La Pitié-Salpêtrière, Synapse Medicine et Dedalus s’associent pour optimiser la conciliation médicamenteuse

Les enquêtes nationales ENEIS [Enquête nationale sur les événements indésirables liés aux soins, ndlr] menées en 2004 et 2009 ont montré que près de la moitié des évènements indésirables médicamenteux (EIM) graves étaient évitables (lire encadré). “Or, de nombreuses études soulignent que les erreurs médicamenteuses surviennent principalement aux étapes de transition du parcours de soins du patient (entrée et sortie de l’établissement, transferts inter-services), souligne une note de la DGOS du 9 mars 2015. Pour 47 à 67 % des patients, une erreur ou une divergence interviendrait entre les traitements prescrits en ville et à l’hôpital et ces erreurs seraient responsables d’EIM graves dans 18 à 59 % des cas.” Tout l’enjeu de la conciliation médicamenteuse vise donc à intercepter les erreurs et les divergences médicamenteuses entre la ville et l’hôpital (et inversement) et à sécuriser la prise en charge médicamenteuse du patient tout au long de son parcours de soins.

Problème : “jusqu’en 2020, il n’y avait pas vraiment de formalisation digitale de ce processus. C’est pourquoi aujourd’hui encore, de nombreux établissements travaillent soit sur un fichier papier, soit sur un tableur Excel mais ils ne sont reliés à aucune intelligence. Pour nous, l’enjeu était justement de disposer d’un outil plus intelligent, capable de mettre des divergences en relief, pointe le Dr Thierry Le Marec. Fort de ce constat, nous avons fait un tour d’horizon de ce qui existait sur le marché et c’est là que nous avons rencontré Synapse Medicine.”

Concilier retours du terrain et intelligence pharma

Historiquement, Synapse Medicine disposait d’un outil d’analyse pharmacologique qui équipait déjà certains sites de l’AP-HP, les Hospices Civils de Lyon, le groupe Vivalto et plusieurs Centres de lutte contre le cancer. “Nous avions des retours de plusieurs hôpitaux exprimant des besoins sur la conciliation médicamenteuse. Nous cherchions à travailler avec une équipe de terrain pour co-développer une solution plus poussée, avec l’idée d’être dans une logique de véritable collaboration. C’est ce que l’on a trouvé avec les équipes de Thierry Le Marec et de la Pitié”, explique Clément Goehrs, co-fondateur et dirigeant de Synapse Medicine.

La collaboration démarre à l’été 2020. Synapse Medicine se charge de la gestion du projet, la réalisation des recueils de besoins sur le terrain, le maquettage de l’outil et le développement du MVP (Minimum Viable Product). Les pharmaciens de la Pitié apportent leur expérience du terrain pour orienter les travaux et suggérer des développements, comme par exemple sur la manière de mettre en évidence l’élément de la divergence. “Nous avons fonctionné en mode itératif, pour comprendre le mieux possible leurs besoins et les outils utilisés, rejoue Clément Goehrs. Ensuite, nous leur avons fait valider les maquettes et les parcours utilisateurs. Nous avons pu bien avancer durant l’été 2020 car il y avait des retours très fréquents des équipes de la Pitié. Cela a permis de figer les maquettes et de coder le produit dans la foulée.” Le MVP est disponible dès le mois de septembre. Une rapidité qui a impressionné le Dr Thierry Le Marec. “Entre le temps de spécifications et le temps d’utilisation en expérimentation, il s’est passé moins de trois mois alors que sur n’importe quel projet mené en interne d’habitude, les délais sont plutôt d’un an. Synapse a été très réactif, nos remarques étaient corrigées dans la semaine.” Autre atout de Synapse Medicine : la moitié de ses équipes est de formation médicale, en premier lieu Clément Goehrs, médecin de santé publique. “Cela a considérablement facilité les échanges car Synapse Medicine comprenait de quoi on parlait”, souligne le Dr Thierry Le Marec.

Une conciliation augmentée pour plus de sécurité et de fluidité

Une attention particulière est portée à l’ergonomie et à l’expérience utilisateur du module. “C’est l’une des seules solutions qui nous permet de faire des conciliations avec des tablettes. Cela permet d’entrer plus facilement dans un service pour interroger un patient”, souligne encore le Dr Thierry Le Marec. “Le but est d’offrir le plus grand confort possible à l’utilisateur final, abonde Clément Goehrs, en évitant toute ressaisie d’informations et en évitant au maximum le changement d’interfaces, etc. C’est vraiment le sens de ce partenariat : offrir la meilleure qualité de service possible à l’utilisateur final, qui est surtout le pharmacien hospitalier dans le cas de la conciliation médicamenteuse mais dans les faits, le module est utilisé par l’ensemble des professionnels.”

La solution intègre également des outils comme DDI Predictor (outil de prédiction quantitative des interactions médicamenteuses) et des bases utilisées tous les jours par tous les professionnels mais dans des outils différents. “Nous les avons aiguillés sur les outils les plus utilisés et les plus pertinents dans une conciliation et eux ont réussi à les intégrer et les structurer de manière à ce que l’analyse au cours de la conciliation soit fluide”, salue le Dr Thierry Le Marec.

À l’arrivée, la solution répond aux objectifs initiaux posés par la Pitié-Salpêtrière, qui souhaitait :

• rendre la conciliation beaucoup plus intelligente, avec une analyse pharma qui va plus loin que les seules interactions médicamenteuses,
• plus de fluidité et d’ergonomie, pour gagner du temps sur un processus habituellement très chronophage,
• une solution interopérable avec des acteurs hors hôpital ou hors Pitié, de façon à pouvoir transmettre ou transférer la conciliation enregistrée.

“Notre but c’était d’apporter un gain de temps et un gain de sécurité et de traçabilité. L’utilisateur peut à tout moment de la consultation déclencher une analyse de l’ordonnance sur Synapse Medicine. Cela permet d’apporter une sécurité supplémentaire au pharmacien, avance Clément Goehrs. En outre, un outil numérique permet de mieux valoriser les conciliations réalisées et de sortir des statistiques des taux de divergence par exemple. Cela permet également de valoriser l’expertise pharmacienne et de mettre en place des actions de prévention.” Maintenant que la phase d’expérimentation a été menée à la Pitié, Synapse Medicine espère déployer le module dans les établissements qui pratiquent déjà la conciliation médicamenteuse ou qui envisagent de se lancer.

L’intégration dans l’écosystème Dedalus

Un autre jalon important pour l’essor de la conciliation co-créée par Synapse Medicine et la Pitié-Salpêtrière : le module doit désormais être intégré cette année dans les logiciels de dossiers patients informatisés (DPI) DxCare, Orbis et Dopasys de Dedalus. Avec un enjeu : définir précisément le cas d’usage pour permettre une intégration la plus native possible. “Quel utilisateur va faire quoi à quel moment ? Tout cela a été étudié pas à pas pour proposer une intégration la plus homogène possible. Ce volet d’intégration est très important car c’est un facteur déterminant de l’acceptation de la solution par les utilisateurs, l’idée étant qu’elle soit vraiment intégrée dans leur environnement quotidien”, insiste Ibrahima Sidibe, Directeur stratégie solutions et innovation pour le groupe Dedalus.

Pour pouvoir y accéder, les utilisateurs des 3 DPI devront souscrire à l’offre additionnelle de Synapse par le biais d’un abonnement flexible, avec un tarif variant entre 800 et 2 000 euros par mois selon la taille de l’établissement et leur utilisation du module. L’offre sera proposée progressivement aux plus de 280 établissements de santé qui disposent d’un DPI Dedalus France. Quant à la prise en main de l’outil, il nécessite une courte formation d’une heure, réalisée par les équipes de Synapse Medicine. “Travailler avec Dedalus était important pour nous car c’est l’acteur incontournable des outils métiers utilisés au quotidien par les professionnels de santé, rappelle Clément Goehrs. Cette solution a pour enjeu un gain de temps et de sécurité. Or, si vous n’êtes pas intégré dans le système d’information de l’hôpital et dans les outils Dedalus, la promesse n’est pas complètement tenue.”

Dedalus envisage un partenariat à long terme avec Synapse Medicine. “La stratégie de Dedalus est de choisir des partenaires qui répondent à des problématiques de terrain, explique Ibrahima Sidibe. Nos clients nous ont remonté ce besoin sur la conciliation et nous ont confirmé que cette solution était pertinente et présentait une vraie valeur ajoutée à être intégrée par Dedalus à ses DPI. Les partenariats sont un moyen d’avancer plus vite sur des problématiques de terrain. Notre rôle est d’apporter les bons outils aux professionnels de santé, que ces solutions soient de Dedalus ou non. L’écosystème Dedalus est un système ouvert et nous sommes volontaires pour intégrer toute solution pertinente et à forte valeur ajoutée.” Une ouverture assez inédite pour un éditeur de logiciel de cette ampleur. “Dans certains pays, des acteurs comme Dedalus refusent encore de collaborer avec de nouveaux acteurs. La position de Dedalus est une vraie ouverture, un vrai changement de philosophie”, salue Clément Goehrs.