Accueil > Services bancaires > Banque au quotidien > Vidéo et automatisation, l’avenir de l’onboarding bancaire à distance ? Vidéo et automatisation, l’avenir de l’onboarding bancaire à distance ? Des solutions de KYC photo et vidéo s’introduisent dans les parcours d’ouverture de compte bancaire à distance pour en améliorer les taux de conversion. La réglementation devrait évoluer pour mieux encadrer ces nouvelles pratiques. État des lieux des acteurs du marché et des innovations à venir. Par Aude Fredouelle. Publié le 16 septembre 2019 à 14h59 - Mis à jour le 16 septembre 2019 à 14h59 Ressources Simplifier le parcours d’onboarding est un enjeu majeur pour les acteurs bancaires, qui souhaitent maximiser les taux de conversion et fluidifier le parcours d’onboarding, tout en luttant efficacement contre la fraude. L’utilisation de la photo et de la vidéo sur le smartphone du futur client, pour authentifier ses documents puis confirmer son identité, séduit donc de plus en plus de banques. L’authentification par chat vidéo a notamment été amenée dans l’Hexagone par de nouveaux acteurs étrangers comme l’allemand N26. Passant par IDnow et sa solution de KYC vidéo VideoIdent, le challenger propose un parcours d’onboarding 100% mobile avec un chat vidéo impliquant un agent humain. Après l’authentification des documents d’identité, présentés par le client devant l’objectif et pris en photo, IDnow automatise l’identification de ce dernier grâce à des algorithmes de biométrie. “Un humain bien entraîné présente un taux de fausse acceptation (FAR) de 2 à 3% alors que nos algorithmes descendent à 0,3% et sont améliorés en continu”, note Typhaine Gaudemer, directrice des ventes France et Bénélux. Grâce à ce parcours vidéo fluide, “N26 revendique un taux de conversion allant jusqu’à 95%, alors que sur les autres parcours de souscription du marché, plus de 60% des clients abandonnent en cours de route”, ajoute la dirigeante. Faciliter la prise de photo En février 2018, Société Générale a également introduit un parcours vidéo mobile en faisant appel à Idemia, qui utilise la solution d’authentification de la start-up Ariadnext. Le client commence par prendre en photo deux documents d’identité. “Nous intégrons des composants logiciels à l’application bancaire qui facilitent la prise de photo d’un document d’identité, car ce n’est pas simple”, souligne Philippe Le Pape, directeur en charge du programme KYC d’Idemia. Un algorithme donne alors un feu vert (dans 85% des cas), rouge (si le document est refusé) ou bien orange, si tous les contrôles n’ont pas pu être réalisés. Dans ce dernier cas, un opérateur prend le relais. “On préfère basculer sur un agent plutôt que de redemander la capture d’un document car les statistiques montrent qu’il y a beaucoup d’abandon la seconde fois ou bien que cela ne marche pas mieux. Le problème vient souvent d’un document en trop mauvais état ou non conforme”, explique Philippe Le Pape. “L’agent peut être amené à effectuer des contrôles supplémentaires”, confirme Daniel Rousseau, directeur parcours clients omnicanaux chez Société Générale. Dans le cas du partenariat avec Société Générale, ce sont les opérateurs de la banque qui jouent ce rôle, mais Idemia peut également s’en charger. Une fois les documents vérifiés, le client entre en chat vidéo avec un conseiller. Ce dernier déclenche un selfie soumis au service de vérification biométrique puis comparé à la photo du document d’identité et le conseiller reçoit un score biométrique. “S’il est dans la zone “orange”, le conseiller peut décider d’accepter le client malgré tout, mais c’est en général plutôt interprété comme un refus”, note Philippe Le Pape. Avec ce mode hybride, Idemia revendique un taux d’acceptation de 90% – “ce qui ne laisse dans les 10% que les faux ou ceux qui se sont trompés de document”. La solution coûterait “quelques euros” par onboarding. L’analyse vidéo pour plus de précision Reste que, pour les solutions d’IDnow et d’Idemia, l’analyse de documents et de selfies est réalisée principalement à partir d’images fixes et non de la vidéo. “L’un des composants logiciel permet cependant de capturer une très courte vidéo et de l’analyser en temps réel pour lutter contre d’éventuelles “attaques par présentation”, c’est à dire contre la présentation d’un artefact comme un masque, une photo ou une vidéo représentant une personne”, souligne Philippe Le Pape, d’Idemia. L’analyse biométrique, par contre, est réalisée à partir du selfie. “Nous travaillons beaucoup sur la vidéo mais ces nouveaux procédés ne sont pas encore au point et les taux de faux rejets sont trop élevés. Le taux d’onboarding est faible car la prise de vue est souvent mauvaise.” D’autres acteurs commencent au contraire à utiliser quasiment exclusivement l’analyse vidéo. “Recourir à la vidéo et au mouvement est plus efficace que la photo et le selfie car cela permet d’être sûr que la personne est réelle et que la photo n’a pas été truquée”, affirme ainsi François Wyss, CEO de la start-up française Ubble, créée en mars 2018. Cette solution d’authentification recourt exclusivement à l’analyse de la vidéo en temps réel, avec des stimulis aléatoires pour s’assurer qu’il ne s’agit pas d’une vidéo pré-enregistrée. La start-up doit donc “établir un flux vidéo et l’analyser avec de la computer vidéo pour donner un retour”. Le processus s’effectue en temps réel car “un processus asynchrone génèrerait de la frustration pour les clients dont la vidéo, mal réalisée, ne peut pas être acceptée”. Ubble indique au client chaque étape (par exemple, montrer sa carte d’identité) et n’avance dans le processus que lorsque le contrôle a pu être fait grâce à l’analyse du flux en temps réel. Et à terme, assure le CEO, la solution sera aussi capable de repérer si l’utilisateur se filme à contre-jour, s’il n’a pas encore retourné sa pièce d’identité ou s’il n’a pas montré la bonne pièce et de lui donner des indications en fonction. Alors qu’une solution d’authentification de documents par photo est obligée de redemander une prise à l’utilisateur dans 20% à 40% des cas, Ubble estime pouvoir authentifier le document et la personne dans 90% des cas et veut atteindre à terme les 97%. Détection du vivant D’autres acteurs déjà présents sur le marché avec des solutions analysant des photos commencent aussi à s’intéresser à la vidéo – même si leur analyse du flux n’est pas en temps réel, contrairement à Ubble, mais asynchrone. Ariadnext, qui propose une solution similaire à IDnow, se dirige ainsi vers la vidéo. Au démarrage du processus, la société aide le client à prendre la photo du document d’identité avec son smartphone. Des SDK intégrés aux applications Web ou mobile permettent de déclencher une prise de photo au bon moment – Ariadnext revendique un taux de lecture des documents entre 94% et 97%, contre 91% à 94% quand le client prend la photo lui-même. Cette solution est utilisée par plusieurs banques, dont CIC. Une fois le document analysé, Ariadnext propose aussi de gérer l’authentification du client grâce à un selfie réalisé par l’utilisateur et comparé à la pièce d’identité… mais aussi à une nouvelle étape de “détection du vivant”. Celle-ci consiste à demander au client de répondre à des défis face à sa caméra (lire un code à haute voix, sourire…). La détection du vivant n’est pas encore en production en France mais le CEO Guillaume Despagne confie discuter du sujet avec plusieurs banques. Evolution similaire pour Onfido, start-up londonienne lancée en 2012, et présente en France depuis début 2019. La société est spécialisée dans la vérification de l’identité et propose à la fois une solution par selfie, mais aussi via vidéo. L’utilisateur doit tourner une petite séquence dans laquelle on lui demande de faire un mouvement de la tête et de donner trois chiffres, dont la combinaison change à chaque fois. “Le mouvement est un indicateur supplémentaire pour lutter contre la fraude”, indique Gimena Diaz, DG France. L’approche biométrique est couplée avec un contrôle humain, comme pour les sociétés précédemment citées. Automatisation complète Contrairement aux autres acteurs du marché, Ubble a décidé de miser sur une automatisation complète. Pas besoin, donc, de centres d’appels et d’agents pour discuter avec les clients. De quoi diminuer drastiquement les coûts de l’authentification. Pour l’identification du client, l’opérateur du centre d’appels est remplacé par un algorithme. La solution est en production avec six clients (dans l’économie collaborative ou la location de voitures) mais la start-up a aussi signé avec une banque traditionnelle et l’un des leaders du Banking-as-a-Service. IDnow travaille aussi à davantage d’automatisation. La société a lancé à l’automne 2018 une solution baptisée AutoIdent et 100% automatisée. L’authentification des documents d’identité est réalisée en temps réel grâce à des algorithmes d’intelligence artificielle. “La solution détecte les contours du document, comprend de quel type de document il s’agit puis l’application prend les photos pour éviter toute erreur ou image faussée”, décrit Typhaine Gaudemer. L’utilisateur reçoit des indications à chaque étape du processus afin de réaliser les photos avec efficacité. Pour l’instant, les messages ne s’adaptent pas en temps réel à ses actions, mais “cela viendra”, assure la directrice. AutoIdent n’est cependant pas encore déployée dans le secteur financier. “Pour l’instant, la solution a séduit des entreprises du secteur de l’automobile, par exemple, et un client de l’économie collaborative a été signé en France. Mais nous sommes en conversation avec des banques françaises sur le sujet”, révèle Typhaine Gaudemer. Objectif : automatiser plus de 90% des contrôles de pièces d’identité sans avoir à passer par un agent en solution de repli. Si ces solutions automatisées ne sont pas encore en production sur de l’onboarding bancaire, elles intéressent les établissements financiers. “Les clients sont très preneurs d’un mélange digital et humain et beaucoup apprécient l’entretien vidéo lors de l’onboarding. Un parcours automatisé est toutefois envisagé pour certains d’entre eux, notamment parce que les entretiens vidéo ne sont pas possibles à toute heure”, analyse Daniel Rousseau, de Société Générale. Grégoire Dupiellet, directeur digital et communication client de la banque de détail, renchérit : “le parcours en complète autonomie, on y travaille pour la fin d’année. L’objectif est de passer à l’échelle et d’éviter certaines ruptures dans le parcours client, notamment quand le client démarre le processus en dehors des horaires des agents.” Diminution des coûts Contrairement à la solution IDnow avec des agents, qui nécessite en plus des coûts de licence d’absorber le coût d’un agent pendant un appel de 5 à 6 minutes pour chaque ouverture de compte, la solution AutoIdent n’oppose que des coûts de licence. De quoi diminuer par dix le coût pour la banque, selon Typhaine Gaudemer : une authentification lui coûtera quelques dizaines d’euros avec le chat vidéo, contre quelques euros avec AutoIdent. Mais des exigences réglementaires empêchent encore ces solutions de se répandre. “Il existe par exemple des contraintes réglementaires en Allemagne, Autriche, Suisse ou au Luxembourg qui nécessitent d’avoir un agent”, indique la directrice d’IDnow. Pour autant, “de plus en plus de pays européens mettent en place des législations favorables aux produits 100% automatisés car les machines sont souvent plus performantes que les humains, pour la comparaison biométrique par exemple, et leurs taux d’erreur sont bien moins élevés.” Philippe Le Pape, d’Idemia, rappelle en effet que “les humains sont mauvais pour reconnaître des gens qu’ils ne connaissent pas : le taux atteint 50% d’erreur pour des personnes non formées et baisse à 15% pour un spécialiste en face à face”. Des premiers textes encourageants ont été votés en Espagne – où il faut néanmoins réaliser un enregistrement vidéo de la session et un contrôle manuel a posteriori systématique – ou au Liechtenstein, qui a validé le processus automatisé au même niveau que l’authentification vidéo. la réglementation française du kyc À DISTANCE en passe d’être modifiée En France, l’entrée en relation à distance entre les établissements financiers et leurs clients, très réglementée, oblige normalement, pour vérifier l’identité d’un client ouvrant un compte bancaire en ligne, à recourir à un moyen d’identification électronique comme une carte d’identité électronique. Mais ce type de document n’existe pas en France. Les établissements doivent donc recourir à deux des six mesures de vigilance citées par l’article R651-20 du Code monétaire et financier : une copie du document d’identité et un document justifiant l’identité du client (1) ; la vérification et certification par un tiers indépendant comme un notaire par exemple (2), un virement depuis un compte bancaire existant (3), la confirmation directe de l’identité (4), un moyen d’authentification électronique – qui n’existe donc pas en France – (5) et enfin une signature électronique avancée ou qualifiée ou un cachet électronique avancé ou qualifié valide reposant sur un certificat qualifié (6). En général, la banque se voit contrainte de choisir les solutions 1 (le document d’identité) et 3 (le virement depuis un autre bancaire). Problème : il n’est pas possible, dans ce cas, de finaliser l’entrée en relation avec des clients qui ne sont pas encore bancarisés. IDnow a résolu le problème en nouant un partenariat avec DocuSign, intégré à sa solution VideoIdent, et en obtenant la qualification de l’ANSSI. Le processus de signature est qualifié au sens du règlement eIDAS et peut donc valoir de mesure de vigilance. Des discussions sont en cours pour obtenir également la qualification de signature qualifiée pour AutoIdent. Société Générale et Idemia (via Ariadnext), eux, misent sur le flou de la deuxième mesure en considérant la solution comme “tiers indépendant”. Mais cela ne devrait bientôt plus être possible… Un groupe de travail a été organisé entre mars et juin 2019 et a réuni l’ACPR, l’AMF, l’ANSSI, Tracfin, la Direction Générale du Trésor et de nombreux acteurs du secteur. Objectif : faire évoluer la réglementation sur le KYC à distance et les fameuses six mesures de vigilance. Un rapport a été rédigé et selon nos informations, voici ce qu’il propose : – Le document justifiant l’identité du client disparaît de la première mesure, qui ne conserve que le document d’identité. – La seconde mesure va préciser la définition des tiers indépendants, qui ne couvre pas les prestataires externes comme IDnow ou Ariadnext. – La troisième mesure (le virement) demeure. – La quatrième mesure (confirmation directe de l’identité) demeure. – La cinquième mesure (moyen d’identification électronique eIDAS) ne fera plus partie des six mesures de vigilance car elle se suffira désormais à elle-même. Ces moyens d’authentification de niveau élevé, qui n’existent pas encore dans l’Hexagone, n’auront pas besoin d’être couplés avec une mesure complémentaire quand ils verront le jour. Deux acteurs ont déjà déposé des dossiers auprès de l’ANSSI pour obtenir cette certification : La Poste et Ariadnext, qui vise un niveau de garantie “substantiel” avec sa solution de détection du vivant. Un audit est en cours et le CEO d’Ariadnext espère obtenir l’agrément d’ici mars 2020. Ces acteurs certifiés pourront notamment devenir fournisseurs d’identité sur France Connect. – Une nouvelle cinquième mesure sera introduite : la qualification de prestataires de certification électronique se basant sur le référentiel de l’ANSSI. Cela permettra aux banques utilisant ces solutions de vérification d’identité de se passer du virement externe pour l’onboarding. – Enfin, la sixième mesure (signature électronique avancée ou qualifiée ou un cachet électronique avancé ou qualifié) sera complétée par la lettre recommandée électronique. Pour consulter le tableau, cliquez sur l’image (PDF) Aude Fredouelle authentificationKYC Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire IDnow, en cours d’homologation par l’ACPR, s’allie à une grande banque française Entretien Typhaine Gaudemer (IDnow) : “L’authentification est un moment crucial dans le recrutement de nouveaux clients” Société Générale introduit l’identification par vidéo pour l’ouverture de compte