Accueil > Services bancaires > La chute de Silicon Valley Bank ouvre des opportunités aux fintech La chute de Silicon Valley Bank ouvre des opportunités aux fintech Il a fallu moins de 48 heures à Silicon Valley Bank pour sombrer, asphyxiée par une panique bancaire. Retour sur un événement exceptionnel qui a catastrophé de nombreux clients de SVB, mais qui a aussi profité à des fintech concurrentes. Par Antoine Duroyon. Publié le 14 mars 2023 à 12h06 - Mis à jour le 14 mars 2023 à 15h40 Ressources La chute brutale de Silicon Valley Bank (SVB) laissera des traces. Cette banque californienne, fondée en 1983, avait réussi à s’imposer comme un acteur incontournable du financement des sociétés technologiques aux Etats-Unis et en Europe. Avec 209 milliards de dollars d’actifs consolidés à fin 2022, elle était la 16ème banque commerciale des États-Unis. Sa fermeture soudaine par les régulateurs le 10 mars est venue rappeler une dure réalité : si la remontée des taux d’intérêt est nécessaire en période inflationniste, elle peut aussi être fatale. Au cours de la pandémie du Covid-19, la banque a enregistré un afflux de liquidités. Les dépôts sont passés de 60 milliards de dollars à la fin du premier trimestre 2020 à près de 200 milliards de dollars au terme du premier trimestre 2022. Sa maison-mère SVB Financial a employé ces ressources excédentaires pour acheter plusieurs dizaines de milliards de dollars de créances titrisées de maturité longue garanties par l’État. Des titres que l’établissement a catégorisés en “détenus jusqu’à échéance”. Cette manœuvre lui a permis de ne pas matérialiser comptablement les variations de valeur des titres, ce qui aurait alerté sur le risque encouru. Panique bancaire Mais la forte remontée des taux directeurs américains, qui sont passés de 0,25 % à 4,375 % en 2022, a fait chuter la valeur de ces instruments financiers. A la fin de l’année 2022, les pertes latentes sur ce portefeuille excédaient les 17 milliards de dollars, soit davantage que les fonds propres. Dans le même temps, SVB a assisté à des retraits de dépôts croissants, alors que ses clients devaient affronter des conditions de financement nettement plus difficiles. Les retraits ont été supérieurs aux dépôts chaque trimestre depuis début 2022. À fin février 2023, les dépôts sont ainsi retombés à 169 milliards de dollars. Cette fluctuation des dépôts, qui implique une gestion dynamique de l’ALM, soulève des risques considérables. Et SVB n’a pas rendu ses actifs assez liquides et diversifiés pour y faire face. Pour honorer les retraits, la banque a dû se résoudre à se délester de titres, ce qui a précipité sa chute. Le 8 mars, elle a annoncé la cession de 21 milliards de dollars de titres “disponibles à la vente”. Objectifs affichés : “repositionner le bilan de SVB pour accroître la sensibilité des actifs afin de tirer parti de la hausse potentielle des taux d’intérêt à court terme, de bloquer partiellement les coûts de financement, mieux protéger le revenu net d’intérêt (RNI) et la marge nette d’intérêt (MNI), et d’améliorer la rentabilité”. Une opération qui s’est soldée par une perte nette de 1,8 milliard de dollars. Pour se remettre sur de nouveaux rails, SVB devait lever des fonds. L’établissement a lancé une augmentation de capital de 2,25 milliards de dollars, dont 500 millions sécurisés auprès de General Atlantic. Mais cette annonce n’a fait que jeter une lumière crue sur les failles béantes dans l’édifice SVB. La levée de fonds a tourné court et plusieurs sociétés de capital-risque ont appelé leurs participations à retirer leurs fonds. Un mouvement de panique bancaire a gagné le marché : sur la seule journée du 9 mars, les déposants ont essayé de retirer 42 milliards de dollars, soit le quart des dépôts totaux. “En tant que fondateur d’une banque, vous apprenez très tôt à ne pas surestimer la fidélité de vos clients […] Même les clients fidèles ne le sont qu’en fonction de la valeur de leur argent”, a commenté Daniel Cohen, cofondateur et ancien président de The Bancorp. Le 10 mars, les régulateurs ont ordonné la fermeture de SVB. Afin de “protéger l’économie américaine en renforçant la confiance du public dans notre système bancaire”, ils ont par ailleurs pris une mesure exceptionnelle : les déposants peuvent tous accéder à leurs fonds, qu’ils soient garantis ou non. À fin décembre 2022, 96 % des dépôts n’étaient pas couverts par le mécanisme de garantie (au-delà de 250 000 dollars par déposant) géré par la FDIC. La Fed a par ailleurs annoncé une ligne de crédit de 25 milliards de dollars afin de soutenir la liquidité d’autres établissements le cas échéant et d’éviter un phénomène de contagion. Un renflouement ? Un soulagement pour des milliers de start-up qui redoutaient une perte sèche. Néanmoins, les déposants non assurés devront être patients. Ils recevront des “certificats de séquestre” qui leur permettront de prétendre à une restitution (sans garantie sur la totalité des fonds) lorsque les actifs de SVB seront cédés. Pour gérer le processus, une nouvelle banque relais (Silicon Valley Bank NA) a été mise sur pied, dirigée par l’ancien PDG de Fannie Mae, Tim Mayopoulos. Le gouvernement assure qu’il ne s’agit pas d’un renflouement dans la mesure où les créanciers de SVB essuieront en totalité leurs pertes. La vente à la découpe de SVB a débuté Le géant bancaire britannique HSBC a annoncé le 13 mars le rachat pour 1 livre symbolique des activités britanniques de Silicon Valley Bank (SVB UK), la banque californienne fermée par les régulateurs le 10 mars. SVB UK totalise des encours de crédits et de dépôts de 5,5 milliards de livres et 6,7 milliards de livres respectivement. Rentable, la filiale a dégagé un résultat avant impôt de 88 millions de livres en 2022. “Cette acquisition [facilitée par l’intervention du gouvernement et de la Banque d’Angleterre, Ndlr] renforce notre activité de banque commerciale et notre capacité à servir les entreprises innovantes et à croissance rapide, notamment dans les secteurs de la technologie et des sciences de la vie, au Royaume-Uni et à l’étranger“, a commenté Noel Quinn, CEO de HSBC. En Allemagne, le régulateur BaFin a ordonné à la succursale allemande de SVB de cesser toutes ses opérations. Basée à Francfort, elle totalisait 789 millions d’euros d’actifs à fin 2022. La cession des activités aux États-Unis s’annonce problématique. “Ce sera plus difficile à vendre, car la plupart des banques ne comprennent pas cet univers du financement des start-up. Nous verrons peut-être de nouveaux entrants s’attaquer à des banques régionales. Mais plus probablement, je pense que la prochaine étape pour SVB est la liquidation“, a estimé Daniel Cohen, cofondateur de The Bancorp. SVB était un acteur de premier plan auprès des fintech. “SVB n’était pas seulement là pour prendre les dépôts. Ils traitaient les paiements, faisaient de la gestion de trésorerie, de la gestion de patrimoine, de la banque d’investissement, etc. Ainsi, de nombreuses fintech assuraient leurs activités depuis SVB, et ne se contentaient pas d’y placer leurs dépôts”, a rappelé à Bloomberg Steve McLaughlin, fondateur et CEO de FT Partners. La société crypto Circle est l’un de ses clients phares, avec quasiment un tiers des réserves en cash de son stablecoin USDC (3,3 milliards de dollars) logées chez SVB. Son PDG Jeremy Allaire s’est dit soulagé des mesures prises par les régulateurs même si “il est également possible que SVB ne retourne pas 100 % [des fonds] et que toute restitution prenne un certain temps, car la FDIC émet des certificats de séquestre et des dividendes anticipés aux détenteurs de dépôts”. Tandis que SVB s’effondre, des fintech y voient une opportunité de récupérer ses clients. “Je pense qu’il y a une place immense à prendre pour les fintech qui entrent en scène pour résoudre des problèmes en s’appuyant sur de grandes banques établies. Vous pouvez avoir le meilleur des deux mondes”, a estimé Steve McLaughlin. Brex, qui fournit une solution de gestion des dépenses professionnelles en se reposant notamment sur JPMorgan aurait accueilli plusieurs milliards de dollars de dépôts ces derniers jours. La fintech australienne Airwallex, qui propose des comptes multidevise et des services de paiement aux entreprises grâce à 60 partenaires bancaires à travers le monde (dont SVB était l’un d’entre eux), a indiqué avoir doublé son rythme d’acquisition de nouveaux clients au cours des derniers jours. Des partenaires bancaires de fintech dans la tourmente La faillite de SVB a entraîné dans sa chute d’autres banques régionales, dont certaines se sont spécialisées dans les services aux fintech. Signature Bank, une banque dont 30 % des dépôts étaient liés à des activités dans les cryptoactifs (notamment pour Coinbase et Paxos), a également été fermée administrativement en raison d’une crainte de panique bancaire. Quelques jours plus tôt, Silvergate Bank avait déjà dû cesser ses activités. Les partenaires bancaires de néobanques de premier plan sont sévèrement attaqués en Bourse. C’est le cas de Metropolitan Commercial Bank, le partenaire de Revolut aux Etats-Unis, dont l’action a chuté de près de 44 % le 13 mars. Sanction similaire pour The Bancorp (- 20 % depuis le 9 mars), l’un des deux partenaires de Chime, et Fifth Third Bancorp, l’un des partenaires de Brex, dont le cours a dévissé de plus de 13 % le 13 mars. Western Alliance Bank, qui s’est associée à Tassat pour une plateforme de paiements pour les entreprises basée sur la blockchain, a vu son titre dégringoler de plus de 60% depuis le 9 mars. D’autres fintech américaines, comme Dave, Mercury, Veem ou encore FuturePay, s’appuient sur Evolve Bank & Trust ou Cross River, des banques qui ne sont pas cotées en Bourse. Antoine Duroyon financement des entreprises Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Clap de fin pour Silvergate Bank Coinbase suspend les paiements avec Silvergate Bank