Accueil > Services bancaires > Paiements > Patrick Starkman (Checkout.com) : “Nous espérons que la DSP3 va harmoniser la réglementation européenne pour les PSP” Patrick Starkman (Checkout.com) : “Nous espérons que la DSP3 va harmoniser la réglementation européenne pour les PSP” Le 28 juin 2023, la Commission européenne a présenté un ensemble de propositions réglementaires visant à poursuivre la modernisation des services de paiement en Europe. Patrick Starkman, directeur général France de Checkout.com, passé par l’AMF et l’ESMA, analyse l’impact de ces textes pour les prestataires de services de paiement. Par Aude Fredouelle. Publié le 30 août 2023 à 11h36 - Mis à jour le 28 janvier 2025 à 15h48 Ressources Quel est votre sentiment général sur la directive DSP3 et le règlement sur les services de paiement (RSP) proposés par la Commission européenne ? D’abord, nous saluons le fait que la Commission européenne se prononce pour plus d’information, plus de transparence, et plus de protection des consommateurs [la Commission indique vouloir “améliorer les droits des consommateurs”, et notamment améliorer la transparence des relevés de compte et celle des frais de gestion des DAB, Ndlr]. C’est très important pour Checkout.com, qui fournit déjà aujourd’hui à ses commerçants des tableaux de bord intégrés avec l’ensemble des informations de paiement. De manière générale, on ne peut que se féliciter du fait que la Commission pousse pour plus de transparence sur les services et les données fournies aux marchands, et si les co-législateurs (le Parlement et le Conseil) veulent aller encore plus loin dans la transparence au cours du travail législatif, alors ce sera très bien. Quel impact pourrait avoir le texte pour les prestataires de services de paiement ? Les propositions vont dans le bon sens pour les PSP. Déjà, le point le plus important est que les textes poussent pour une harmonisation de l’application du droit en Europe [la Commission signale vouloir “renforcer l’harmonisation et la mise en application, en adoptant la plupart des règles en matière de paiement dans un règlement directement applicable et en renforçant les dispositions relatives à la mise en œuvre et aux sanctions”, Ndlr]. La Commission a notamment proposé un règlement, qui s’applique de la même façon partout en Europe [à la différence d’une directive qui doit d’abord être transposée dans le droit national avant de devenir applicable dans chaque État membre, un règlement est applicable dans les États membres directement après son entrée en vigueur, Ndlr]. Ce que l’on demande, c’est un “level playing field”, un terrain de jeu égal quel que soit le pays. Nous avons l’impression que la Commission a entendu les demandes des acteurs paneuropéens des services de paiement, qui veulent une harmonisation plus importante partout en Europe. Cela nous coûte en effet très cher de nous adapter à chaque réglementation sur un marché très fragmenté, dans les 27 États membres. Sans compter qu’il y a un avantage au pays le moins réglementé et que cela favorise le “forum shopping” [pratique qui consiste à choisir le pays où la réglementation est la plus souple, Ndlr]. Sur un marché ouvert, avoir une réglementation qui s’applique différemment pour les mêmes services signifie aussi que la protection diverge d’un pays à un autre alors que le consommateur n’en a pas forcément conscience. La France détient l’une des réglementations les plus exigeantes, menée par l’ACPR et la Banque de France, en matière de paiement. Nous sommes l’un des rares PSP paneuropéens à être présent en France et on ne se bat pas sur un pied d’égalité vis-à-vis de nos concurrents d’autres pays. Les exigences prudentielles, notamment, sont plus élevées. Nous verrons si la DSP3 les impacte, mais ce n’est pas encore prévu dans le texte. Ceci dit, la directive prévoit un rapprochement entre les activités de paiement et de monnaie électronique, une fusion pour arriver à une réglementation unique pour les paiements électroniques. Cela va dans le bon sens, car aujourd’hui, on a une double obligation pour les activités de paiement et de monnaie électronique, alors qu’il s’agit finalement de la même activité. Que ce soit un transfert sur une carte (dans le cas de la monnaie électronique) ou d’un compte bancaire (paiement électronique), il s’agit de transferts de fonds. Il faut saluer la simplification et nous espérons qu’elle sera doublée d’une suppression des deux exigences prudentielles différentes, qui sont demandées en France, mais pas en Allemagne, par exemple. C’est encore à la main des États membres et aujourd’hui, il y a des différences d’exigences. L’harmonisation prudentielle n’est pas prévue par les textes actuels, mais nous la souhaitons. Autre progrès de cette proposition de directive : elle apporte dans l’article 10 des précisions pour les PSP souhaitant offrir du crédit à leurs marchands. Il était déjà possible, pour les autorités locales, d’autoriser des entreprises de paiement ou monnaie électronique à faire du crédit aux marchands dans le cadre de l’activité d’acquisition de fonds. En France, Checkout.com a obtenu un agrément de la part de l’ACPR pour faire du crédit accessoire à notre activité d’acquisition. Mais l’avancée consiste à préciser les conditions pour le faire, car cela va peut être permettre d’harmoniser les conditions au niveau européen. Aujourd’hui, donner l’autorisation ou non est à la main du superviseur, selon ses conditions, et l’obtenir de l’ACPR a par exemple été compliqué pour nous. Les nouveautés concernant l’authentification forte vont-elles vous impacter ? Oui, d’abord parce que le texte propose de renforcer l’application de la SCA. C’est important pour les consommateurs et cela leur donne confiance dans le paiement électronique. La Commission montre aussi sa volonté de faciliter l’authentification forte pour les personnes qui ont des difficultés à le faire actuellement, par exemple en raison de handicaps [le texte propose d’obliger les PSP à améliorer l’accessibilité de la SCA pour les utilisateurs porteurs de handicaps, pour les personnes âgées et les “autres personnes rencontrant des problèmes pour l’utiliser”, Ndlr]. De nombreux aspects devront ensuite être développés par l’Autorité bancaire européenne et c’est une bonne chose. Cette proposition de texte souhaite donner plus de pouvoirs à l’EBA pour renforcer la mise en œuvre des textes européens et déterminer les détails techniques. Par exemple, l’EBA avait déjà un rôle avec la DSP2 pour déterminer les facteurs d’exemption de l’authentification forte. Mais aujourd’hui, quand on demande une exemption SCA, il faut le faire dans chaque pays car il n’y a pas d’harmonisation. Nous souhaiterions donc que l’EBA utilise son pouvoir d’harmonisation en matière de SCA au niveau européen. Avec tout de même la nécessité de réaliser une analyse coûts-bénéfices, c’est-à-dire évaluer la complexité de la SCA en s’assurant qu’elle ne rebutera pas les consommateurs et calculer les bénéfices de son utilisation en parallèle. L’avantage de donner du pouvoir à l’EBA, c’est de lui permettre de préciser les détails techniques et de s’adapter à l’évolution des technologies. Cela permet d’adapter le cadre réglementaire et d’éviter que la technologie ne déborde la réglementation ou que la réglementation n’empêche les avancées technologiques. Avez-vous des réserves sur certains aspects du texte ? Il est intéressant de remarquer que le texte précise que les agréments d’établissement de paiement et de monnaie électronique seront prolongés pendant 30 mois après l’entrée en vigueur, ce qui laisse entendre qu’à cette échéance, les agréments actuels seront caducs et qu’il faudra déposer un nouveau dossier. C’est très étonnant. Habituellement, on demande à l’industrie de s’adapter aux évolutions réglementaires en continuant avec leur agrément initial, sans que celui-ci ne soit stoppé et qu’il faille faire une nouvelle demande au régulateur. Chaque État membre pourrait en plus interpréter ce passage à sa façon, ce qui n’est pas rassurant. Il faut que les acteurs puissent continuer à exercer en appliquant la nouvelle réglementation, c’est un point qui pose sérieusement question. Comment voyez-vous le calendrier du texte ? La Commission affirme son ambition forte de voir la DSP3 être mise en place fin 2024 ou début 2025. Mais, avec les élections européennes, qui auront lieu en juin 2024, les travaux réglementaires s’arrêteront dès janvier ou février. Ce sera aux nouveaux parlementaires de reprendre en main la réglementation, vraisemblablement fin 2024, et d’engager une discussion avec le Conseil en 2025, probablement. Le texte ne devrait donc pas être adopté avant fin 2025 ou début 2026. Ensuite, il faudra donner le temps à l’EBA d’adopter les détails techniques de mise en application des textes, puis leur revue par le Parlement, et enfin prévoir le délai pour que l’industrie se mette en conformité. Comment percevez-vous les travaux sur l’euro numérique ? Je réponds en dehors des positions de Checkout.com, car il va nous falloir attendre que les travaux sur ce sujet progressent pour nous positionner de façon précise et notamment sur son impact business. C’est une évolution au niveau global. On a compris que les banques centrales ont la volonté de mettre en place un euro numérique public en face de la monnaie électronique privée comme l’ether par exemple, car cela répond à certaines demandes et à l’évolution technologique également. La manière dont cela sera ensuite proposé au marché, via une monnaie de détail pour les particuliers ou seulement une monnaie de gros “wholesale”, reste un point à regarder. Toutefois, la Banque de France est rassurante sur le fait qu’elle ne compte pas casser le processus d’intermédiation bancaire et ne rentrera pas dans les services de paiement, la monnaie électronique, le crédit… Nous suivons ce sujet avec intérêt, mais on en est encore loin. Ce sont des évolutions que l’on constate comme étant nécessaires, mais il faudra étudier la mise en oeuvre et nous attendons de voir ce que les pouvoirs publics vont en faire. Notre Essentiel “Une monnaie numérique de banque centrale, pour quoi faire ?“ Aude Fredouelle authentificationconformitéDSP2PSPrégulation Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Patrick Starkman succède à Jean-Marc Nourel à la tête de Checkout.com France Checkout.com se lance dans l’émission de cartes Céline Dufétel devient présidente de Checkout.com