Accueil > Industrie > Quel avenir pour les essais cliniques décentralisés ? Quel avenir pour les essais cliniques décentralisés ? Sous les auspices du sommet annuel de l’Organization of Pharmaceutical Producers of India qui se tenait les 23 et 24 mars 2022, plusieurs responsables des sociétés Bayer, Boehringer Ingelheim et Accenture, ainsi que la directrice régionale Inde de la FDA, ont débattu des tendances en matière de recherche clinique. Parmi les questions soulevées, les opportunités qu’offrent les essais cliniques décentralisés, l’automatisation basée sur les métadonnées et les données de vie réelle. Par Pharma Intelligence. Publié le 21 juin 2022 à 8h55 - Mis à jour le 21 juin 2022 à 12h21 Ressources Avec les essais cliniques décentralisés, la recherche clinique se trouve à un moment charnière de son histoire. Et pourtant : si les promesses de ces essais cliniques d’un nouveau type sont connues, elles peinent encore à convaincre les industriels de sauter complètement le pas. Comme l’a rappelé Christoph Koenen, responsable du développement clinique et des opérations au sein de la firme Bayer AG, les essais cliniques resteront à l’avenir une “pierre angulaire” de la production de données probantes. “En revanche, la technologie utilisée pour collecter efficacement des données dans ce cadre va constamment évoluer et va donc nécessairement modifier le rythme de ces essais décentralisés au cours des prochaines années”, a-t-il noté lors de ce sommet virtuel. Avec un enjeu majeur à la clé : augmenter le degré d’acceptation des données collectées au moyen d’essais cliniques décentralisés pour lever un certain scepticisme quant au degré de qualité des données et critères d’évaluation recueillis à l’aide de ces essais, par rapport à ceux collectés dans le cadre de sites cliniques physiques traditionnels. “C’est la raison pour laquelle on ne voit pas pour l’instant d’études pivot entièrement basées sur des essais cliniques décentralisés”, a-t-il souligné. Vers un modèle hybride ? Christoph Koenen estime toutefois qu’avec une plus d’expérience et une plus grande confiance des industriels dans les essais cliniques décentralisés, le niveau d’acceptation pour les études pivot devrait augmenter. “Il faut bien comprendre qu’il ne s’agit pas d’un scénario en noir ou blanc, avec d’un côté une étude réalisée à 100 % dans le cadre d’un site physique, ou à 100 % avec des essais décentralisés. Nous pouvons nous retrouver dans une situation où nous aurons un certain pourcentage de patients participant à l’étude avec une approche décentralisée, et un certain pourcentage de patients qui évolueront pour leur part dans le cadre d’un site physique”, a-t-il plaidé. Selon lui, l’avantage de cette approche est que l’on peut faire dépendre la participation d’un patient particulier à ses “conditions de vie réelles, à ses capacités d’accès à la technologie, aux possibilités de connexion aux données et aux soins à domicile. Autrement dit, on peut adopter une approche offrant une très grande souplesse.” Faire des essais cliniques une partie intégrante des soins De son côté, Kailash Swarna, directeur général et responsable international du développement clinique auprès de Accenture LifeSciences, a rappelé que 30 % des participants identifiés, en moyenne, ne vont pas jusqu’au terme d’un essai clinique. “Imaginez ce que nous pourrions faire en intégrant un plus grand nombre de patients dans le paysage des essais cliniques”, a-t-il souligné, arguant qu’un des enjeux d’avenir consistait à faire du développement et des essais cliniques une partie intégrante du continuum des soins, ce que l’on appelle le CRAACO (Clinical Research as a Care Option). Alexandre Malouvier (ICON plc) : “La prochaine révolution concerne l’e-sourcing” Un avis pondéré par Vijay Prabhakar, l’un des participants au panel. En charge du secteur thérapeutique du développement clinique et des opérations chez Boehringer Ingelheim, il a souligné que tous les patients ne sont pas nécessairement favorables aux essais cliniques décentralisés, et que le choix final revient aux patients et aux enquêteurs. “Nous devons nous garder de considérer que le numérique va nécessairement réduire la complexité. De fait, les technologies numériques peuvent engendrer des complexités dont on se passerait volontiers. Il nous faudra donc, à un moment ou à un autre, trouver le juste équilibre entre ce dont nous avons vraiment besoin en termes d’innovation numérique, et ce qui serait trop disruptif et finalement plutôt encombrant, aussi bien pour les patients que pour les enquêteurs”, a-t-il mis en garde. Vijay Prabhakar observe toutefois de nombreuses potentialités qui n’ont pas encore été mises à profit, malgré la récente pandémie, notamment “l’avenir de l’intelligence artificielle pour accélérer les adjudications, en aidant les gens à adjudiquer les critères d’évaluation plus rapidement en utilisant la radiomics.” L’adjudication des critères d’évaluation cliniques est un processus standardisé qui permet de mieux évaluer la sécurité et l’efficacité des traitements pharmacologiques ou des thérapies à base de dispositifs médicaux dans les essais cliniques. Fiabilité et traçabilité comme prérequis Sarah McMullen, directrice du bureau indien de la FDA, a abordé les aspects relatifs à l’utilisation de différents types d’outils technologiques de santé numérique pour réaliser les essais cliniques. Elle a instamment demandé aux sponsors de s’assurer qu’un outil technologique de ce type est bien “adapté aux besoins” : “Cela peut se faire en abordant des questions telles que : l’outil considéré est-il fiable et approprié au contexte ? Les données collectées seront-elles valides par rapport à la question prévue ? Le processus de consentement est-il adéquat pour décrire les risques pour le participant liés à l’utilisation de cette technologie ? Peut-on également assurer la traçabilité de l’utilisation, de bout en bout, avec la considération principale qui est l’intégrité des données ?”. En décembre dernier, la FDA a publié un document d’orientation portant sur l’utilisation des technologies de santé numérique pour acquérir des données à distance, auprès des participants aux essais. Ce document recommande aux sponsors de s’assurer que le niveau de validation associé à ces technologies est suffisant pour soutenir son utilisation et son interprétabilité dans l’investigation clinique. Sans compter l’enjeu de cybersécurité, essentiel à garder en tête dès que l’on utilise des outils numériques. Le programme asundexian de Bayer Actuellement, Bayer mène un essai alliant diverses approches innovantes pour son médicament expérimental asundexian. Celui-ci est un inhibiteur oral du facteur XIa (de la coagulation) actuellement développé comme potentiel traitement de prévention secondaire destiné aux patients victimes d’un AVC ischémique non cardio-embolique, ainsi que pour la fibrillation auriculaire et l’infarctus du myocarde récent. Le programme d’essais de ce médicament bénéficie d’un certain pourcentage de patients aux Etats-Unis, où l’approche basée sur les essais cliniques décentralisés est mise en œuvre. “Nous avons un accord avec les autorités de réglementation, aux termes duquel nous pouvons utiliser un certain pourcentage de patients dans le cadre de ce programme. Et nous collectons les données en utilisant l’approche basée sur des essais décentralisés”, a expliqué Christoph Koenen. Des registres ont également été utilisés avec ce programme, afin d’identifier les patients pouvant potentiellement participer à l’étude, ce qui permet de s’assurer que des patients présentant des caractéristiques “appropriées” sont approchés en vue d’être intégrés aux essais. Des patients qui sont donc “identifiés à l’avance”, a précisé Koenen. Une automatisation basée sur les métadonnées La multinationale allemande procède également, “autant qu’il est possible de le faire”, à l’automatisation des différents processus de l’étude, afin d’améliorer la qualité des essais et d’en accélérer le rythme, a ajouté Christoph Koenen. Cette automatisation basée sur les métadonnées vise à accroître l’efficacité des processus d’essais. À l’heure actuelle, ces opérations nécessitent des tâches manuelles significatives qui sont non seulement chronophages, mais qui “introduisent de surcroît des risques au niveau de la qualité.” “En standardisant et en automatisant ces processus autant qu’il nous est possible, et en automatisant la production de différents documents, que ce soit dans le cadre du protocole ou du rapport d’étude, la qualité des documents produits sera nettement améliorée, et le temps nécessaire considérablement réduit”, a insisté Christoph Koenen. Avec l’évolution de la technologie – l’intelligence artificielle devrait ici jouer un rôle très important – les efforts déjà déployés devraient connaître un regain de progression, a-t-il ajouté. L’importance croissante des données de vie réelle Le responsable du développement clinique de Bayer a également souligné l’importance croissante des données de vie réelle, qui sont actuellement largement utilisées pour observer les résultats des différentes approches thérapeutiques. “L’importance des éléments de preuve puisés dans le monde réel va augmenter et nous nous appuierons de plus en plus sur ce type d’éléments probants, par exemple, pour prendre des décisions réglementaires en termes d’efficacité et de sécurité.” Selon Christoph Koenen, nous devrions probablement en venir à abandonner progressivement l’approche traditionnelle, basée essentiellement sur l’utilisation d’éléments provenant des essais pour prendre des décisions, pour nous acheminer vers une approche qui verra l’utilisation de différents types d’éléments de preuve pour parvenir aux décisions nécessaires. “Dans l’avenir, les données du monde réel et les éléments de preuve prédictifs joueront un rôle encore plus important dans le mix permettant de produire des données”, annonce-t-il. Une prédiction qu’il relativise toutefois, en précisant que ces éléments ne pourront être utilisés qu’à la condition que nous soyons “certains de collecter, de traiter, d’analyser et d’interpréter ces différents types de preuve de manière appropriée. Il nous faudra en outre disposer des bons systèmes, correctement mis en place, pour y parvenir.” Essentiel : Les essais cliniques décentralisés L’enjeu du stockage des données Mais l’utilisation des technologies numériques se traduira par l’explosion du volume de données collectées. La surveillance à distance de patients, par exemple équipés d’enregistreurs ECG, soulève la question de la multitude des données générées. “Que se passe-t-il si l’on a un patient qui porte ce type de dispositif pendant longtemps ? Imaginez le volume de données qu’il faudra recueillir, stocker et traiter !” Il est donc important pour les professionnels du secteur de créer des capacités d’analyse avancées et des plateformes d’ingestion de données permettant de faire face à cet afflux d’informations nouvelles. “Il nous incombe de stocker et de collecter les données, mais aussi de les traiter et de veiller à ce qu’elles soient analysées de manière appropriée pour nous permettre de parvenir aux bonnes conclusions.” Avec l’augmentation considérable du volume de données, les capacités de traitement devront nécessairement être renforcées, a-t-il conclu. Article publié initialement sur Pharma Intelligence le 1er avril 2022 Cet article est proposé gracieusement par notre partenaire, Pharma Intelligence, un leader mondial d’analyses de marché, d’intelligence, et de données dédiées au secteur pharmaceutique. Pharma Intelligence CybersécuritéDCTdonnées de vie réelleEssais cliniquesMédicamentPharma IntelligenceRechercheTraçabilité Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire analyses Lutter contre la non-observance grâce aux outils numériques Medtech : agir vite pour assurer à long terme une valeur maximale des transactions analyses Biotechs : après une année folle d’introductions en bourse, la fête est finie