Accueil > Services bancaires > Le low-code/no-code ou la promesse d’une accélération de la digitalisation Le low-code/no-code ou la promesse d’une accélération de la digitalisation Les plateformes low-code et no-code offrent l’opportunité au secteur de la banque et de l’assurance de démocratiser le digital et ses développements en rendant les métiers autonomes. Mais elles aident aussi la DSI à accélérer la conception d’applications, y compris d’intelligence artificielle. Par Christophe Auffray. Publié le 01 juin 2022 à 17h30 - Mis à jour le 29 mars 2024 à 12h12 Ressources Le cabinet de recherche Gartner estime que la demande d’applications mobiles augmente cinq fois plus vite que la capacité de l’IT à délivrer, c’est-à-dire à les concevoir. Mais les développements des organisations ne se limitent pas au mobile. Sur cinq ans, 500 millions de nouvelles applications seront créées, en particulier pour répondre aux enjeux d’accélération de la transformation digitale. IDC estime à ce titre qu’en 2023, 25 % des grandes entreprises européennes deviendront des producteurs de logiciel. Leur motivation : se transformer et maintenir leur position de marché. Les ressources, en particulier humaines, sont cependant limitées, pour des raisons de coûts, mais aussi de pénurie de développeurs. 70 % des nouvelles applications en low code ou no code en 2025 Banques et assurances cherchent donc un moyen de concilier réduction du time-to-market et meilleure adéquation aux besoins, des collaborateurs comme des clients. Une des solutions consiste donc à accroître le recours à l’automatisation. La RPA (Robotic Process Automation), déjà largement déployée dans le secteur, est ainsi étendue à de nouveaux processus, grâce notamment à un couplage avec l’intelligence artificielle ou le process mining. Mais les technologies low-code et no-code constituent aussi de plus en plus un outil de la panoplie technologique. D’ailleurs, Gartner prévoit que d’ici 2025, 70 % des nouvelles applications en entreprise seront développées via des technologies low-code ou no-code. En 2020, cette part était de tout juste 25 %. Le low-code/no-code (LCNC) englobe des solutions très diverses allant de la plateforme complète de développement aux fonctionnalités embarquées dans des applications verticales, CRM, ERP ou logiciel collaboratif, par exemple. Appliqué à la relation client, le LCNC permettra à un collaborateur métier, sans compétences en développement logiciel, de concevoir un formulaire. De manière générale, la finalité du low-code et du no-code (qu’il convient de distinguer cependant) est de réaliser et de déployer rapidement des applications métier, à faible coût et en un temps record par rapport à des développements classiques nécessitant des compétences spécialisées. Santander Consumer Banque crée un centre d’excellence low-code L’introduction de ces technologies dans les fonctions d’une organisation constitue donc une rupture. L’IT était jusqu’à récemment encore le seul maître d’œuvre des développements digitaux – constituant souvent un goulet d’étranglement. Cependant, l’IT elle-même peut recourir au low-code (quand le no-code vise d’abord les métiers) pour certains développements afin d’en raccourcir les délais de réalisation. Selon des sources internes, Santander Consumer Banque a ainsi recours en France au low-code au travers de la plateforme Outsystems. Depuis juin 2021, la filiale française de Santander Consumer Finance dispose d’un système totalement digital d’octroi de crédit pour le financement d’achats automobiles. Le service a été développé en low code. Pour ce projet, la banque s’est appuyée sur les compétences de son centre d’excellence low-code basé en Espagne. Ce centre est mutualisé et permet au groupe bancaire de réaliser des développements low-code pour plusieurs marchés, dont le Benelux et le Portugal. Cette mutualisation est l’opportunité pour l’entité française de réutiliser des composants conçus initialement par Santander Consumer Portugal. Sur un marché du LCNC en forte croissance (plus de 20 % en 2021) se côtoient des éditeurs historiques et spécialisés (Mendix, Outsystems, Appian, Timetonics, Sikiwis, Convertigo, Simplicité…), mais aussi des généralistes (Microsoft, Oracle, Pega, Salesforce…) et des start-up (Airtable, Bubble…). Les principaux acteurs des plateformes low-code sont réunis par Gartner au sein de son Magic Quadrant Low-code/no-code : des usages et utilisateurs distincts Les offres logicielles de low-code/no-code couvrent des besoins hétérogènes, du plus simple, comme les formulaires, au plus avancés, y compris pour des applications cœur de métier. Le recours au low-code pour des systèmes critiques n’est pas généralisé cependant. Des entreprises privilégient par exemple des développements peu ou pas critiques, quand d’autres, comme Santander, plus matures, exploitent le low-code pour des services transactionnels. Fabien Petiau, directeur France d’Outsystems, tient néanmoins à signaler que les usages du low-code ne se cantonnent pas à la conception de “petites applications”. Sur un marché autre que la bancassurance, Schneider Electric a par exemple mis au point 110 applications nativement low-code, dont certaines portant sur des activités essentielles. MAIF en expérimentation low-code depuis 2021 Dans l’aéronautique cette fois, Airbus s’est équipé de plusieurs plateformes low-code répondant à des besoins distincts (workflow, applications, data visualisation, data analytics…). Ce portefeuille de solutions permet aux métiers de tester rapidement, en autonomie, et de démontrer la valeur de leurs développements. Le low-code intervient en particulier au sein de l’industriel pour la conception d’applications de faible complexité et dans le but d’en accélérer le time-to-market. Dans la banque et l’assurance, les plateformes LCNC répondent aux mêmes enjeux. Mais en raison de la complexité des systèmes d’information et aussi pour des raisons réglementaires, les usages sont moins avancés que dans d’autres secteurs. Ils se développent rapidement cependant. En matière de data science, Société Générale constitue une brigade de “citizen data scientists” pour s’emparer de la plateforme low-code Dataiku. Dans l’assurance, la MAIF a démarré des expérimentations en 2021, selon nos informations. L’assureur mutualiste envisage à ce stade de mettre le low-code à disposition des business analysts. Le low-code et le no-code ne sont pas voués à toucher l’ensemble des collaborateurs. De plus, low-code et no-code ne s’adressent pas aux mêmes populations. Sans être des développeurs, les “citizen developers” des métiers doivent disposer a minima d’une appétence au digital, voire d’un sérieux verni IT pour concevoir des applications en low-code. Pas de low code sans développeurs professionnels Alexandre Cozette, lead solutions architect chez Outsystems, va même au-delà et nuance le concept de “citizen developer”. Selon lui, la conception d’applications ne relève pas du rôle du métier. L’expert insiste donc avant tout sur les bénéfices du low-code pour la DSI. Cette position est partagée par Mathilde Gailledreau, consultante en transformation digitale chez Capgemini Invent. “Une plateforme low-code est et sera toujours manipulée par des développeurs expérimentés et professionnels. Ce sont des projets IT à part entière. Et le low-code est ainsi l’opportunité de simplifier des développements, sans perdre en flexibilité, même si pour les fonctionnalités avancées, on préconisera de revenir à l’écriture de code”, poursuit-elle. Dans le domaine de la relation client, les solutions Pega et ServiceNow sont par exemple exploitées pour “outiller des interactions entre clients, back-office et métiers pour couvrir des cas d’usage assez larges impliquant une collaboration entre plusieurs équipes.” Il en va différemment du no-code, littéralement zéro code. Cette approche ne nécessite pas d’écrire de code source. L’utilisation repose principalement sur des interfaces graphiques ou du langage naturel. Ces technologies ne “nécessitent pas de formation technique IT pour développer et maintenir des applications et des automatisations en local”, détaille Mathilde Gailledreau. En termes de développement et de maintenance, la société de conseil préconise pour le no-code d’en limiter l’utilisation à des besoins “assez simples et proches du métier”. L’autonomie dans le maintien en condition opérationnelle exclut de fait les applications trop complexes ou trop critiques. La gouvernance pour maximiser la valeur et réduire les risques La frontière tend à se réduire. En effet, une convergence entre no-code et low-code s’opère via l’intégration de modules no-code dans les plateformes low-code afin de permettre une mutualisation entre les utilisateurs des métiers et ceux de la DSI. Pour la consultante de Capgemini Invent, il convient toutefois d’accompagner ces usages de prérequis, en particulier en matière de gouvernance. Parmi les règles de gouvernance figurent l’information de la DSI de la composition du portefeuille applicatif no-code, la nomination de responsables métier des applications, la remontée de statistiques d’usage, la définition et le respect de critères d’éligibilité des cas d’usage et des données au no-code, la documentation à des fins de maintenabilité et de mutualisation, etc. “La gouvernance ne doit pas être perçue comme contraignante. Elle n’est pas nécessairement administrative et besogneuse. La gouvernance est avant tout l’occasion de définir des règles du jeu, stables, et indispensables pour offrir de l’autonomie, mais dans un cadre”, note Mathilde Gailledreau. La gouvernance ne vise pas non plus à décourager les usages par les métiers. Ainsi, le cadre embarque aussi des dispositifs en matière d’acculturation au digital, de formation aux outils et de support. Obtenir le sponsoring de la direction et des métiers La gouvernance est l’un des piliers d’une stratégie réussie de déploiement du LCNC en entreprise. Ce n’est pas le seul. Les organisations peuvent se référer à un certain nombre de bonnes pratiques : Impliquer les instances dirigeantes à des fins de sponsoring de la démarche LCNC et de ruissellement au sein de l’organisation. Prendre en compte les enjeux de conformités liés aux données. Les métiers doivent être sensibilisés à la régulation et à l’utilisation des données personnelles. Anticiper le vendor lock-in ou dépendance au fournisseur. Le code n’est généralement pas portable d’une plateforme à une autre. Mise en place de processus de remontée et de sélection des cas d’usage. Être vigilant sur les coûts et détecter les coûts cachés. Les frais liés à l’utilisation de ces technologies peuvent augmenter très rapidement et le licensing des éditeurs ne facilite pas toujours une lisibilité des coûts. Former et accompagner la conduite du changement au sein des métiers Établir et animer une communauté de “citizen developers” en partenariat avec les ressources humaines. Communiquer sur la valeur métier du projet, identifier des sponsors métier, et faire connaître ensuite les cas d’usage emblématiques au sein de l’organisation pour encourager l’adoption. Société Générale met le low-code au service des usages Data et IA La volonté d’accélération de sa transformation digitale conduit la Société Générale, comme d’autres entreprises, à rechercher des solutions participant à cette ambition. L’évolution des méthodes de développement au profit du DevOps et de l’agile à l’échelle s’inscrit dans ce contexte. Se pose toutefois toujours la question de la ressource sur un marché du recrutement des développeurs en tension. Le recours à des applications de type low-code/no-code répond à ces problématiques. En outre, la maturité acquise par ces outils en favorise l’adoption. C’est le constat dressé par Julio Lopez, responsable adjoint Digital Data Solutions du groupe Société Générale. “Même si on donne la main à ce que j’appelle des citizen IT, nous nous efforçons de le faire dans un cadre permettant de nous assurer de rester en maîtrise et de ne pas générer une future dette technique ou un risque opérationnel majeur”, pose-t-il cependant comme ligne directrice. En matière d’outillage, Société Générale classe ses usages LCNC en plusieurs catégories. La première comprend les applications de dataviz, la visualisation de données apportée par les outils décisionnels. Leur usage “est assez répandu au sein du groupe” et celui-ci prévoit de l’étendre encore davantage dans une logique d’acculturation des collaborateurs à la Data. La dataviz s’intègre à la stratégie data-driven mise en place par la banque. Acculturer les métiers par la visualisation des données, c’est d’ailleurs aussi l’approche suivie par des multinationales comme Michelin ou AXA France. PowerBI de Microsoft, mais aussi Tableau et MicroStrategy composent le portefeuille d’applications exploité par différentes fonctions de Société Générale. La direction générale du groupe a en outre fixé comme cap un déploiement de PowerBI ou équivalent auprès de l’ensemble des collaborateurs. Les objectifs : l’acculturation et la valorisation du patrimoine de données. Depuis début 2022, l’établissement bancaire déploie également une plateforme low-code Dataiku axée sur la data science. Cette mise en œuvre facilite des opérations de traitement des données, dont la préparation, les rendant accessibles à des “citizen data scientists”. Ces tâches sont une étape incontournable avant l’exploitation des données dans des modèles de machine learning. A terme, toutes les business units et fonctions support auront accès à la plateforme. “Beaucoup de cas d’usage sont sur le papier et nous commençons à les mettre en œuvre avec les différents métiers, que ce soit sur le retail France, l’assurance ou le wholesale”, décrit Julio Lopez. Avec une restriction cependant : éviter les processus réentrants pour des enjeux de maîtrise du système d’information. Enfin, toujours en matière d’intelligence artificielle, Société Générale étudie des plateformes de type Open AI. Pourquoi ? Notamment pour leur capacité à générer du code en langage naturel dans une optique d’accélération du développement et de modernisation du patrimoine legacy. “Nous sommes en phase de pilote, mais avec un intérêt assez prononcé”, commente l’expert. 200 utilisateurs de la plateforme de data science d’ici fin 2022 Pour le développement logiciel, l’entreprise a pour le moment fait le choix de ne pas recourir à des solutions du marché comme Outsystems ou Appian. Celle-ci a privilégié la conception en interne de sa propre plateforme no-code, exploitée à la fois par des populations métier et IT pour des activités telles que la prévention des risques de marché et leurs processus. Cette internalisation n’empêche cependant pas la banque d’examiner l’offre Power Platform du cloud Azure de Microsoft. Quelques pilotes sont en cours. Ils portent par exemple sur la mise à jour de la documentation normative des activités de marché. Mais pour ces usages, Julio Lopez estime qu’une acculturation et un “vernis IT” sont un préalable nécessaire. “Néanmoins, cela ouvre des perspectives que nous n’avions pas par le passé. Auparavant, l’IT était réservée à ses professionnels. C’est moins vrai dorénavant, même si ces usages nécessitent d’être encadrés”, poursuit-il. En ce qui concerne les utilisateurs de ces outils dans les métiers, Société Générale s’appuie sur des profils avec une appétence IT (par exemple des habitués des macro Excel) ou provenant des fonctions IT. Ces utilisateurs métier “mettent en œuvre, avec notre aide, mais au profit de l’ensemble de la communauté de leur département.” Ces ambassadeurs et relais locaux sont indispensables pour faire émerger les cas d’usage et les déployer. Autre composante incontournable : la gouvernance. Encore en phase de déploiement, Société Générale “met progressivement en place les différents garde-fous”. Parmi les règles définies, celles relatives à la responsabilité. Le département maître d’œuvre a ainsi la responsabilité de la maintenance d’un cas d’usage en production. Celui-ci peut néanmoins s’appuyer sur le support du centre d’expertise créé au sein de la DSI et sur des spécialistes data science, en soutien sur l’implémentation de Dataiku. D’ici la fin 2022, Société Générale se fixe comme objectif 200 utilisateurs de la plateforme de data science pour le développement d’usages métier. Les outils low-code servent aussi les ambitions du groupe en matière de conception de produits d’IA et leur utilisation à l’échelle. Christophe Auffray transformation digitale Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Entretien Reda Bouakel : “Fortia va lancer une plateforme no code”