Aude Vicaire (Market Pay) : “Pour s’imposer, le paiement en cryptoactifs doit être capable de rivaliser avec la rapidité d’un Visa”

Aux États-Unis, plusieurs magasins Gucci acceptent les paiements en Bitcoin et Ethereum. Est-on aux prémices d’un décollage ?

Les États-Unis sont plus avancés que l’Europe, où beaucoup d’enseignes s’y intéressent mais où le paiement en cryptoactifs reste marginal. Des acteurs comme Magento, Shopify et Prestashop commencent à accepter ce mode de paiement. Balenciaga et Gamestop sont au stade du PoC, mais au global, on reste dans l’effet de communication : je ne vois pas de revenus significatifs dans le retail.

Le sujet des cryptoactifs est tiré par celui du métavers et des NFT – autre élément phare des plans de communication actuels. Certains DG veulent proposer le Bitcoin pour l’achat de NFT ou d’usages dans le métavers, sans bien prendre en compte tous les impacts, notamment financiers ! Chez Market Pay, on suit ce sujet de près. Et vu la nature des questions, je pense que cela va s’accélérer à partir de 2023 après une courbe d’apprentissage. 

Quels cryptoactifs sont adaptées au retail ? 

La tendance est de parler de bitcoin car c’est le cryptoactif le plus connu. Pourtant, il n’est pas adapté au retail : il faut, en moyenne, une heure pour sécuriser et certifier une transaction sur la Blockchain Bitcoin. C’est trop long, quand le réseau Visa sait gérer 30 000 à 50 000 transactions par seconde. De plus, la volatilité du bitcoin pousse davantage à de la spéculation qu’à un usage de paiement. D’autres cryptoactifs sont plus pertinents, comme les stablecoins qui enlèvent les risques pour les commerçants lorsqu’ils sont “backés” à 100 % sur l’euro ou le dollar. Les stablecoins sécurisent le retailer et le client : je pense notamment à USDC et USDT, qui sont très forts aux États-Unis. Ils reposent sur des blockchains efficaces, capables de gérer un nombre de transactions élevé pour faire preuve de “scalabilité”. Pour s’imposer, la solution en crypto doit être capable de rivaliser avec la rapidité d’un Visa !

Quels avantages peut y trouver un retailer ?

D’abord, le paiement en cryptoactifs est moins cher pour un commerçant, car il permet de s’affranchir des intermédiaires (Visa, Mastercard et Amex) et des plafonds de cartes. Certains retailers sont intéressés par la possibilité de transférer des fonds en cryptoactifs entre les filiales du groupe : avec les moyens traditionnels, c’est plus long et coûteux. Autre avantage : la sécurité de la transaction via son inscription dans la blockchain et son instantanéité, alors qu’un achat payé par CB peut être contesté jusqu’à 3 mois après. Enfin, certains groupes aimeraient pouvoir payer les primes de leurs salariés en cryptoactifs, à la demande de ces derniers.

Quelles sont les étapes à franchir ?

Certains acteurs de niche fournissent des solutions de paiement en cryptoactifs comme Lunu, Lyzi et Utrust, mais ceux-ci ne gèrent pas les modes de paiement classiques en parallèle. Or, en matière de paiement, la confiance est clé : sans confiance, il n’y a pas de transaction. Il reste un gros travail à accomplir pour éduquer, informer et démocratiser l’adoption du paiement en cryptoactifs, ce qui prendra du temps. La confiance viendra, quant à elle, avec la mise à disposition de cryptoactifs adaptées au retail, probablement des stablecoins, collatéralisés à 1:1 avec de l’euro ou du dollar, fiables et moins coûteux que les moyens classiques. Du moins c’est ma vision !

Ce contenu a été rédigé par la rédaction de mind Retail, service de market intelligence du secteur retail.