’assurbanque, qui avait annoncé à l’époque une enveloppe de 100 millions d’euros sur 4 ans, refuse aujourd’hui de communiquer sur l’évolution de ce partenariat. Vers la vente de produits de financement participatif en agence ? Si pour l’heure les partenariats semblent en phase de tests, nombreux sont les acteurs du financement participatif à tabler sur une rapide et prochaine accélération, via notamment des prises de participation majoritaire d’acteurs bancaires dans des plateformes de crowdfunding. Les experts veulent croire à la perméabilité entre plateformes et banques de détails, y compris sur des produits tels que le prêt : “les établissements bancaires commencent à comprendre que même si les produits proposés ne sont pas conçus en interne, les prêts participatifs sont des produits très margés et peu coûteux en fonds propres. Ils sont donc tout à fait rentables pour une banque de détail. Par ailleurs, les plateformes de prêts participatifs ne proposent que le prêt sans garantie et n’offrent pas l’ensemble des produits que proposent les établissements bancaires. En ce sens, il est peu probable que nous devenions des concurrents directs”, explique Nicolas Lesur qui anticipe de nouveaux partenariats à venir entre les banques et les plateformes de financement participatif. Quels statuts pour les plateformes de financement participatif ? En 2014, l’ordonnance et le décret relatifs au financement participatif marquaient une petite révolution au sein du marché bancaire, en permettant officiellement aux plateformes d’opérer. Pour ce faire, les nouveaux entrants ont obligation de se doter du statut de conseiller en investissement participatif (CIP) pour l’intermédiation de prises de participation ou de celui d’Intermédiaire en Financement Participatif (IFP) pour l’intermédiation de prêts. En octobre 2016, un décret a libéré encore un peu plus le financement participatif en permettant aux CIP d’intermédier les minibons. Les plateformes doivent s’immatriculer auprès de l’Orias. Au 19 mai 2017, on comptait 80 IFP et 48 CIP. Cliquez sur le tableau pour l’agrandir Chloé Consigny banque de détailcrowdequitycrowdfundingcrowdlendingdonspartenariat Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind