Accueil > Services bancaires > Open banking > Pourquoi le marché français du Banking-as-a-Service est à l’aube d’une accélération Pourquoi le marché français du Banking-as-a-Service est à l’aube d’une accélération Le marché de la prestation bancaire pour compte de tiers est en pleine évolution : il se développe sous l’effet de la DSP2, des prémices de l’open banking et de la multiplication des services bancaires et/ou de paiement chez des nouveaux entrants ou corporates. Plusieurs offres majeures devraient voir le jour dans l’année. Par Aude Fredouelle. Publié le 10 mai 2019 à 18h27 - Mis à jour le 10 mai 2019 à 18h27 Ressources Comment définir le Banking-as-a-Service ? Le Banking-as-a-Service (BaaS) consiste à fournir via des APIs bancaires divers services bancaires à des acteurs qui ne sont pas agréés. Il existe donc autant d’offres de BaaS que de services bancaires. Les services de paiement, d’abord : des acteurs comme MangoPay, Lemon Way ou Stripe permettent à des marketplaces d’ouvrir des comptes de paiement, de recevoir de l’argent dessus, d’émettre un moyen de paiement… Ce segment de l’acquisition de paiement est un marché déjà mature sur lequel se positionnent de nombreux acteurs. Ensuite, d’autres offres permettent à leurs clients de proposer un compte bancaire de base : obtenir un chéquier, un IBAN, une carte bancaire. Ces acteurs du BaaS ouvrent des comptes pour les tiers et proposent des moyens de paiement. Plus récent, ce segment occupé par Treezor en France ou bien par Bankable (core banking proposé en partenariat avec des banques), SolarisBank, Wirecard ou encore Railsbank à l’étranger est en pleine croissance et en pleine mutation. Le start-up studio eFounders prépare une offre et Natixis, via S-money, s’est allié à Visa pour lancer un service similaire. Moins développées, les offres de BaaS liées au crédit commencent tout de même à émerger. Elles sont par exemple proposées par l’allemand SolarisBank ou, en France, par Younited Credit. Pourquoi le marché est voué à se développer Le marché du BaaS, et notamment le créneau des offres bancaires, est à l’aube d’un fort développement. D’abord, car de nombreuses néo-banques se heurtant à des problèmes de monétisation et de rentabilité voient dans le BaaS un nouveau relais de revenus. C’est le cas de Starling au Royaume-Uni, de Fidor Bank en Allemagne ou de Morning en France, qui doit mettre prochainement son catalogue d’APIs à disposition de clients. Plusieurs annonces laissent aussi présager un mouvement des banques traditionnelles vers le Banking-as-a-Service. Une tendance notamment enclenchée par la directive européenne sur les moyens de paiement (DSP2) : en poussant les banques à APIser certains de leurs services, en l’occurrence de paiement, elle entraîne une réflexion plus large sur l’APIsation et la commercialisation de leurs services en marque blanche. “Le mouvement de fond de l’APIsation et de l’open banking est en train de donner au Banking-as-a-Service une nouvelle dimension sur le marché européen”, commente Seddik Jamaï, expert banque et fintech chez Cagpgemini Invent. “Les grandes banques françaises ont bâti des actifs industriels forts : monétique, KYC, processing, crédit… Elles doivent exposer ces capacités industrielles pour amortir leurs investissements”, ajoute Ludovic Tran, managing director services financiers chez Accenture. Par ailleurs, en donnant accès aux comptes bancaires et en permettant à des acteurs tiers d’initier des virements, la DSP2 ouvre “des opportunités d’activités qui n’existaient pas auparavant, notamment pour les acteurs qui n’ont pas d’agrément”, note Pierre-Antoine Vacheron, CEO de Natixis Payments. Enfin, rappelle Ludovic Tran, les banques arrivent à la fin de leur cycle stratégique 2020 et commencent à travailler sur les plans 2025 et 2030. “Pour la plupart des banques se pose la question de leur stratégie structurelle pour le futur, et celles qui sont le plus challengées accélèrent leur réflexion sur le BaaS. Plusieurs annonceront des décisions sur le sujet dans les six mois à venir”, prédit-il. Par ailleurs, ce marché émergent cache encore plusieurs segments inexplorés. Les fintech s’étant positionnées sur le sujet jusqu’ici ont principalement permis à d’autres fintech de lancer leur offre (Treezor avec Qonto, Shine et Lydia par exemple). Mais le segment des corporates souhaitant proposer des services bancaires ou de paiement est encore largement inexploré. “Les acteurs télécoms, par exemple, de l’énergie ou du voyage pourraient consommer ces services”, égrène Ludovic Tran, d’Accenture. Deutsche Bank, par exemple, a réalisé en 2018 un pilote avec IATA, l’association internationale du transport aérien, pour réduire les coûts de traitement des paiements en tirant parti du modèle de paiement direct ouvert par la DSP2. De même, le secteur gouvernemental présente un potentiel de croissance. Eric Mouilleron, CEO de Bankable, expliquait par exemple en janvier à mind Fintech vouloir développer cette verticale “pour la modernisation de l’Etat ou des administrations”. Des pilotes sont en cours en Europe. Qui sont les acteurs en présence ? Sur le volet des comptes bancaires en BaaS, Treezor a longtemps été l’offre la plus aboutie en France, choisie par de nombreux nouveaux acteurs. “Nous avions besoin d’un prestataire pouvant émettre des cartes, créer des wallets avec des IBAN, émettre des virements.. et ils n’étaient pas très nombreux quand nous nous sommes lancés, se souvient par exemple Nicolas Reboud, CEO de la néo-banque pour les freelances Shine. Leur offre était la plus complexe et la plus intéressante.” Bankable ne permet pas de créer d’IBAN sur les wallets. MangoPay propose des IBANs, mais pas de cartes. Et “l’offre d’iBanFirst n’était pas encore mature”, selon Nicolas Reboud. Elle a depuis été abandonnée au profit d’un recentrage sur la cible des PME. Chez SolarisBank, les IBANs sont allemands et “le KYC était extrêmement cher”. Comme Shine, Qonto ou Lydia (pour les cartes) ont fait appel à Treezor. La limite de Treezor est son positionnement jusqu’ici très franco-français, qui a notamment poussé la néo-banque Qonto à demander l’agrément d’établissement de paiement mi-2018, pour pallier ce manque lors de son lancement à l’international. Treezor a été racheté par le groupe Société Générale en septembre 2018. Le groupe bancaire expliquait alors que la plateforme pourrait servir aux métiers de SocGen pour “accélérer de façon significative le time-to-market dans le développement de nouveaux services” et qu’en échange, la banque aiderait Treezor à “compléter sa gamme de services en matière de services de paiement, de change et de crédit” et “soutiendrait son développement à l’international”. Natixis et Visa s’allient pour monter une offre BaaS Si Treezor a jusqu’ici dominé ce marché émergent, il faudra bientôt compter sur plusieurs autres acteurs. Natixis et le groupe Visa ont indiqué le 29 janvier 2019 avoir signé un partenariat pour proposer “des services autour du paiement”, en priorité pour les fintech. Visa, qui a raté le train des fintech face à Mastercard en Europe et a mis en place à partir de début 2018 plusieurs mesures pour rattraper son retard, voit en effet dans le Banking-as-a-Service un moyen de toucher ces nouveaux acteurs. Visa est par ailleurs entré au capital de Bankable en avril 2019. Natixis, de son côté, a réalisé beaucoup d’investissements sur sa plateforme S-money, qui propose d’ouvrir des comptes de monnaie électronique et de les alimenter par carte bancaire mais qui ne permettait pas jusqu’ici d’offrir des moyens de paiement type carte ou IBAN. “Nous avons travaillé sur la digitalisation des cartes des porteurs des Caisses d’Épargne et des Banques Populaires puis nous avons investi sur la plateforme S-money pour l’orienter vers du Payment-as-a-service dans le cadre de plusieurs initiatives internes [dont le lancement du projet Fidor hors d’Allemagne, finalement abandonné en septembre 2018, ndlr], raconte Pierre-Antoine Vacheron, CEO de Natixis Payments. Nous nous sommes dit qu’il y avait un marché à aller chercher dans le cadre de la DSP2, pour permettre à des tiers, fintech, corporates ou marchands d’émettre facilement des moyens de paiement de façon digitale.” Visa et Natixis (via la plateforme S-Money et la plateforme de processing de Natixis Payment) s’unissent donc pour lancer une offre de BaaS ou “Payment in the box : des solutions d’émission de moyens de paiement digitaux et de cartes Visa gérant tout le cycle de vie de la carte, de l’émission au KYC et l’AML en passant par le processing et la gestion de la fraude ou les fonctionnalités carte. Avantage : “l’offre sera paneuropéenne dès le premier jour : nous pourrons doter un client de moyens de paiement dans n’importe quelle géographie SEPA”, assure le dirigeant de Natixis Payments. Quelques pays ont déjà été passeportés, les autres le seront au fur et à mesure selon les besoins des clients. Pierre-Antoine Vacheron promet aussi “un coût d’intégration faible grâce à la qualité des APIs”, un time-to-market rapide (100 jours entre le début du projet et son lancement) et surtout “un rapport qualité/prix extrêmement différenciant”, favorisé par les volumes déjà supportés par la plateforme de traitement de Natixis. Enfin, l’offre englobera des services complémentaires associés à la carte fournis par Visa, comme du CLO (card-linked offering) et d’autres services liés à la donnée, et permettra l’affichage instantané des transactions carte. Deux projets fintech ont été sélectionnés pour participer à la co-construction des produits. L’offre sera lancée officiellement début juin, lors de Money2020. Outre les fintech, elle vise “les grands comptes, sur de multiples cas d’usage : les commerçants souhaitant fluidifier l’expérience d’achat, maximiser l’utilisation de leurs données, émettre des cartes de paiement à la volée…”, énumère Pierre-Antoine Vacheron. Plusieurs offres en préparation Plusieurs autres acteurs français préparent des offres similaires. Pour l’instant, Arkéa Banking Services, filiale du Crédit Mutuel Arkéa spécialisée dans la prestation bancaire pour compte de tiers, ne commercialise qu’auprès d’acteurs agréés. Mais l’acquisition de 100% du capital de Net-m Privatbank 1891 en Allemagne, annoncée en décembre 2018 et en cours de finalisation, va changer la donne. La banque allemande est en effet titulaire d’une licence bancaire complète et membre principal des réseaux Visa et MasterCard. Elle développe une gamme variée de services bancaires pour compte de tiers. Selon nos informations, elle va permettre à ABS de proposer ses services à des partenaires non bancaires. Le start-up studio eFounders travaille de son côté sur le lancement de Swan, plateforme de Banking-as-a-Service, avec les cofondateurs Nicolas Benady (ex-Antelop Solutions) et Nicolas Saison (ex-Payboost, AXA et Limonetik). La néo-banque Morning, rachetée par Banque Edel début 2017, a repris les activités de cartes prépayées de BNP Paribas Personal Finance en 2018 et propose une offre BtoB baptisée “Morning As a Service”. Et eZyness, filiale de la Banque Postale fondée en 2017, propose à des clients en BtoB d’intégrer via des APIs des solutions de paiement innovantes. Sans compter que l’allemand SolarisBank, qui ne compte pas encore de clients en France, compte s’y développer, selon nos informations. Les banques françaises vont-elles rater le coche ? Hormis Natixis et ABS, aucune banque n’a encore résolument annoncé son intention de se positionner sur le créneau du BaaS. “De nombreuses banques investissent énormément sur la DSP2 et des projets d’APIsation mais se contentent de copier l’existant pour passer d’une logique traditionnelle à une logique d’APIs. Il s’agit de projets réglementaires et informatiques, sans réflexion business et sans implication des métiers”, regrette Seddik Jamaï, de Capgemini. Ludovic Tran, d’Accenture, confirme : “on assiste à une accélération des réflexions, certes, mais les banques n’ont pas encore engagé de réflexions profondes et structurelles sur le sujet. Les annonces sont souvent plus tactiques que stratégiques.” Les négociations ayant mené à l’acquisition de Treezor par Société Générale, par exemple, auraient commencé il y a deux ans et n’ont pas été englobées à ce moment là dans une réflexion plus large sur le positionnement du groupe sur le sujet. “En France, commente Ludovic Tran, aucun acteur bancaire n’a mis en place de stratégie agressive sur le sujet avec un portail d’APIs, de la documentation, des environnements de tests… comme a pu le faire BBVA, par exemple” (voir encadré). Se lancer dans le BaaS en fournissant des services bancaires à des start-up à fort potentiel ou à des corporates pourrait pourtant “être un moyen de capter des clients, alors que l’acquisition coûte très cher et la rentabilité altérée”, argue Ludovic Tran. Et pour ne pas devenir une “utility”, à charge des banques de développer des services BtoB à valeur ajoutée. À l’étranger, des banques se positionnent résolument sur le BaaS Si les banques françaises tardent à se positionner sur le Banking-as-a-Service, des établissements financiers étrangers en ont déjà fait une activité structurée. “Aux Etats-Unis, par exemple, Wells Fargo a créé une ligne métier dédié au BaaS, aux côtés de la banque de détail et de la BFI, décrit Seddik Jamaï”, de Capgemini. Citibank aux Etats-Unis, BBVA en Espagne ou DBS Bank à Singapour ont également lancé un travail de fond pour mettre à disposition des développeurs des environnements de tests (sandbox) sur un portail. Il s’agit de “découper les services existants dans une logique commerciale, en ciblant des profils de clients, explique Seddik Jamaï. Le scoring de risque du client, par exemple, pour des agents immobilier, ou bien un produit de paiement, de KYC…” BBVA propose ainsi plus de 200 services, parmi lesquels la gestion des cartes, du crédit, du paiement Alipay, du crédit automobile, des statistiques de paiement, etc. Pour visualiser le tableau dans son intégralité, cliquez sur l’image (PDF) Aude Fredouelle banking-as-a-service Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Société Générale rachète la plateforme de Banking-as-a-Service Treezor Le start-up studio eFounders va lancer Swan, plateforme de Banking-as-a-Service Visa poursuit son incursion dans le Banking-as-a-Service avec Bankable