Accueil > Services bancaires > Banque au quotidien > Pierre Davoust : “SETL travaille sur une plateforme concurrente d’Euroclear” Pierre Davoust : “SETL travaille sur une plateforme concurrente d’Euroclear” Tandis que SETL s’apprête à lancer la commercialisation de sa plateforme paneuropéenne de tenue de registre IZNES dans l’année, la société travaille à la mise en production d’un second projet. Elle souhaite concurrencer Euroclear en obtenant l’agrément de dépositaire central de titres. Pierre Davoust, CEO France, dévoile les projets du créateur d’infrastructures de marché basées sur une technologie de registre distribué. Par Aude Fredouelle. Publié le 22 mai 2018 à 11h13 - Mis à jour le 28 janvier 2025 à 16h00 Ressources Comment SETL se différencie d’autres DLT spécialisées dans les infrastructures de marché, comme Digital Asset Holdings ? Comme la plupart de nos concurrents, Digital Asset Holdings est un fournisseur technologique qui se rémunère sous licence. De notre côté, nous avons adopté depuis un an et demi une stratégie différente. La technologie permet de changer la structure de marché, habituellement composée de l’acheteur et du vendeur de titres et entre eux de brokers, dépositaires centraux de titres, chambres de compensation, teneurs de comptes… Si on vend la technologie à un intermédiaire, alors on diminue le coût de structure mais l’acheteur final ne voit pas le changement puisqu’un seul maillon de la chaîne a été disrupté. L’objectif est donc de bâtir de nouvelles infrastructures de marché où acheteurs et vendeurs se connectent directement, des marketplaces en quelque sorte. Et pour le faire, nous créons des sociétés dont nous sommes un actionnaire minoritaire, en prenant 20 à 40% du capital environ. Puis nous fournissons la technologie à cette infrastructure de marché qui bénéficie directement aux utilisateurs finaux. Nous développons une plateforme pour chaque classe d’actifs : les actions, les parts de fonds, la dette corporate… Les deux populations cibles qui nous intéressent sont les corporates et les acteurs du buy-side (sociétés de gestion comme AXA IM ou Amundi, fonds de pension…). Votre principal projet en France est une plateforme de tenue de registre de fonds baptisée IZNES. Pouvez-vous expliquer l’objectif de ce projet ? IZNES permet de gérer la tenue de registre des sociétés de gestion, quand un investisseur achète ou vend une part de fond (reporting fiscaux, KYC, classification des clients, MIF2…). Actuellement, les sociétés de gestion travaillent avec un centralisateur et avec le dépositaire central de titres Euroclear, qui se connecte à une autre banque (voire plusieurs si c’est à l’international) puis à l’acheteur final. Au minimum, il y a trois intermédiaires. Nous voulons changer l’infrastructure du marché en permettant aux investisseurs d’acheter les parts de fonds directement auprès des sociétés de gestion. De quel agrément dispose IZNES ? Nous aurions pu nous contenter d’agir en simple prestataire pour les sociétés de gestion mais elles préfèrent que l’on fournisse le service et que l’on porte la responsabilité. IZNES envisage donc de solliciter un agrément d’entreprise d’investissement, réglementé par MIF2. Vous avez déposé une demande d’agrément de dépositaire central de titres. Pourquoi ? En droit français, un dépositaire central de titres n’a pas le droit de désintermédier les banques et ne peut pas donc connecter directement les acheteurs et les vendeurs. Nous avons donc préféré ne pas prendre ce statut pour IZNES. Mais ce statut obligatoire pour les titres et obligations cotées, nous avons donc fait pour un autre projet une demande d’autorisation afin d’opérer en tant que dépositaire central de titres, comme Euroclear. Nous réalisons les tests de connexion à la Banque centrale européenne, à TARGET2-Securities, et nous serons raccordés fin octobre. Nous travaillons sur ce projet avec tous les grands acteurs bancaires français actifs sur le sujet [BNP Paribas Securities Services, Société Générale Securities Services et CACEIS, qui est entré au capital de SETL, ndlr]. Les émetteurs et acheteurs de capital vont se connecter à la plateforme de trading et pourront effectuer leurs opérations en temps réel. Dans ce cas, nous cherchons à répliquer autant que possible des structures business et nous travaillons donc avec les banques en utilisant au maximum la technologie de registre distribué. La banque traditionnelle doit composer avec un SI particulièrement lourd et habituellement, les réconciliations avec le dépositaire central de titres prennent du temps et coûtent cher. Nous proposerons aux banques de déployer des noeuds DLT chez eux, de manière à ce que quand le client passe l’ordre à la banque, cela entre directement dans la techno SETL. Nous atteignons ainsi un accès quasiment direct à l’infrastructure. Ce projet est avec IZNES le plus avancé de SETL. Il sera mis en production cette année. Vous serez donc en concurrence avec Euroclear ? Tout à fait. Même si depuis un an, un texte européen a ouvert ce métier à la concurrence, Euroclear est toujours en situation de quasi-monopole. Certes, nous n’aurons pas d’entrée jeu la même richesse fonctionnelle mais les choses peuvent bouger vite. 20 000 milliards de titres sont déposés en stock chez Euroclear, dont entre 1 000 et 3 000 milliards par chacune des plus grandes banques. Si 3 ou 4 grandes banques placent leurs titres chez nous, nous pouvons croître rapidement. Pourquoi démarrer vos projets en petits comités, comme IZNES avec six sociétés de gestion, plutôt que de rassembler directement l’ensemble du marché ? Nous pourrions inviter tous les acteurs du secteur mais il y a souvent trop de points de vue divergents et cela complique le processus. Nous créons d’abord des petites communautés d’acheteurs et vendeurs, 4 à 6 intervenants en général, et nous levons des fonds auprès d’eux pour bâtir la V1 de la plateforme, avant de lever à nouveau des fonds auprès d’un panel plus large. Par exemple, IZNES, qui met en relation les sociétés de gestion et leurs investisseurs, a été créée avec six sociétés de gestion (OFI Asset Management, Arkéa IS, Groupama AM, La Banque Postale AM, La Financière de l’Échiquier et Lyxor AM). Elles ont financé les premiers développements et la plateforme est désormais opérationnelle, même si elle n’est pas encore utilisée commercialement – elle devrait l’être en septembre. La première transaction a été réalisée fin 2017. “IZNES va boucler un second tour de table au second semestre 2018” Pierre Davoust CEO de SETL France Après la première levée de fonds, en février 2018, auprès des six sociétés de gestion, nous avons constitué une communauté plus large en mars avec 13 autres acteurs (Allianz GI, Amundi, Aviva Investors, BDL Capital Management, BNP Paribas AM, Candriam Investors Group, La Française, Lazard Frères Gestion, Mandarine Gestion, Natixis AM, Pléiade AM, SMA Groupe et Sycomore AM). Ils ne sont pas encore au capital mais contribuent à la plateforme et ils auront naturellement vocation à entrer au capital lors du second tour de table, prévu au second semestre 2018. Quelle place auront les anciens intermédiaires sur vos plateformes ? Si besoin et dans un second temps, nous branchons les intermédiaires dont nous avons besoin en tant que prestataires de services. Par exemple, Amundi est obligé d’avoir un dépositaire, une banque qui donne une vision agrégée de toutes ses positions sur le marché. Nous pourrons donc permettre aux dépositaires de proposer leurs services sur nos plateformes. Allez-vous ouvrir vos plateformes aux développeurs extérieurs ? Nous voulons permettre à des développeurs externes de construire des applications pour démultiplier notre force de frappe : nous allons mettre en ligne des APIs permettant de se connecter à la blockchain pour fournir des services aux utilisateurs de l’infrastructure. Elles sont en cours de développement et devraient sortir avant la fin de l’année. Cela nous permettra de laisser d’autres acteurs créer des services à valeur ajoutée au-dessus de l’infrastructure. Par exemple, sur IZNES, une start up spécialisée dans le reporting pourrait récupérer les données de transactions sur les parts de fonds et extrapoler des projections. On réfléchit à la manière dont cela sera présenté sur la plateforme. “En France, SETL travaille sur un projet pour remplacer les chambres de compensation” Pierre Davoust CEO de SETL France D’autres projets sont-ils en cours en France ? Nous développons un autre projet autour de la compensation, ce mécanisme par lequel on diminue les risques de marché en mutualisant les transactions. Depuis la crise, tous les participants, même les corporates et sociétés de gestion, doivent passer par les chambres de compensation, mais ces dernières ont été élaborées pour répondre aux contraintes bancaires. Nous travaillons sur un projet pensé pour les acteurs finaux, avec les mêmes participants que sur IZNES. C’est un projet très lourd. Nous visons une mise en production fin 2019 ou début 2020 et d’ici trois ans, nous espérons détenir des parts de marché significatives. Vous travaillez également sur une infrastructure pour la Bourse australienne. Comment va-t-elle s’articuler avec celle bâtie par Digital Asset Holdings, qui a été choisi par ASX ? En Australie, Australian Stock Exchange (ASX) a décidé de reconstruire son infrastructure de compensation et de règlement livraison en utilisant une DLT et a annoncé aux participants de marché qu’ils allaient devoir financer cet effort. Mais ces participants, qui voulaient être sûrs que les prix allaient ensuite baisser, se sont mis en quête de leur côté d’un fournisseur de DLT pour créer un concurrent à ASX. Computershare, société australienne présente à notre capital et leader mondial de la tenue de registre, a fait appel à nous pour bâtir une infrastructure de règlement-livraison alternative. De son côté, ASX a choisi la technologie de Digital Asset Holdings et a fait son entrée au capital de la société. Les deux infrastructures seront concurrentes et nous serons prêts vers 2020, comme ASX. La construction de notre projet va coûter environ quatre à six fois moins cher que le leur [celui de Digital Asset Holdings devrait coûter environ 100 millions d’euros, ndlr]. Computershare, l’acteur qui a poussé votre nom auprès des participants du marché, est pourtant l’un des intermédiaires que vous êtes censés remplacer… Nous allons bâtir une infrastructure de règlement livraison et nous pouvons ensuite imaginer fournir la technologie à Computershare. Si l’on construit une plateforme avec des intermédiaires existants, le potentiel de disruption diminue forcément, donc nous préférons d’abord construire avec les utilisateurs finaux puis raccrocher les intermédiaires Au Royaume-Uni, où en est le projet sur le marché des changes ? Il a pris un peu de retard. Même si le plus naturel pour nous est de construire l’infrastructure de marché, dans ce cas nous sommes uniquement fournisseur de technologie. Nous apportons la DLT, l’une des couches de l’infrastructure et la start-up Cobalt est en charge de construire la plateforme. Cela prend du retard parce que c’est un marché très compliqué : une dizaine de banques tiennent le marché et il faut les coordonner. Quelles sont les autres plateformes en cours de construction à l’international ? Nos autres projets londoniens sont en pause avec l’incertitude liée au Brexit. Nous avons besoin d’un écosystème favorable et d’un régulateur positif. SETL emploie 80 collaborateurs, dont 50 au Royaume-Uni et 30 en France, mais c’est dans l’Hexagone que l’on se développe le plus actuellement. Nous avons aussi un projet assez avancé aux Pays-Bas avec les grands acteurs de marché. Nous y avons lancé une plateforme dédiée parce que le marché est particulier mais IZNES a vocation à devenir paneuropéenne : la société restera française mais l’infrastructure va s’ouvrir à des acteurs européens. Quelle réduction de coûts êtes-vous en mesure d’apporter aux utilisateurs de vos plateformes ? Nous visons une réduction de coûts de 30% à 80% selon les projets. Mais la principale promesse, c’est la transparence et la rapidité. Par exemple, actuellement, les société de gestion qui vendent des parts de fonds aux clients ne savent même pas à qui elles appartiennent à cause des multiples intermédiaires (les banques, Euroclear…). Cela pose des problèmes en termes commerciaux mais aussi réglementaires puisqu’elles doivent faire un calcul de risque de sortie des dépôts dans leur fonds monétaires. Par ailleurs, le dénouement des transactions prend deux jours après négociation sur la plateforme de trading de l’opération et donc le financement de la trésorerie d’entreprise peut poser problème. IZNES, qui assure les transactions en instantané, règle ces problèmes et permet de gérer de manière plus efficace la trésorerie. Quel est votre business model et quels sont vos résultats ? Nous sommes rémunérés en tant qu’actionnaire. Le coût facturé aux acteurs par chaque société est en général composé de frais de transactions et de frais sur les encours et les stocks. Nous ne communiquons pas sur nos résultats. En 2018, nous ne serons pas encore complètement à l’équilibre mais nous n’en serons pas loin puisque les phases de construction sont facturées. SETL Siège : Londres Création : 2015 Effectifs : 80 Résultats : NC Aude Fredouelle banque privéeblockchainconsortiumDLTinfrastructure bancaire Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind