Accueil > Industrie > Stratégie > Transformation numérique : quel impact sur les métiers ? Transformation numérique : quel impact sur les métiers ? La révolution numérique en marche au sein des laboratoires pharmaceutiques et des entreprises des dispositifs médicaux impacte nécessairement les métiers. L’identification et la définition des besoins internes s’avèrent être le préalable indispensable au bon recrutement. Par Laure Martin. Publié le 06 avril 2021 à 18h04 - Mis à jour le 17 mai 2021 à 11h40 Ressources “La révolution numérique est intégrée et son implication sur les métiers est réelle”, soutient Jacques Froissant, directeur général d’Altaïde, un cabinet de recrutement spécialisé dans le digital. “Il y a deux ans, nous étions à l’aube d’une transformation, aujourd’hui, nous sommes dans cette transformation voire dans son accélération”, complète Pierre Cannet, P-DG de Blue Search conseil, cabinet de recrutement également spécialisé dans les métiers du digital. Cette transformation se traduit à différentes échelles et implique différents niveaux d’investissements en fonction des entreprises. Déjà en juin 2019, une étude menée par le Pôle interministériel de Prospective et d’anticipation des mutations économiques (Pipame) sur les enjeux et perspectives pour la filière industries et technologies de santé identifiait huit technologies numériques impactant la chaîne de valeur du secteur : l’intelligence artificielle, le cloud, la cybersécurité, les objets connectés, la réalité augmentée, les robots et l’automatisation, la simulation et les big data. “Aujourd’hui, nous observons plusieurs effets de ces technologies sur nos industries à commencer par un impact sur les métiers notamment ceux concernant le stockage et l’analyse de la data ou encore la programmation, les interfaces et les applications”, rapporte Arnaud Chouteau, directeur emploi et formation pour Les Entreprises du médicament (Leem). Côté dispositif médical (DM), “l’état d’avancement de la transformation digitale dépend de la maturité des entreprises et de l’introduction avancée ou non de la digitalisation dans leurs produits”, explique Monique Borel, secrétaire générale du Syndicat national de l’industrie des technologies médicales (Snitem). Avec l’arrivée du numérique dans les fonctions, les postes et l’évolution des produits, les entreprises du DM constatent une nécessité de montée en compétences, sans nécessairement savoir où les chercher. “Désormais, avec les résultats des différentes études que nous avons menées, nous allons pouvoir les aider”, ajoute-t-elle. L’internalisation des métiers de la data De nombreuses activités sont concernées par le numérique, mais deux principales sont en déploiement. La première et non des moindre concerne les métiers en lien avec l’exploitation de la data, qui s’exercent dans différents secteurs au sein même des entreprises. “Dans ce domaine, les postes sont très techniques, il faut des ingénieurs pour travailler sur les algorithmes, exploiter les données, les mettre en forme”, rappelle Jacques Froissant. La création d’écosystèmes numériques et environnementaux pour les professionnels de santé, avec des environnements applicatifs, de contenus, de sites en ligne, qui leur permettent de gérer leur relation avec les laboratoires, expliquent l’incidence sur les métiers. Côté patients, l’investissement numérique porte sur la création d’algorithmes davantage personnalisés. “La crise sanitaire a été un accélérateur de cette tendance, indique Arnaud Chouteau. La relation aux patients et aux professionnels de santé avec le multicanal se développe via les technologies digitales et impacte les métiers.” Et de poursuivre : “La réflexion est identique par rapport aux informations promotionnelles, car cela change les modalités de contact avec les clients, l’activité et les compétences.” La maîtrise de la data a également un effet sur les chaînes de production et donc sur les salariés, avec les équipements qui intègrent du numérique, les tâches qui s’automatisent et modifient les attendus. “C’est une industrie dans laquelle la production est touchée par l’introduction d’objets connectés pour mesurer les cadences d’utilisation de la machine et anticiper les visites de prévention”, explique Jacques Froissant. “L’objectif avec le numérique est de transformer l’existant grâce à la technologie, afin d’accomplir les tâches avec un meilleur rendement ou sur un temps plus court”, complète David Elvira, chef digital R&D et Business développement chez Ipsen. C’est le cas par exemple avec la maintenance prédictive, qui permet de diminuer le nombre d’opérations manuelles sur les machines pour ainsi offrir aux collaborateurs l’opportunité de travailler sur l’optimisation des processus. “Ce qui est important selon moi, c’est la création de la valeur, poursuit-il. La technologie se place au service de la transformation numérique avec des processus, des méthodologies de projets, pour ainsi réfléchir en approche itérative. En aucun cas la technologie va être limitante dans cette transformation. Ce qui peut l’être, c’est l’accès à la donnée mais pas la création d’algorithmes.” La cybersécurité, une activité encore externalisée Qui dit digitalisation, dit cybersécurité et aujourd’hui, dans ce domaine, malgré une sensibilisation à la problématique, encore peu de métiers sont recrutés en interne. Les entreprises du médicament et des DM font principalement appel à du conseil et à des prestations extérieures pour ainsi être à la pointe de l’innovation. “Les laboratoires pharmaceutiques doivent investir dans le domaine, soutient Gérard Péliks, directeur du MBA Management de la sécurité des données numériques au sein de l’Institut Léonard de Vinci. Les cyberattaques n’arrivent pas qu’aux autres et la question n’est pas de savoir si cela va leur arriver mais quand cela va-t-il leur arriver.” “Pendant le confinement en lien avec la crise sanitaire, les clients qui nous ont contactés pour renforcer leur cybersécurité étaient principalement les laboratoires pharmaceutiques, de plus en plus nombreux à mettre en place des centres de cybersécurité et de surveillance”, confirme Jacques Froissant. Plus le secteur va utiliser des technologies numériques qui se nourrissent de big data et de données de santé, plus il va devoir les protéger, sinon, l’acceptabilité sociale du partage de ces données ne sera pas acquise. “Or, c’est l’une des conditions au développement des nouvelles technologies et de l’intelligence artificielle”, prévient Arnaud Chouteau. Une intégration progressive des compétences Chez Ipsen, chaque business unit a commencé par disposer de ses propres spécialistes et “progressivement, nous avons consolidé une équipe globale”, rapporte David Elvira. Cette équipe est organisée autour de deux piliers : “la R&D médicale et business development, puis les solutions patients et healthcare professionals”. “L’approche globale est importante, car il faut poser les fondations dans une entreprise, créer une base commune, des métiers communs, avant de diffuser cette transformation dans les unités, estime-t-il. Ensuite seulement il y a un intérêt à avoir des personnes formées dans les business unit pour agir sur le déploiement de la stratégie digitale.” Du côté de Janssen, c’est en 2016 que la question du digital a commencé à être abordée. “Nous avons mis en place du reverse mentoring et confié à des jeunes collaborateurs de l’entreprise la mission d’accompagner les membres du comité de direction sur le digital”, explique Céline Petit, DRH. Après un an, il est apparu évident que la digitalisation était indispensable pour la personnalisation de la relation client. “Tous nos managers ont été acculturés à cette question, puis l’ensemble des collaborateurs”, précise la DRH. En parallèle, début 2019, un département Digital&Data, dédié à la filiale commercialisation, a été créé – la branche supply chain du groupe, gérant elle-même la digitalisation de la chaîne de production. “Aujourd’hui, dans notre secteur, nous sommes en marche vers une meilleure acceptabilité de la digitalisation même si elle n’est pas totale”, indique Arnaud Chouteau. Il faut encore accompagner le changement, montrer l’intérêt à introduire ses technologies digitales afin de rester compétitif.” L’ensemble de la chaîne managériale doit prendre conscience de l’intérêt des technologies digitales au sein de son entreprise. “L’adhésion n’est pas encore acquise à 100 %, confirme Céline Petit. Mais si nous proposons à nos collaborateurs des outils qui amènent de la création de valeur dans leur métier, cela participe bien entendu à une meilleure acceptabilité.” L’impact sur les recrutements Une fois les besoins et les métiers identifiés, le plus important reste à faire : recruter. “Le secteur devient attractif, mais il n’est pas en tête, fait savoir Pierre Cannet. Cependant, comme les autres secteurs sont en difficulté en raison de la crise, la potentialité peut être plus grande.” Un recrutement compliqué également par le nombre encore peu élevé de personnes formées dans le digital par rapport à la demande exponentielle. Selon Arnaud Chouteau, si l’industrie de la santé manque d’attractivité, c’est aussi parce que ce secteur travaille sur un temps long, qui se doit de respecter des protocoles. “Or, dans le monde de l’informatique et du digital, la vitesse est valorisée ainsi que l’agilité”, explique-t-il. Autre point bloquant : les aspects réglementaires. “Il faut respecter de nombreuses contraintes dans la créativité, des process et des normes”, ajoute-t-il. Cette transformation digitale requiert de vraies compétences, et aujourd’hui, “il est difficile de trouver de bons profils, ce qui complique cette transformation des sociétés/laboratoires, estime David Elvira. Les entreprises pharmaceutiques ont longtemps voulu, à ces postes, des personnes issues du secteur de la pharma mais elles n’en n’avaient pas nécessairement les compétences.” À la création de son pôle Digital&Data, Janssen a souhaité capitaliser sur l’expertise et la connaissance en interne en permettant à des collaborateurs d’intégrer l’équipe digitale dans le cadre d’une montée en compétences ou d’une reconversion. “Mais nous sommes aussi allés chercher des compétences en externe, avec des collaborateurs qui n’étaient pas issus du monde de la santé mais plutôt de la grande consommation, indique Céline Chevrier, directrice Digital&Data chez Janssen. Ils ont dû s’acculturer à notre secteur d’activité, comprendre nos enjeux, notre environnement réglementaire.” Pour des métiers considérés comme “plus volatiles” – web mastering ou designer UI/UX par exemple – Janssen contractualise par projet. Si la solution actuelle repose sur le recours à des prestataires extérieurs, sur le long terme, pour le Leem, l’objectif serait de travailler sur le développement de filières de formations pour l’informatique et la santé. “On s’est aperçu dans les études Pipame sur l’IA (L’intelligence artificielle dans les industries de santé et Les solutions multi technlogiques (SMT) dans les industries de santé, ndlr), qu’il y avait plus d’une centaine de formations dans le domaine, mais seulement six en matière d’IA et de santé”, pointe du doigt Arnaud Chouteau. Il plaide pour la mise en place de filières de formations associant informatique et santé, pour avoir des profils de collaborateurs déjà attirés par le secteur et qui en connaissent les contraintes. Pour Monique Borel, l’une des solutions pourraient être d’intégrer dans les écoles d’ingénieurs, qui ont notamment identifié la santé comme secteur de débouchés, une spécialisation industries de santé pour “pouvoir étudier les applications dans notre domaine, les enjeux du système de santé français et les réglementations en vigueur”. “Peut-être faudrait-il aussi nous rendre dans les écoles pour leur faire connaître le secteur, propose-t-elle. Nous avons une carte à jouer avec des actions de sensibilisation auprès de ces métiers.” Retrouver les fiches (missions, profils recherchés, rémunération) sur les métiers accompagnant la transformation numérique Laure Martin IndustrieRessources humainesStratégie Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Dataroom Recrutement de compétences numériques : basculement vers la mobilité interne Martin Dubuc (Leem) : “Tout converge pour que le numérique et les données de santé deviennent de plus en plus importants et prégnants pour les entreprises” Digitalisation de l’industrie de la santé : un impact sur les métiers RH : les industriels de la pharma misent sur des équipes multidisciplinaires Étude du Pipame : neuf recommandations pour la transformation de l’industrie de santé Les métiers en lien avec la transformation numérique de l'industrie