Accueil > Services bancaires > Banque au quotidien > Les néo-banques pour entreprises devront faire appel à des réseaux pour acquérir leurs clients Les néo-banques pour entreprises devront faire appel à des réseaux pour acquérir leurs clients Les néo-banques dédiées aux entreprises, dont les offres émergent en Europe, présentent un business model plus évident que sur le créneau des particuliers. Leur clientèle est néanmoins plus difficile à segmenter et à recruter. Par Aude Fredouelle. Publié le 27 octobre 2017 à 9h00 - Mis à jour le 27 octobre 2017 à 9h00 Ressources Après leur offensive auprès des particuliers, les néo-banques ciblent désormais le créneau des entreprises. En France, plusieurs d’entre elles se sont lancées depuis le début de l’année : N26 (en bêta), Revolut, Qonto ou encore manager.one (marque de la banque Wormser Frères). Et de nouveaux acteurs préparent leur arrivée, comme Shine, qui a levé deux millions d’euros pour démarrer son activité avant la fin de l’année. Ces néo-banques pour entreprises s’attaquent à un marché jusqu’ici occupé par les acteurs traditionnels et les experts comptables. Cible prioritaire : les indépendants La plupart des néo-banques ont débuté avec des offres destinées aux freelances. C’est le cas de l’allemande Kontist (qui assure sur son site que la cible sera bientôt étendue), de N26 (avec une déclinaison de son offre pour les particuliers, sans outils additionnels, réservée aux freelances et auto-entrepreneurs), de Shine… Certaines ont élargi la cible aux start-up et TPE, comme la finlandaise Holvi (“nous ciblons les entreprises de moins de 10 salariés”, nous décrit Antti-Jussi Suominen, CEO) ou Qonto. C’est sur ce segment de clientèle que le marché semble le plus évident. “Les besoins des petites structures sont encore assez mal couverts par les banques”, confirme Julien Maldonato, associé industrie financière chez Deloitte. Manager.one, première offre française d’un établissement de crédit Lancée en juillet, manager.one est une marque opérée par la banque Wormser Frères et créée en partenariat avec la fintech SaGa CORP, dirigée par Adrien Touati. “Nous voulions accompagner et financer le projet dès le départ en étant très impliqués opérationnellement”, raconte Marc Wormser. Les clients de manager.one pourront être basculés vers la banque Wormser Frères quand leurs besoins dépasseront ceux de l’offre en ligne : “pour les virements internationaux par Swift, les comptes à terme, des cautions bancaires…”. Comme la plupart de ses concurrents, manager.one se veut un “agrégateur de services fintech”. Lendix, soutenu depuis ses débuts par la banque Wormser Frères, pourrait faire partie des premiers partenaires. “Les néo-banques s’adressent surtout à une petite partie du segment des entreprises, des indépendants de plus en plus nombreux et liés au phénomène de l’économie à la demande. Elles les aident à se professionnaliser à moindre coût”, commente Pierre-Louis Durel, manager chez Wavestone. Des clients aux besoins simples qui ne nécessitent pas une relation bancaire privilégiée et un conseil important. Anytime, par exemple, propose un accès à deux comptes, l’un professionnel et l’autre particulier. “De plus en plus de personnes ont une double activité avec des compléments de revenus et doivent séparer leurs comptes”, note Damien Dupouy, cofondateur. Remplacer l’expert-comptable En greffant au compte bancaire des outils d’aide à la gestion (notes de frais, création de factures) et des services qui sont habituellement l’apanage des experts-comptables (calcul des impôts en temps réel, catégorisation des dépenses, reporting mensuel…), les néo-banques espèrent séduire les jeunes entreprises. Puis, pourquoi pas, les plus grands comptes, notamment via l’intégration de logiciels de comptabilité. Revolut et Tide ont tous deux annoncés l’intégration de solutions comme Xero et Sage. “Les nouveaux entrants automatisent et démocratisent des services aujourd’hui gérés par les experts-comptables à la main mais pas accessibles aux petites structures”, ajoute Julien Maldonato. Outre l’automatisation, ils s’orientent vers du conseil élaboré que ne peuvent offrir les agents humains : “ils veulent analyser les flux et identifier des schémas grâce au Big Data pour aider les entrepreneurs à mieux piloter leur activité. Reste à savoir s’il s’agit seulement d’un argument marketing ou non.” Entreprises à l’appétence digitale Les néo-banques se positionnent aussi auprès d’entreprises plus importantes et “aux appétences digitales fortes”, relève Pierre de Brabois, associé chez Wavestone. Elles intègrent des services pour aider leurs clients à vendre en ligne : création de site Web, e-mailing, envoi de notifications push… Holvi propose ainsi à ses clients de créer un site Web puis prélève des commissions sur leurs ventes. Anytime a aussi intégré, pour séduire ce type de clientèle, des modules d’acceptation de paiements en ligne et par SMS et commercialise même auprès de ses utilisateurs un terminal pour encaisser les paiements. La plupart des néo-banques n’acceptent d’ailleurs pas les dépôts de chèques, hormis quelques exceptions comme Anytime. “En France, cela risque d’être compliqué pour les clients”, estime Laurent Nizri. “Pour nous, c’est un argument pour recruter les petites sociétés, confirme Damien Dupouy, d’Anytime. 90% des chèques émis en Europe sont absorbés par la France.” Les néo-banques vont-elles pour autant remplacer les banques ? Damien Dupouy répond par la négative. Les clients de l’offre pro lancée en 2016, principalement des entreprises de 3 à 50 salariés, utilisent pour environ 80% d’entre eux Anytime en compte secondaire, même si le taux d’utilisation mensuel est de l’ordre de 85%. “Nous sommes complémentaires de ce que peut faire la banque et nos clients nous utilisent pour notre rapidité, notre flexibilité et des services comme les virements à l’international ou la gestion des notes de frais”, affirme Damien Dupouy. Business model plus évident qu’en BtoC Le business model semble à première vue plus simple que sur le segment BtoC. Les commissions d’interchange sont plus élevées et, contrairement aux particuliers, les entreprises ne rechignent pas à payer pour leurs services bancaires. Plusieurs acteurs, comme Anytime, Qonto, Revolut, Holvi ou Manager.one, proposent des abonnements de base allant de 10 à 30 euros par mois environ et comprenant un Iban, une carte bancaire et un certain nombre de transactions et de retraits gratuits, au-delà desquels l’entrepreneur (ou l’entreprise) sera facturé. Les services complémentaires (cartes multiples, retraits à l’étranger…) sont eux aussi payants. De quoi amortir assez rapidement le coût d’acquisition, qui s’élève à 100 à 200 euros par client en moyenne. “D’autant que sur le secteur des entreprises, le taux de mobilité bancaire est moins élevé que chez les particuliers”, assure Julien Maldonato. Certaines néo-banques font même le pari de la gratuité pour le forfait de base, en facturant ensuite les opérations, parfois au-delà d’un certain seuil. C’est le cas de Kontist, de N26 et de Tide. Si les néo-banques parviennent à la fois à offrir des services bancaires et remplacer (du moins en partie) le travail de l’expert comptable, alors leurs frais seront intéressants pour les entrepreneurs. Mais les modèles sans abonnements mensuels devront encore prouver leur rentabilité. Multiplier les services aux marges faibles Outre les frais bancaires, les néo-banques pour entreprises misent sur des partenariats, comme sur le créneau des particuliers, pour améliorer le service mais aussi pour se rémunérer en tant qu’apporteur d’affaires. “Notre business model sera principalement basé sur les abonnements et les commissions”, assure par exemple Antti-Jussi Suominen, CEO d’Holvi. Alexandre Prot, CEO de Qonto, nous expliquait en mars dernier travailler avec la solution de gestion du change Kantox et discuter avec des logiciels de comptabilité, des solutions d’affacturage… Depuis, la société a aussi signé avec le prestataire de services de paiement iZettle, nous révèle le CEO. Lancée en janvier au Royaume-Uni, Tide propose de son côté des prêts aux entreprise grâce à un partenariat avec la plateforme en ligne iwoca. Chez Anytime, environ la moitié des revenus sur l’offre pro est issue des abonnements, et l’autre des commissions d’interchange et commissions d’apporteur d’affaires, nous explique Damien Dupouy. La société propose notamment une solution d’affacturage avec Edebex, un terminal de paiement avec SumUp et des transferts internationaux avec CurrencyCloud. Sur son offre pro, Anytime vise l’équilibre entre 2018 et 2019. La faiblesse du business model des néo-banques pour entreprises pourrait résider dans leur cible. Les clients les plus faciles à attirer, les indépendants ou très petites entreprises, brassent peu de volumes. “Les utilisateurs de ces néo-banques ne gagneront pas beaucoup d’argent et, le jour où leur activité décollera, ils risquent de faire appel à un expert-comptable”, commente Laurent Nizri. Les vecteurs d’acquisition seront clés Alors que les nouveaux acteurs se multiplient, la stratégie d’acquisition démarquera les leaders. “Les entrepreneurs sont moins sensibles au marketing de masse que les particuliers”, déclare Julien Maldonato. Le meilleur canal pour les recruter, selon lui : le relationnel. “Les néo-banques pourront s’allier à une plateforme pour freelances comme Hopwork, comme l’a fait Finexkap pour l’affacturage”, anticipe Laurent Nizri. Julien Maldonato évoque, lui, les réseaux d’experts-comptables : “les néo-banques ne peuvent promettre de commissions puisque la profession est réglementée mais elles pourraient leur proposer leurs solutions en marque blanche.” Les géants de l’e-commerce bien positionnés pour rafler le marché Pour les banques traditionnelles, la menace ne vient pas tant de ces nouvelles néo-banques pour entrepreneurs. “Elles pourront lancer des offres similaires assez simplement car il n’y a pas beaucoup de barrières à l’entrée”, commente Laurent Nizri. Ou elles intégreront les nouveaux acteurs par une acquisition en en marque blanche… Ce qui inquiète davantage, c’est la menace des plateformes comme Amazon ou Alibaba, qui “voient passer tous les flux financiers des entreprises sur leurs marketplaces, proposent du crédit, assurent les impayés…”, souligne Julien Maldonato. Qui prédit : “dans le futur, des méga-plateformes gèreront les services aux entreprises et seront peut-être complétées par des briques fintech car elles n’internaliseront pas tout.” Des annonces de partenariats avec des prescripteurs devraient d’ailleurs fleurir dans les prochains mois. Alexandre Prot, de Qonto, qui revendique plus de 2 000 clients recrutés trois mois après le lancement, nous indique par exemple qu’un premier sera annoncé le mois prochain. manager.one, qui vient de lever deux millions d’euros, est aussi en train “de nouer des partenariats avec des apporteurs d’affaires comme des legaltech et des experts-comptables”, confirme Marc Wormser, directeur général délégué de la Banque Wormser Frères. Anytime est déjà partenaire de l’IFEC, syndicat d’experts-comptables, et est aussi en train de tisser des partenariats avec des plateformes. “On remarque que beaucoup de volumes nous viennent de la marketplace d’Amazon, de Rakuten, de Paypal, d’Hopwork, d’Uber ou d’Airbnb…”, glisse Damien Dupouy. Les néo-banques qui, comme N26, Revolut ou Starling (qui a annoncé le lancement d’une offre pour les entreprises), ont commencé par s’adresser aux particuliers, pourront aussi miser sur la notoriété de leur marque et sur leur base d’utilisateurs pour populariser leur versant BtoB. Et pour Revolut et Ibanfirst, la stratégie repose pour beaucoup sur la compétitivité des transferts internationaux. Bouleversement de la chaîne de valeur En se positionnant entre la banque, les logiciels de comptabilité et les experts comptables, les néo-banques pourraient bouleverser la chaîne de valeur. “Pour répondre aux nouveaux acteurs qui traitent la donnée de manière automatisée, les experts-comptables sont conscients qu’ils devront aller au delà de la tenue de comptes et prendre un virage en se positionnant sur l’analyse des données d’entreprises et le conseil à valeur ajoutée”, estime Julien Maldonato. Tandis que de l’autre côté de la chaîne, “les banques traditionnelles veulent accentuer leurs efforts dédiés aux entreprises, grâce à leurs réseaux mais aussi en améliorant leurs applications et en grignotant le terrain des logiciels d’entreprise segment par segment quand elles le peuvent.” Cliquez sur le tableau pour l’agrandir (fichier PDF) Aude Fredouelle banque de détailfinancement des entreprisesnéobanque Besoin d’informations complémentaires ? 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