Accueil > Parcours de soins > Comment Better World utilise l’IA pour améliorer l’expérience patient au sein du groupe Elsan Comment Better World utilise l’IA pour améliorer l’expérience patient au sein du groupe Elsan Elsan, l'un des principaux groupes privés de santé en France, a présenté le 4 avril la 5e édition de son Live Innolab, qui met en avant les usages de la data et de l'intelligence artificielle (IA) au sein des établissements de santé. L’occasion de revenir avec Daniel Ritter, président et cofondateur de la société Better World et le Dr Myriam Combes, directrice de la stratégie et des relations médicales d'Elsan, sur la manière dont le traitement automatique du langage naturel s’est mis au service de l'expérience patient. Par Romain Bonfillon. Publié le 04 avril 2023 à 10h29 - Mis à jour le 11 avril 2023 à 15h42 Ressources La genèse Si la majeure partie de l’activité de Better World se concentre aujourd’hui dans la santé (plus de 60 %), c’est dans le secteur de l’automobile, que la société française a construit sa solution. Nous sommes partis d’un constat, explique Daniel Ritter, président et cofondateur de la société : “tous les jours, un grand nombre de personnes prennent leur voiture et font face à un certain nombre “d’irritants” : la portière qui grince, le téléphone portable que l’on ne peut pas accrocher à côté du tableau de bord. D’un autre côté, des ingénieurs dans les centres de recherche des grands constructeurs n’ont aucune idée de ces besoins des clients, car ces deux populations ne se parlent pas. Ces constructeurs automobiles font appel à des focus groupes d’une petite dizaine de personnes, mais cela n’est en rien représentatif de l’avis de millions d’utilisateurs”, fait observer Daniel Ritter. Daniel Ritter, président et cofondateur de Better World Dès lors, nous sommes en 2017, Better World va avoir l’idée de capturer tous les feedbacks des clients sur leur voiture, au travers des millions de témoignages qui circulent sur internet, notamment sur les forums spécialisés. “Sur la seule marque Renault, précise Daniel Ritter, cela représente plus de 5 millions de discussions. Les constructeurs automobiles ont eu ensuite envie de connaître quelle était l’expérience client au sein de leurs différentes concessions. Puis, en 2019, des acteurs de la santé nous ont dit que ce que nous faisions pouvait être transposé à l’expérience patient”. À noter que Better World est aujourd’hui le premier acteur en France en matière d’analyse des verbatim patients par l’IA. La société travaille avec plus de 600 établissements de santé et médico-sociaux. Sa solution est notamment déployée dans les groupes privés Elsan, Vivalto Santé, Almaviva Santé, au sein des EHPAD du Groupe Colisée, à l’Hôpital des 15-20 et à l’Hôpital Foch (Suresnes). Où recueillir le feedback des patients ? C’est au travers de trois sources différentes que Better Wolrd va chercher le feedback des patients : dans les réponses aux questionnaires e-Satis de la Haute autorité de santé (HAS). Ce dispositif national permet de mesurer en continu la satisfaction et l’expérience des patients qui ont été hospitalisés, dans le public comme dans le privé. “L’enquête comprend un questionnaire fermé d’une soixantaine de questions, mais également des champs de commentaires en texte libre. C’est précisément là que nous intervenons, car ces verbatim ont du mal à être utilisés par les établissements, compte tenu de leur volume. En moyenne, cela représente 5000 à 10 000 verbatim par établissement et par an, mais pour des grands groupes d’hospitalisation privés, cela peut aller jusqu’à plusieurs centaines de milliers de verbatim par an”, explique Daniel Ritter ; dans les propres enquêtes que font les établissements et au travers notamment du questionnaire de sortie ; sur le web, dans les feedbacks que les patients rédigent, notamment au travers des avis Google. “Le web représente pour nous moins de volume de données que e-Satis, mais cela reste extrêmement important pour un établissement car c’est de l’information visible du grand public”, souligne Daniel Ritter ; grâce à la propre collecte que va réaliser Better World en répartissant des QR codes dans les lieux stratégiques du parcours patient (les chambres, les lieux d’accueil). “Le patient qui flashe ce QR code va arriver sur une interface extrêmement simple, qui va lui permettre de donner son feedback en une vingtaine de secondes, contre plusieurs minutes avec les questionnaires papiers”, fait valoir Daniel Ritter. Extraire du sens avec l’IA Le traitement automatisé du langage est l’une des deux principales branches de l’IA, qui comprend l’analyse d’images et l’analyse de textes. Pour extraire un sens d’un verbatim, il s’agit d’abord de savoir de quoi l’on parle. “Cela consiste à savoir à partir d’une remarque comme “Le personnel est très attentif” que l’on parle du niveau d’écoute et d’attention. Cette phase est ce que l’on appelle la classification”, rappelle Daniel Ritter. La deuxième étape du traitement est “l’analyse du sentiment”. L’IA, à ce stade, a déjà “compris” de quoi l’on parle et va chercher à savoir si le patient en parle de manière positive ou négative, et avec quelle intensité. À noter que Better World peut également extraire du sens à partir de la voix des patients et des professionnels de santé, mais la société (contrairement à Nuance) n’a pas fait le choix de développer sa propre solution speech to text. “La conversion de la voix en texte est une technologie courante et très performante, il n’y a qu’à voir ce que font nos téléphones avec des systèmes comme Siri, fait remarquer Daniel Ritter. Nous avons donc fait le choix de ne pas aller sur cette partie de la technologie. Il existe par contre un énorme champ pour améliorer l’état de l’art en matière d’analyse de textes. Mesurer la fiabilité “Le cœur de notre approche consiste à être capable de rassurer sur le fait que notre système est fiable”, affirme Daniel Ritter. Aussi, pour s’assurer de la fiabilité de sa solution, Better World va procéder par échantillonnage et demander à “de vrais humains” de catégoriser des extraits de verbatim et de les situer sur une échelle de sentiments. Ce que dit l’homme va ensuite être comparé à ce que dit la machine pour le même extrait de verbatim. “Nous établissons cette comparaison sur un nombre significatif de verbatim, précise Daniel Ritter, et nous nous assurons que les résultats fournis par la machine soient toujours représentatifs statistiquement, c’est-à-dire supérieurs à 90 % dans la justesse de l’analyse du sentiment et dans la classification”. Le partenariat avec le groupe Elsan Dr Myriam Combes, directrice de la stratégie et des relations médicales du groupe Elsan Le partenariat de Better World avec le groupe Elsan s’est mis en place en décembre 2020. La solution d’analyse des verbatim patients est aujourd’hui déployée dans une centaine d’établissements du groupe privé, qui compte 137 établissements et soigne 2,2 millions de patients par an (source : Elsan, mars 2023). Dans ces structures, la principale source de verbatim patients provient des questionnaires e-Satis. “Ces questionnaires apportent à la fois des éléments de perception du parcours de soins et des éléments de satisfaction. Ce sont ces deux aspects qui constituent l’expérience patient”, précise le Dr Myriam Combes, directrice de la stratégie et des relations médicales du groupe Elsan. Pour l’ensemble des établissements d’Elsan, la solution de Better World est avant tout “un outil de pilotage qui donne une vision objective de l’expérience patient, ajoute le Dr Myriam Combes. C’est un moyen de savoir si nous sommes sur la bonne voie, et de nous “benchmarker” entre établissements”. À ce jour, sur les 101 établissements où la solution Better World est déployée, ce sont 700 000 verbatim patients qui ont pu être analysés. “Ces verbatim viennent apporter une confirmation par rapport aux informations tirées des 60 questions que comprend le questionnaire e-satis, mais ils permettent aussi d’éclairer d’autres aspects, qui n’y sont pas abordés, poursuit le Dr Combes. Il est par exemple apparu que les patients avaient besoin de mieux comprendre comment payer leur facture, ce qui est de l’ordre du remboursement par l’Assurance maladie ou par la mutuelle.” Quels avantages pour les établissements ? “Les établissements de santé ont des directeurs qualité dont le rôle va être de collecter et de synthétiser les avis de patients pour en extraire des plans de progrès”, explique Daniel Ritter. Le temps que le directeur qualité consacre à cette phase de recueil et de synthèse est autant de temps en moins consacré à la mise en place d’un plan d’action”. “La beauté du verbatim est que l’on peut rentrer dans des détails ultra-fins” Daniel Ritter, président et co-fondateur de Better World Toutes les informations recueillies n’ont cependant pas la même importance stratégique et le CEO de Better World souligne que “dans la plupart des établissements, le moment de la sortie du patient est crucial car c’est il est souvent source de mauvaises expériences : soit parce que l’on ne sort pas au moment où on l’avait prévu, soit parce qu’on arrive pas à avoir un taxi en partant, soit parce qu’on a pas reçu son ordonnance. C’est un moment de stress, résume-t-il. Aussi, compte tenu du contexte médiatique, le sujet des mauvais traitements infligés aux patients est “scruté au millimètre, pour pouvoir agir immédiatement et apporter une réponse immédiate”, confie Daniel Ritter. Et d’ajouter : “la beauté du verbatim est que l’on peut rentrer dans des détails ultra-fins : le bruit dans les couloirs, provoqué notamment par les chariots, peut être extrêmement gênant pour les patients. Nous arrivons à suivre cela très finement. Et c’est un aspect hyper actionnable : l’établissement qui sait qu’il a un score négatif peut tout de suite mettre en place un plan de progrès, avec des impacts tangibles”. Soulignons ici que ces impacts mesurables et mesurés ont aussi une importance financière. Les résultats des questionnaires e-Satis de tous les établissements de santé en France participent en effet à la construction d’un score par la HAS. Ce dernier conditionne la somme que percevra l’établissement dans le cadre du programme d’Incitation Financière à l’Amélioration de la Qualité (IFAQ). A noter que le dispositif IFAQ a été profondément remanié dans le cadre du plan Ma Santé 2022, portant son enveloppe à 700 M€ en 2022, contre 50 M€ en 2018 (source : ARS Hauts-de-France). Les axes de développement du partenariat Pour gagner en réactivité, le Dr Myriam Combes réfléchit à étendre son partenariat avec Better World “au recueil d’impressions à chaud, que le patient fournirait au fil de l’eau, au cours de son séjour d’hospitalisation”. Aujourd’hui, le rythme – mensuel – des feedbacks que reçoit Elsan est conditionné par les retours fournis par la HAS sur son enquête e-Satis. Un autre axe de développement du partenariat actuel est également en discussion : Better World pourrait mesurer l’expérience des soignants du groupe Elsan. “L’expérience des soignants dans un hôpital est tout aussi importante que celle des patients, puisqu’on ne peut pas avoir des patients satisfaits si les soignants sont au bout du rouleau, argumente Daniel Ritter. Plus largement, il trouverait aussi pertinent de mesurer l’expérience collaborateur. Lorsque l’on voit les difficultés actuelles qu’ont les établissements à recruter et à garder leurs équipes, mettre le professionnel au cœur de ce dispositif de retour d’expérience me paraît très important, conclut-il. Un possible cas d’usage pour ChatGPT ? Si l’IA générative ChatGPT n’a pas vocation à s’appliquer à la partie analyse des verbatims patients, “elle pourrait être utilisée pour répondre automatiquement aux avis que les patients renseignent sur internet”, fait remarquer Daniel Ritter. Ce dernier n’est pourtant pas favorable à un tel cas d’usage. “Il y a un risque, pour l’établissement de perte d’une information précieuse. Le fait, pour un hôpital, de répondre par écrit à une demande ou une plainte, l’amène à réfléchir au plan d’action à mettre en place. Confier cette tâche à la machine revient à perdre cette boucle de feedback”. IA générative : ChatGPT a-t-il un avenir dans la santé? Romain Bonfillon Toutes les ressources liées à cet article Les sociétés Elsan Accès à la fiche entière Données de santéHôpitalIntelligence ArtificiellePartenariatPatient Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Incepto devient partenaire du groupe ELSAN Le nouvel enjeu des données de vie réelle Dossier IA générative : ChatGPT a-t-il un avenir dans la santé?