Solveig Honoré Hatton (Mastercard France) : “La biométrie est un élément clé d’authentification forte”

Comment le groupe Mastercard se positionne-t-il face à la digitalisation des paiements ?

Dans un monde de plus en plus “mobile centric”, les usages et les besoins des consommateurs évoluent. La notion d’attente est notamment devenue un “irritant” particulièrement fort. Mastercard adapte son business model à ce nouvel environnement.
Si le groupe est historiquement un réseau de cartes de paiement, avec des connexions à plus de 22 000 banques dans le monde, il évolue vers un modèle de société technologique servicielle.

Avec un nombre croissant d’acteurs qui se positionnent sur le paiement, il est vital d’apporter de l’innovation et des services pour générer de la valeur. La garantie d’un paiement sécurisé ne suffit plus, il faut aussi amener des services additionnels. Cet impératif a notamment conduit à des des acquisitions dans les domaines de l’intelligence artificielle (Brighterion par exemple, ndlr) ou de l’instant payment, avec le rachat de Vocalink en 2017.

Vis-à-vis du consommateur final, Mastercard poursuit deux objectifs : offrir une expérience client toujours plus fluide, plus pragmatique, plus simple et une sécurité toujours renforcée. Quel que soit l’environnement ou le support de l’utilisateur, l’expérience client doit être la plus invisible, la plus pratique possible et la sécurité optimale.

Sur le marché français, dont vous avez la responsabilité depuis le 1er novembre 2017, quelles sont vos priorités ?

D’abord, je souhaite continuer d’achever le développement du paiement sans contact, que ce soit via la carte bancaire ou le mobile. Aujourd’hui, 35% à 40% des terminaux proposent cette fonctionnalité et 70% des cartes sont compatibles. L’objectif est d’avoir, d’ici à 2020, 100% du parc, c’est-à-dire systèmes d’acceptation et cartes, équipés en sans contact. Cela va de pair avec une sécurisation optimale du paiement au travers de notre plateforme MDES (Mastercard Digital Enablement Service). Opérationnelle depuis deux ans en France, elle assure un service de tokenisation (substitution de données critiques par des éléments “jetables”, ndlr) et donne aux solutions de paiement des géants du digital un accès aux établissements bancaires français. C’est ainsi via MDES que quatre émetteurs français proposent Apple Pay : Carrefour Banque, Edenred, Crédit Mutuel Arkea et Lydia/Treezor. Il y en a d’autres avec lesquels nous sommes en discussion.

Les enjeux liés à la DSP2 figurent-ils aussi en tête de votre feuille de route ?

Effectivement, la DSP2 va imposer l’authentification forte en matière de paiement. Dans le cadre de cette réglementation et de l’environnement de marché, nous voulons accompagner nos clients et partenaires dans l’univers post-DSP2 avec des innovations qui vont permettre de répondre à la réglementation mais aussi de sécuriser et développer l’activité des e-commerçants. Dans ce contexte, nous souhaitons mettre à disposition la biométrie comme un élément clé d’authentification forte. Cette approche satisfait en effet deux des trois critères indispensables à l’authentification forte, en l’occurrence ce que je suis et ce que je possède.

La biométrie répond à un besoin client

Solveig Honoré Hatton

Directrice générale, Mastercard France

Nous allons donc fortement encourager les établissements bancaires français à proposer à partir de mi-2019 une solution de biométrie pour que le client s’authentifie lorsqu’il fait une transaction. Mastercard a annoncé la généralisation en Europe de sa solution Identity Check Mobile qui répond aux exigences de sécurité et de fluidité du parcours client avec plusieurs modes d’authentification : au niveau de l’empreinte digitale ou de la reconnaissance faciale. La biométrie répond en outre à un besoin client. Selon une enquête que nous avons réalisée avec l’Université d’Oxford, 93% des utilisateurs préfèrent la biométrie aux mots de passe pour l’authentification des paiements ou d’autres services financiers.

L’autre composante majeure pour accompagner le développement de l’e-commerce dans cet environnement post-DSP2, c’est la réduction de la fraude. Notre outil d’intelligence artificielle Decision Intelligence est en phase pilote auprès de six établissements bancaires français. Grâce à une analyse plus précise et plus précise du comportement du consommateur, la solution a déjà démontré une amélioration contre la fraude aux “cartes non présentes” (en ligne).

Hormis le sans contact et la biométrie, quel autre chantier figure dans votre feuille de route ?

Nous allons pousser le paiement via les objets connectés sur le marché français dans les années qui viennent. Mastercard a noué des partenariats clés avec Fitbit et Garmin au niveau mondial. Ils sont déjà opérationnels dans dix pays et la France sera très certainement le onzième.
Nous sommes en discussions très avancées avec des émetteurs pour pouvoir lancer dès 2018 des solutions de paiement intégrées à des objets connectés. Nous abordons aussi ce sujet avec des acteurs de l’automobile. Nous estimons que d’ici 2020, 60% des objets connectés proposeront une fonction de paiement.

Comment Mastercard est structuré en France pour répondre à ces enjeux ?

Mastercard compte 72 collaborateurs en France sur des fonctions variées. Outre une importante équipe commerciale, nous avons des équipes produits, marketing, RH, finances… Nous nous appuyons sur notre lab de Dublin – l’un des sept que compte le groupe dans le monde – avec lequel nous pouvons prototyper une solution en seulement une semaine.

Sur le marché français, nous développons des “creativity groups”. Ce sont des équipes transversales de quatre ou cinq personnes qui travaillent sur une idée tout au long de l’année. Des challenges sont organisés entre les équipes et les meilleures idées peuvent être développées. C’est dans ce cadre que nous avons un projet très avancé dans le domaine de la mobilité.

Au niveau mondial, Mastercard a lancé 70 projets innovants l’an dernier des partenaires bancaires ou commerçants. Le groupe a en outre noué des relations avec une centaine de start-up.

Et sur le marché français, quelle place souhaitez-vous occuper dans l’écosystème fintech ?

Nous voulons être au coeur de l’écosystème et nous sommes convaincus qu’il y a des partenariats à nouer entre les acteurs traditionnels, les fintech et nous. Nous avons eu cette volonté dès l’apparition des fintech et ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les néo-banques sont plutôt orientées Mastercard sur le marché français.

Nous estimons pouvoir apporter à ces nouveaux acteurs une expertise dans l’innovation et une forte relation de proximité. Pour renforcer nos liens avec les fintech, nous venons d’ailleurs de conclure un partenariat stratégique avec la plateforme d’innovation Le Swave, dédiée aux fintech. Nous regardons bien entendu aussi du côté des acteurs non bancaires. Des discussions sont notamment en cours avec de grands acteurs de la distribution pour des partenariats et des initiatives en matière de fidélisation.