Accueil > Services bancaires > Oliwia Berdak (Forrester) : “Dans cette crise, les banques doivent adapter leur communication auprès des jeunes” Oliwia Berdak (Forrester) : “Dans cette crise, les banques doivent adapter leur communication auprès des jeunes” Directrice de recherche pour le cabinet Forrester, Oliwia Berdak revient sur l’impact de la crise du coronavirus sur les activités des banques françaises. Par . Publié le 07 août 2020 à 15h42 - Mis à jour le 28 janvier 2025 à 15h54 Ressources Dans une étude publiée mi-juin, vous soulignez que 13% des adultes français ont utilisé des fonctionnalités de banque en ligne pour la première fois pendant la crise de la COVID-19. Avez-vous des précisions sur leur âge et les raisons pour lesquelles cette population ne s’y met “que” maintenant ? Dans leur approche du numérique, beaucoup de banques prennent contact avec leur clientèle par segments, éliminant d’office celles et ceux qu’elles considèrent comme inactives numériquement pour se concentrer sur la part des 18 – 44 ans. Ceux-là, les banques les envisagent comme parfaitement habitués aux usages numériques. Sauf que c’est faux. Certains n’étaient toujours pas passés à la banque en ligne pour beaucoup de raisons différentes : ils ne se sentaient pas à l’aise avec l’idée, n’avaient jamais testé ce type de service, étaient inquiets sur la protection de leurs données… Cela dit, on constate une évolution, avec des banques qui essaient maintenant aussi d’atteindre via des outils numériques les segments qu’elles considéraient comme intrinsèquement “hors ligne”. Au Royaume-Uni, par exemple, Barclays essaie d’apprendre à sa clientèle la plus âgée [et plus largement, ndlr, via tout un jeu de ressources nommées Digital Confidence] comment se servir d’internet, en particulier pour ses services financiers. Qu’en est-il des 18-44 ans qui se sont révélés ne pas être si adeptes de banque en ligne ? La COVID-19 a permis d’affiner un peu la vision qui existait de cette clientèle. Les acteurs bancaires réalisent qu’il reste du monde à convaincre parmi les jeunes et commencent à les viser plus spécifiquement. D’ailleurs, l’explosion du paiement sans contact pendant la période est une belle opportunité d’aller dans ce sens. Cela incite à montrer les avantages à adapter ses usages à l’ère numérique. C’est aussi un moyen pour les banques d’être rassurées sur leurs liens avec la clientèle. Effectivement, elles avaient peur que certaines transformations fassent fuir les clients. Elles redoutaient par exemple qu’en passant au numérique, les usagers n’achètent plus de produits financiers, d’épargne ou autre. La période de confinement tendrait à montrer que c’est faux puisque 6% des Français ont profité de ces trois mois pour souscrire de nouveaux produits bancaires. Dans quelle mesure les banques étaient-elles prêtes à continuer leurs activités retail à distance ? Pour ce qui est du travail à distance, elles ont réussi à s’adapter et la founiture de services de base se fait plutôt bien. Le problème principal des acteurs traditionnels, c’est qu’ils n’ont pas encore totalement libéré l’ouverture de comptes à distance, en particulier si vous êtes totalement nouveau chez eux. Ils sont restés plus faibles, historiquement, que les néobanques et autres challengers en matière de gestion de la conformité et du KYC à distance. Peut-être que l’expérience du confinement va faire évoluer ce point. Selon l’étude que vous avez menée, l’un des points d’attention le plus important pour les banques devrait être le soutien de la génération la plus jeune, qui a des difficultés avec ses finances. Oui, nous constatons que 19% des 25-34 ans rencontrent des soucis de gestion de leurs dépenses en cette période de crise – c’est logique car leur patrimoine n’est souvent composé que de leur salaire, donc ils sont beaucoup plus fragiles à la détérioration du marché du travail. Par ailleurs, 12% des jeunes adultes ne savent pas où investir en ces temps troublés. Nous recommandons donc aux acteurs financiers de re-prioriser leurs offres bancaires en fonction de ces données, et d’adapter aussi leur communication. Publier des conseils de gestion financières, des tutoriels, des vidéos d’éducation financière, tout cela peut permettre d’atteindre la frange de la population la plus jeune, et celle qui a plus généralement besoin d’être guidée. En France, par exemple, nous avons constaté que 17% des adultes habitués à utiliser les outils numériques avaient souffert d’une réduction de revenus. Cela représente 17% de gens qui cherchent des informations sur les possibilités de retarder leur prêt, le paiement de leur assurance ou celui d’autre frais bancaires. [L’étude Forrester souligne l’exemple du Crédit Agricole qui a mis en place un grand bandeau spécifique au COVID-19, inscrit en page d’accueil de son site web, pour rediriger la clientèle vers différentes manières de résoudre leurs problématiques, ndlr]. Sur le long terme, quelle sera l’influence principale de la crise du coronavirus sur le secteur, selon vous ? Nous considérons qu’il y a trois types de réponses à cette crise. La plus immédiate était celle de l’information, qui avait besoin d’être diffusée aussi vite que possible. Sur les deux mois qui ont suivi le début des mesures de confinement, il a fallu mettre en place des services spécifiques, des explications adaptées, de nouvelles manières d’atteindre le support clientèle, former ce même support à gérer de nouvelles problématiques, etc. Aujourd’hui, nous entrons dans la phase trois, celle de l’adaptation et de la maîtrise des nouveaux éléments en place. Pour le support client, cela veut dire se préparer à traiter des situations difficiles à mesure que les banques devront cesser de soutenir particuliers et entreprises. Comment rester dans l’empathie ? Comment soutenir les agents bancaires eux-mêmes ? Nationwide forme déjà ses équipes à ces problématiques, par exemple. Par ailleurs, il faut s’assurer que les nouveaux clients, désormais captés via les outils numériques continuent de passer par ces technologies. Cela signifie réordonner le type de services proposés dans les agences, et a priori se décharger des opérations de routine pour privilégier les activités demandant du conseil et de l’accompagnement… Mais c’est une étape délicate : il reste certainement une partie de la population qui n’est pas encore passée au numérique. Cela dit, cela fera bientôt une décennie que les banques ferment peu à peu leurs agences, et que les habitants apprennent à se débrouiller autrement. C’est peut-être le moment de résoudre ce paradoxe. Oliwia Berdak Depuis 2019 : directrice de recherche à Forrester 2013 – 2019 : différents postes d’analyste (technologies, retail et consumer finance, etc) chez Forrester Formation 2012 : Doctorat au University College de Londres, chercheuse en politique (focus sur le Sud-Est de l’Europe et la Croatie) banque en lignebanque mobilecoronavirusnéobanque Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind