Accueil > Industrie > Laurence Comte-Arassus (GE Healthcare) “Notre plateforme est une solution d’homogénéisation de l’écosystème” Laurence Comte-Arassus (GE Healthcare) “Notre plateforme est une solution d’homogénéisation de l’écosystème” GE Healthcare, filiale Santé de General Electric, est l’un des leaders mondiaux de la fabrication d’équipements d’imagerie médicale. Laurence Comte-Arassus, directrice générale pour la France, la Belgique, le Luxembourg et l’Afrique francophone, et Aymeric Oliva, directeur général digital France et Benelux, reviennent pour mind Health sur la stratégie du groupe, qui s’appuie notamment sur la plateforme de santé numérique Edison. Par Camille Boivigny. Publié le 10 mai 2022 à 23h42 - Mis à jour le 16 juin 2022 à 12h18 Ressources Depuis votre prise de fonction, quelle est votre stratégie en santé numérique ? Laurence Comte-Arassus : J’ai pris mes fonctions il y a plus d’un an. Concernant la plateforme Edison et l’utilisation de l’IA en imagerie médicale, GE réalise plus de 16 000 examens par jour à travers le monde. Globalement, environ 50 péta-octets de données de santé sont générées par an en France. Ce chiffre sera multiplié par 50 d’ici 2030. Le pourcentage à garder en tête est celui de la provenance de ces données : 90 % proviennent de l’imagerie. La place de l’imagerie sera croissante dans le parcours de soins, en particulier en cancérologie. C’est pourquoi j’insiste souvent sur les partenariats : nous sommes dans un domaine où la coopération entre les radiologues et les oncologues doit être plus étroite. L’imagerie est génératrice d’énormément de données, très sous-exploitées, alors qu’en les exploitant et les structurant, elles permettent d’accélérer la médecine de précision, de passer du curatif au préventif. Quelle est la place de l’IA dans votre stratégie ? LCA : C’est l’autre élément important. Elle permet de structurer et collecter de multiples données permettant des progrès autant cliniques en analyse d’images qu’en termes d’efficience concernant la gestion de l’hôpital. Comment utilisez-vous ces données ? LCA : Nous sommes souvent vus comme une société qui vend de l’équipement, or ce dernier n’a d’intérêt stratégique que si nous parvenons à utiliser les données qui en sortent. En hépatologie par exemple, l’imagerie permet de connaître la taille de l’organe et/ou de sa tumeur, élément diagnostic indispensable. L’IA en permet la mesure rapide et fiable. Nous mettons réellement l’accent sur l’anticipation et la prévention pour augmenter les chances de traitement du cancer. Nous avons développé plus de 50 logiciels en ce sens, notamment de reconstruction d’images pour aller plus en profondeur. Les données de vie réelle sont-elles concernées ? LCA : C’est un axe très important. Nous y travaillons et espérons pouvoir lancer cette plateforme Edison courant 2023 en Europe et en France. Cette solution comprend d’une part un système d’archivage neutre interopérable conçu pour agréger de manière transparente les données de plusieurs sources en s’appuyant sur les normes internationales comme DICOM [Digital imaging and communications in medicine, un standard international pour la gestion informatique des données issues de l’imagerie médicale], HL7 ou encore XDS [Xerox Data Systems]; et d’autre part un outil d’orchestration de l’IA, spécifique aux soins de santé pour la création et l’exécution d’applications. La problématique de notre environnement étant son hétérogénéité, cette plateforme est une solution d’homogénéisation de l’écosystème. L’objectif est de pouvoir tous se connecter au même endroit. Ces données appartenant aux patients, constituez-vous des entrepôts de données de santé ? LCA : Les stocker est interdit, c’est tout l’enjeu de leur anonymisation et du suivi de leur évolution. Nous ne travaillons jamais seuls sur ce type de projets, c’est tout l’intérêt de cette plateforme : un mode collaboratif, que ce soit avec les clients ou avec tous les organismes avec lesquels il faut travailler pour être conforme aux différentes réglementations. Comment cette plateforme se distingue-t-elle de celles des autres industriels de santé ? LCA : Contrairement aux autres plateformes, principalement focalisées sur l’administratif, Edison digital health platform rend la donnée disponible à l’ensemble des acteurs du parcours de soins. Elle contient des applicatifs mettant l’accent sur les plans clinique et opérationnel. Elle est conçue pour accélérer et faciliter l’intégration des applications dans les flux de travail existants en connectant tous les différents systèmes, toutes les différentes sources, dans une couche de données cliniques agrégées : il y a des interfaces ouvertes, différents établissements, différents éditeurs etc. Chacun peut déployer son application de manière transparente. Les DSI [directeur des systèmes d’information, ndlr] bénéficient d’une connexion unique sécurisée à plusieurs sources de données comme les DPI [dossier patient informatisé] voire l’ensemble des applications. Qui sont vos partenaires ? LCA : Nous travaillons toujours avec des centres hospitaliers ou des start-up car plus nous sommes nombreux, plus nous pouvons atteindre nos objectifs. Auriez-vous des exemples de collaboration sur des conceptions d’IA entre GE et des start-up ? LCA : Avec AIDReAM, notre consortium français qui vise à structurer et accélérer le développement de la filière nationale de l’IA en imagerie médicale, notre objectif au-delà des développements d’applications d’IA, c’est l’efficacité du process de développement. Par exemple, les start-up utilisant notre kit de développement logiciel peuvent accéder à la surface de nos Pacs [picture archiving and communication system, système d’archivage et de transmission d’images, ndlr] et à notre plateforme. Actuellement deux d’entre elles, Pixyl et Therapanacea travaillent sur des cas d’usage de cancer du foie et de traitement du glioblastome. Comment vous préparez-vous à cette nouvelle réglementation qu’est l’AI Act ? Aymeric Oliva : L’IA est depuis longtemps intégrée dans nos processus diagnostics et décisionnels. Le marché du DM est déjà très encadré, nous constatons que ce texte vient parfois s’opposer ou se superposer à des règlements déjà existants. Nous travaillons autour du RGPD et de la cybersécurité, notamment avec le COCIR [European Trade Association representing the medical imaging, radiotherapy, health ICT and electromedical industries] pour faire évoluer les choses car à vouloir trop se protéger, nous en arrivons à un point où l’on risque de ne pas pouvoir utiliser certains algorithmes et finir par créer une perte de chance pour les patients européens. Aymeric Oliva, Directeur General, GE Healthcare Digital France et Benelux (FB) Disposez-vous d’entrepôts de données aux États-Unis ? AO : Oui, sur ce que nous appelons les Vendor Control Archive (VNA). Il y a 10 ans, GE avait fait le choix de séparer la donnée des applications. Dans les premiers Pacs, la donnée était enfermée dans une application et souvent dans des formats propriétaires. GE a créé un Pacs en séparant les deux entités. Concrètement, qu’est-ce que cela signifie en termes d’interopérabilité ? AO : Cet entrepôt est capable d’ingérer de manière neutre, sans y adjoindre des formats propriétaires, tout type de données : imagerie, dermatologie, EEG [électroencéphalogramme], ECG [électrocardiogramme], de la pathologie digitale etc. Soit toute l’information clinique hors compte-rendu. Celui que nous avons créé pour le GHT des Bouches-du-Rhône héberge les données d’imagerie de l’AP-HM, depuis 3 ou 4 ans celles de l’hôpital d’Aix, la Ciotat et d’autres établissements producteurs d’imagerie, quel que soit leur pacs et leurs outils de digitalisation. Tous nourrissent cet entrepôt neutre. Depuis un an, nous y intégrons les autres types de données mentionnés. Nous créons donc un entrepôt de données qui va être la base du système d’information du territoire Bouches-du-Rhône. L’ensemble des données du parcours de soins du patient, qu’il soit pris en urgence à Aix ou transféré à l’AP-HM, y est stocké. L’entrepôt sert de base de partage à l’ensemble du territoire. Comment ces données peuvent-elles être ré-utilisées pour la recherche ? AO : Dans un entrepôt de type VNA, nous pouvons créer un EDS de recherche pour lequel nous fournissons une archive de recherche et des protocoles liés. Dans cette VNA, vous disposez de l’outil du quotidien alimentant vos outils de visualisation et de diagnostic et vous pouvez créer et documenter un entrepôt de recherche structuré de manière à pouvoir l’exploiter dans le cadre de recherche. C’est un entrepôt de données utilisable en routine dans lequel vous créez parallèlement un entrepôt de recherche. Les données sont effectivement structurées et documentées différemment. Ce qu’on appelle Edison datalog. Avez-vous développé un modèle économique centré sur la donnée et sa valeur ajoutée ? AO : Non, aujourd’hui, ce modèle économique est un fantasme. Nos développements actuels ne sont pas à des fins de modèle économique mais à des fins d’activité, d’efficience, d’anticipation par rapport à certaines pathologies, et ne visent en aucun cas à tirer profit ou “rentabiliser” la donnée. Réalisez-vous du chaînage avec le SNDS pour améliorer ces modèles et valoriser vos données ? AO : La plateforme Edison répond aux normes HL7, DICOM, XDS qui permettent de restituer cette donnée. Nous y connectons des outils liés à des usages de diagnostic, de téléradiologie ou de télémédecine. Nous récupérons l’information patient et pouvons brancher au-dessus de cette plateforme un environnement comprenant des visualisateurs voire des algorithmes d’IA, qu’ils soient GE ou non. Comment rendre des solutions et programmes informatiques issus de start-up interopérables avec GE ? AO : C’est en cela que la notion d’archive neutre est fondamentale : elle est ré-exploitable dans n’importe quel type de visualisateur. Nous créons l’entrepôt et y connectons des applications. Nous disposons également d’un outil d’orchestration des algorithmes d’IA -AI orchestrator- que nous pouvons connecter sur n’importe quelle archive ou n’importe quel SI de manière à faire fonctionner n’importe quel algorithme d’IA tiers dans un environnement comme s’il était natif. Nous pouvons disposer d’un entrepôt tiers, d’outils de reconstruction neutres capables de s’adapter à des entrepôts de données neutres concurrents. Et inversement : notre entrepôt de données neutre peut s’adapter à un pacs ou un outil de visualisation concurrent. À quoi cela sert-il ? AO : Cela permet d’alimenter le DMP dans la plateforme nationale, en nous appuyant sur des composants XDS que nous allons élaborer en fonction du cahier des charges de la Cnam afin de partager à l’échelle nationale l’ensemble des données qui sont dans nos entrepôts de données dans les différents hôpitaux, GHT etc. GE a récemment signé un accord avec la start-up AZmed. Comment se traduit cette collaboration ? AO : Nous disposons d’un programme de sélection d’algorithmes d’IA –Edison Accelerator– que nous allons intégrer dans notre plateforme. AZmed [qui fournit un algorithme de deep learning que les radiologues pourront utiliser pour optimiser leur flux de travail, ndlr] en fait partie. Nous récupérons cet algorithme et l’intégrons soit sur l’archive soit dans nos outils de visualisation de manière transparente dans le flux du travail du médecin comme s’il était natif dans leur environnement au travers de l’outil d’interopérabilité qu’est l’AI orchestrator. À travers un système d’abonnement à une licence ? AO : Nous fonctionnons par abonnement : certains sont liés à la souscription d’une solution, d’autres à l’intégration directe dans les outils GE. Nous avons identifié via ce programme 200 algorithmes d’IA en radiologie -dont une cinquantaine déjà exploités par GE Healthcare-, disponibles dans le commerce auprès d’environ 90 fournisseurs différents. Notre marketplace les référence. Tous les trois mois, nous en sélectionnons une dizaine pour les intégrer de manière industrielle. Ayant tous une approche différente de l’interface utilisateur et de l’intégration, nous œuvrons à l’explicabilité et la transparence de l’IA pour le médecin via notre outil d’orchestration. Il s’agit ensuite de les promouvoir à travers notre entrepôt de données. 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Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Les initiatives françaises pour améliorer l’interopérabilité des données de santé Le réseau EHDEN, parfait exemple d’utilisation du modèle commun de données OMOP Pourquoi un modèle commun européen de la donnée de santé ? Entretien Frédérique Debroucker (Medtronic) : “Il faut tendre vers une approche transverse de rémunération à la qualité” Entretien Markus Kalliola : “L’approche fédérée est beaucoup plus flexible” Interopérabilité : l'ANS dresse un premier bilan à 2 ans lors de son 4e projectathon