Accueil > Services bancaires > Lionel Baraban (Famoco) : “S’identifier et payer relèvent aujourd’hui de processus similaires” Lionel Baraban (Famoco) : “S’identifier et payer relèvent aujourd’hui de processus similaires” Famoco est une société française qui fournit des terminaux Android pour répondre aux problématiques de paiement, d’identification et d’authentification, tout en protégeant les données des entreprises. Lionel Baraban, cofondateur et CEO de la fintech, nous explique en quoi sa démarche est différente des autres terminalistes, à base de hardware, de métadonnées et de “dégooglisation”. Par Caroline Soutarson. Publié le 18 mai 2021 à 14h52 - Mis à jour le 28 janvier 2025 à 15h52 Ressources Quels sont les services fournis par Famoco ? Nous fabriquons des solutions mobiles basées sur Android pour opérer et sécuriser tous types de transactions. Par là, nous n’entendons pas seulement du paiement mais également de l’identification, du ticketing, du KYC (know your customer), etc. La particularité de nos terminaux de paiement est d’accepter non seulement les transactions EMV mais aussi les alternative payment methods (APM), c’est-à-dire tout ce qui ne dépend pas des réseaux Visa et Mastercard : les paiements privatifs, par QR code, biométriques, de transport, etc. Nous concevons le hardware et le software. Nos terminaux de paiement sont ainsi basés sur un système d’exploitation Android entièrement sécurisé, sans applications Google préinstallées, qui ne renvoie pas de données à des serveurs tiers. Ce n’est pas le cas des autres terminaux de paiement ? Lorsqu’il s’agit de protection des données, nous faisons le distinguo entre la donnée et la métadonnée. Dans une transaction, le montant est la donnée et la métadonnée est ce qu’il y a autour (l’heure à laquelle elle a été faite, le jour, l’endroit, etc.). Cette métadonnée n’est pas protégée par Google ou Huawei par exemple. La tendance qui arrive avec les fintech et les autres outils de paiement du BtoC vers le BtoB est la gratuité de la technologie contre le droit d’être profilé. Par exemple, dans le secteur ferroviaire, quand un contrôleur horodate les billets des passagers, il va “pinguer” un serveur de temps. Et il suffit de savoir combien de fois il a validé pour connaître le nombre de voyageurs dans le train. Nous luttons contre cela. Nous garantissons que, sur nos outils, il n’y a pas de fuite numérique et que la data n’appartient qu’au fournisseur. Pourtant, vos terminaux mobiles sont basés sur le système d’exploitation Android développé par Google. Que faites-vous pour que ce dernier n’ait pas accès aux métadonnées ? Il existe deux versions d’Android pour les outils BtoB : une commerciale, qui utilise les services Google et permet à Google et à d’autres entreprises qui développent des applications cachées dans l’outil de collecter des données, et une version open source. La seconde version est celle que nous utilisons. Nous la reprenons, y ajoutons des surcouches sécurisées et nettoyons l’operating system de ce qui n’est pas nécessaire et qui pourrait porter atteinte à la sécurité de l’outil. Nous la transformons en une version Android “dégooglisée” et créons nos propres serveurs. Quelle est la part de votre effectif dédiée à la technologie ? Sur notre effectif d’une centaine de collaborateurs, les ingénieurs doivent en représenter 60 %. Nous disposons d’ingénieurs en sécurité évidemment, mais aussi d’experts en cryptographie, d’ingénieurs operating system bas niveau (drivers), d’ingénieurs plateformes pour la gestion des applications MDM (mobile device management) et de l’administration des plateformes SaaS, d’ingénieurs de plateformes de paiement et des ingénieurs hardware. Vous êtes une entreprise française très implantée sur les marchés émergents. Où exercez-vous votre activité ? Nous sommes déployés en Afrique, au Canada et en Asie, entre autres. Au total, nous sommes présents dans 43 pays. Seul 20 % de notre chiffre d’affaires se fait en France. Parmi les 80 % réalisés à l’export, 60 % de nos revenus proviennent du continent africain, 20 % d’Europe et 20 % du reste du monde, notamment de l’Amérique du nord. Vous travaillez également pour l’Organisation des Nations Unies (ONU). Comment est-ce arrivé et que faites-vous concrètement ? En 2015, nous avons répondu à un appel d’offres international afin de constituer un système de paiement pour le programme d’aide alimentaire mondial. Plus de 60 entreprises ont répondu à cet appel. Nous étions petits mais notre proposition en matière de protection des données était avancée à l’époque. Nous fournissons donc depuis 2016 une solution complète de digitalisation des coupons alimentaires pour les ayants-droits. Nous sécurisons aujourd’hui presque 2 milliards de dollars par an et 30 millions de bénéficiaires. Notre contrat vient d’être renouvelé pour les cinq prochaines années. En quoi des transactions de paiement et d’identification se rapprochent suffisamment pour que vos dispositifs permettent d’effectuer les deux avec des technologies communes ? D’un point de vue macro, l’identité et le paiement sont les deux faces d’une même pièce. La carte de crédit sert à identifier le compte d’une personne. Mais il y a d’autres manières de s’identifier pour donner accès à un compte et donner naissance à un paiement. Avec l’arrivée d’Aadhaar en Inde, une base de données biométriques, il est possible de payer avec son doigt. En Chine ou à Moscou, il est possible de payer avec la reconnaissance faciale. S’identifier et payer relèvent donc aujourd’hui de processus similaires. Qui sont vos concurrents ? Nos concurrents sont de trois types : ceux qui proposent des solutions de paiement (les terminalistes) mais qui ne font qu’une partie de ce que nous faisons, comme Samsung, Motorola ou Zebra ; les solutions de MDM qui sont des services de gestion de terminaux, comme AirWatch, MobileIron [racheté par Ivanti en septembre 2020 pour 872 millions de dollars, ndlr] ou Soti ; des acteurs chinois qui sont sur notre segment, comme Sunmi, une filiale de Xiaomi. Pourquoi une entreprise s’adresserait-elle à vous pour gérer ses transactions plutôt qu’à un acteur plus traditionnel ? Des sociétés ont besoin de terminaux peu chers, qui répondent à leurs besoins métiers et acceptent des moyens de paiement multiples. Elles doivent également gérer la multiplication des points d’encaissement. Ce sont ces besoins qui priment. Comme d’autres acteurs, Famoco y répond. Mais en plus, nous offrons un service de protection des données. De quelle manière se distingue votre stratégie produit sur le marché ? Nos produits sont peu chers car, dans les paiements, il y a eu un saut technologique récemment. Les nouveaux terminaux sont basés sur des applications mobiles simples qui ne sont pas destinées au paiement. Jusqu’à présent, le hardware était dédié au paiement et un software était ajouté. Nous avons fait l’inverse. Nous avons pris un hardware non dédié moins cher, fabriqué à des centaines de milliers d’exemplaires et nous y avons ajouté un software destiné aux transactions. Nous proposons donc un prix d’entrée de 100 euros alors qu’il faudrait débourser entre 300 et 400 euros pour des terminaux dont le hardware est dédié aux paiements. C’est grâce à ces prix moindres que vous ciblez des entreprises présentes dans les pays émergents, et notamment en Afrique ? Le prix de nos produits doit en partie expliquer nos ventes dans les pays émergents. Mais c’est aussi car nous proposons des solutions souples. Nos terminaux acceptent des centaines de moyens de paiement : l’e-money, les wallet, Alipay, M-Pesa… Il y a 148 moyens de paiement différents en Afrique et environ un nouveau chaque semaine. Nous avons la capacité de les intégrer. Vous avez évoqué dans la présentation de Famoco les transactions dans les transports. À quels projets avez-vous participé ? Nous proposons effectivement des solutions d’open payment, c’est-à-dire l’utilisation d’une carte bancaire sans contact pour payer et valider son titre de transport. Les premiers retours des projets d’open payment en France Famoco a participé à la mise en place de l’open payment dans les quelque 3 000 bus de Toronto (Canada), en partenariat avec Accenture et Ingenico. Nous avons également déployé 500 valideurs au Kirghizistan avec BPC, un établissement bancaire local, et une cinquantaine au Kazakhstan. En Europe, nous avons participé au projet de la métropole de Stockholm. Les acteurs de l’open payment affirment que la crise pandémique a favorisé le déploiement de cette solution dans les réseaux de transports. De l’autre côté, les activités commerciales ont connu un choc de demande négatif. Quel impact a eu la Covid-19 sur vos activités ? Certains de nos usages se sont effondrés quand d’autres ont énormément grandi. Dans le cas de l’open payment, la crise sanitaire a effectivement été bénéfique. Pour le projet de Toronto, le nombre de valideurs commandés a été multiplié par deux. De même, les solutions d’inclusion financière ont beaucoup augmenté avec l’aggravation de la pauvreté due à la crise. Par contre, pour les événements cashless de type festivals de musique, événements sportifs, campings… ce sont des millions de dollars qui ont été perdus. D’ailleurs, vous aviez réalisé une levée de fonds en amont de la crise. À quoi a-t-elle servi ? Nous avons réalisé un financement de 25 millions de dollars en equity et de 20 millions de dollars de dette auprès de la BEI (banque européenne d’investissement) en mars 2020. Ces fonds ont essentiellement été dirigés vers l’Afrique, où nous multiplions les points de présence physique, et en Amérique du Nord. Nous avons également investi en R&D pour développer Famoco Pay qui permet d’intégrer des produits innovants. Par ailleurs, nous souhaitons augmenter le parc installé en faisant de l’acquisition. Quel est votre modèle économique ? Notre business model historique se concentre sur la vente d’un terminal et des plateformes SaaS ajoutées dessus (MDM et applications métiers qui acceptent les moyens de paiement). Nous faisons évoluer notre business model avec une multiplication des services. Par exemple, au lieu de vendre un terminal, nous le louons. C’est un service qui nous a été demandé par certains clients qui ne voulaient pas gérer la maintenance des terminaux ou qui préféraient louer pour des raisons financières. Quels sont vos KPIs ? Notre avons aujourd’hui 1 500 clients répartis au sein de 43 pays. En 2020, nous avons vendus 100 000 terminaux pour un chiffre d’affaires de plusieurs dizaines de millions d’euros [il était de 17,6 millions d’euros en 2019 pour une perte nette de 5,6 millions d’euros, ndlr]. Caroline Soutarson authentificationKYCpaiement en magasinprotection des donnéesterminal de paiement Besoin d’informations complémentaires ? 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