Accueil > Financement et politiques publiques > Le numérique au service du bien vieillir : panorama des initiatives publiques Le numérique au service du bien vieillir : panorama des initiatives publiques Dans un contexte de vieillissement de la population et de hausse conjointe des maladies chroniques, les solutions numériques apparaissent comme l’une des solutions permettant de bien/mieux vieillir. L’enjeu social et économique est tel que les initiatives émanant d’acteurs publics se sont multipliées ces dernières années. Line Farah, directrice des Grands Défis “bien vieillir” et “santé mentale” nous a servi de guide pour dresser ce panorama non exhaustif. Par Romain Bonfillon. Publié le 25 mars 2025 à 23h00 - Mis à jour le 25 mars 2025 à 15h48 Ressources Selon l’IRDES (Institut de recherche et documentation en économie de la santé), les pouvoirs publics participent à 80% au financement des dépenses des personnes âgées dépendantes (santé, aide à la perte d’autonomie et hébergement) et le rapport Libault de 2019 évaluait à 9,2 milliards d’euros le besoin de financement supplémentaire par an. Pour faire face à ces enjeux économiques, la thématique du “bien vieillir” a essaimé la plupart des instances publiques (DNS, hôpitaux, instituts de recherche), au point d’acquérir, le 8 avril 2024, force de loi. Les solutions numériques doivent contribuer à ce défi national, en particulier dans la prévention de la perte d’autonomie. Le diagnostic Dans le cadre du Grand Défi “Dispositifs médicaux numériques et bien vieillir”, un état des lieux de la filière a été réalisé l’an dernier, avec l’audition de plus de 150 acteurs. Quatre grandes problématiques, comme autant d’axes de travail, en sont ressortis : Il existe une profusion de solutions sur la thématique de la prévention et de la détection des chutes. “Ces solutions laissent par contre les utilisateurs sur leur faim. Les personnes âgées, comme les professionnels de santé, ne disposent pas de critères de comparaison. C’est pourquoi la DGCS (Direction générale de la cohésion sociale, ndlr) a saisi l’Anap pour travailler sur un panorama de ces solutions numériques”, explique Line Farah, directrice des Grands Défis “santé mentale” et “bien vieillir”. Ce dernier doit être publié dans les prochaines semaines et devrait à la fois apporter un benchmark sur les solutions existantes et proposer des critères de comparaison pour ces solutions. Les entreprises du numérique du domaine de la silver économie méconnaissent les différents mécanismes de financement à leur disposition. Une partie dédiée au secteur social et médico-social a donc été créée l’an dernier sur le site G-NIUS. En plus d’un éclairage sur les voies de financement et d’accès au marché des solutions numériques, y sont détaillés les acteurs qui interviennent dans le champ du bien vieillir et les principaux acheteurs de ces solutions. L’évaluation des outils au service du bien vieillir ne dispose pas d’une méthodologie de référence, permettant de juger de leur utilité. Aussi, la DNS a fait appel au comité d’experts du Grand Défi pour monter un groupe de travail thématique (composé notamment de membres de la CNSA et de gérontopôles) pour construire un socle méthodologique, permettant aux porteurs de solutions, aux usagers et aux évaluateurs d’avoir une grille de lecture commune. Même si beaucoup de personnes âgées utilisent déjà des outils numériques dans leur vie quotidienne (applications adaptées aux outils auditifs ou au suivi du diabète, notamment), la formation et la sensibilisation restent clé pour généraliser l’adoption de ces outils numériques innovants. “C’est la question de la digital literacy, qui doit permettre aux patients et aux professionnels de santé de monter en compétences avant de s’équiper de ces outils”, précise Line Farah. La DNS travaille donc sur un plan de formation dédié en particulier aux acteurs du social et du médico-social, aux personnes âgées et aux aidants familiaux. Un futur AAP pour promouvoir les DMN L’axe central du Grand Défi “Dispositifs médicaux numériques et bien vieillir” consiste à faire émerger des technologies de santé numériques innovantes au travers d’un appel à projets (AAP) dédié. Fin 2024, a été finalisée la rédaction du cahier des charges de cet AAP. “Il sera composé de deux volets et permettra d’accompagner des solutions à différents stades de maturité technologique, précise Line Farah. Le premier permettra d’accompagner des solutions technologiques qui répondent aux besoins des personnes âgées, de leurs aidants (professionnels ou proches), des établissements du secteur (ES et ESMS) ; un second axe s’attachera à démontrer la proposition de valeur, en grandeur nature et en vie réelle. Nous espérons pouvoir publier cet AAP cette année.” Cet AAP s’adressera prioritairement aux consortiums, “pour que les concepteurs de solutions, les utilisateurs ainsi que les évaluateurs – Tiers-lieux d’expérimentation, living lab – travaillent main dans la main”, explique Line Farah. La DNS espère avoir une petite dizaine de start-up lauréates, “plutôt sur des projets d’envergure consistant à obtenir à terme un marquage CE et à mettre des solutions entre les mains des utilisateurs, soit sur des évaluations multicentriques de grande ampleur pour la démonstration en vie réelle”, ajoute-t-elle. À noter que la DNS s’est associée à l’AAP Challenge prévention, porté par l’AIS, pour intégrer dans les huit thématiques principales un axe sur le bien vieillir, plus particulièrement sur “la prévention de la perte d’autonomie”. Florie Fillol (AIS) : “La prévention primaire est le levier majeur de progrès” Le PPR Autonomie Piloté par le CNRS, le PPR (Programme Prioritaire de Recherche) Autonomie déploie depuis 2021 des actions de financement et d’animation de la recherche sur les thématiques du vieillissement et du handicap. Il est doté d’un budget de 30 M€. L’Agence nationale de la recherche (ANR), opérateur du programme, a lancé un premier appel à projets en 2021, doté de 7 M€, et un deuxième en 2022, doté de 19 M€. Le dispositif ICOPE Conçu par l’Organisation mondiale de la santé, le dispositif ICOPE (Integrated Care for Older People) permet de faire du repérage précoce pour la prévention de la dépendance. Cet outil appartient à la famille des dispositifs “Article 51”, qui vise à expérimenter des organisations innovantes faisant appel à des modes de financements et d’organisation inédits. Développé par le ministère de la Santé et piloté par la DGOS, ICOPE s’appuie sur des outils numériques pour repérer un risque de fragilité chez des personnes autonomes de 55-60 ans. Il repose sur la surveillance de six fonctions essentielles au bien vieillir (la mobilité, l’humeur, la mémoire, la nutrition, la vue et l’audition). “Ce dispositif a finalisé sa phase expérimentale en fin d’année dernière, il a été prolongé pour pouvoir travailler sur sa généralisation à plusieurs régions de France”, explique Line Farah. Au CHU de Nice, le bien vieillir comme pilier stratégique Pionnier des problématiques liées au grand âge, le CHU de Nice s’est engagé en 2020 dans un projet ambitieux (6 M€, financé à moitié par le CHU) consistant à promouvoir “l’innovation par l’expérimentation”. Ce projet baptisé “Bien Vieillir” s’est décliné en plusieurs axes : évaluation de solutions innovantes en prévention (celles de la société Ellcie Healthy et WeWard notamment), définition des biomarqueurs du vieillissement fonctionnel, création d’un programme de télésuivi en oncogériatrie. Une deuxième version de ce projet, “Bien vieillir ensemble” intègre une composante forte sur le numérique. Il a permis au CHU de Nice et à l’Université Côte d’Azur d’être lauréats de l’appel à projets “ Autonomie : vieillissement et situations de handicap” lancé dans le cadre du Plan France 2030. Ils ont ainsi reçu un financement de 3,5 M€ pour leur projet Pré.S.Age (Prévention du Sujet Âgé), qui propose aux seniors des parcours de prévention sur mesure. Grâce à une plateforme numérique, Alakin de Tech2heal, 5000 participants bénéficieront d’un suivi sur une année, avec des sessions en ligne, en visioconférence ou en présentiel, pour les encourager à devenir acteurs de leur propre santé. L’IHU HealthAge L’Institut hospitalo-universitaire HealthAge se présente comme “un institut de recherche translationnelle en géroscience pour favoriser un vieillissement en bonne santé.” La géroscience est un concept relativement récent fondé sur l’idée que les mécanismes biologiques du vieillissement peuvent être modulés. Construit sous la forme d’un consortium regroupant l’Inserm, le CHU de Toulouse et l’Université de Toulouse, HealthAge a notamment pour objectif de regrouper sur une seule plateforme des données cliniques, biologiques et d’imagerie, permettant de faire à la fois de la prévention, de la recherche et de la prise en charge”, explique Line Farah. Silver Valley, acteur majeur de la silver économie Créé en 2025, le cluster Silver Valley est aujourd’hui le plus gros cluster dédié à la transition démographique. Il rassemble 230 membres, parmi lesquels une centaine de start-up et des grands groupes industriels comme Samsung ou Air Liquide Healthcare. “Les pure players en santé représentent une trentaines de membres et nous avons des acteurs importants, comme les assureurs, qui adressent des marchés plus larges que la seule santé”, explique à mind Health Romain Ganneau, directeur général de Silver Valley. Selon lui, “il y a un savoir-faire français dans la silver économie car nous avons, notamment grâce à Bpifrance un vrai écosystème d’émergence de l’innovation. L’une des principales difficultés du secteur est liée à l’émiettement des financements, situés à la frontière entre le sanitaire et le social”, analyse-t-il. Silver Valley se présente comme un “hub d’innovation” qui met en relation des porteurs de solutions/projets, quelle que soit leur maturité, et leurs potentiels clients,ainsi que des financeurs (le cluster dispose d’un club d’investisseurs). “Pour que l’innovation pour les séniors ne se fasse pas sans les personnes concernées, nous avons créé en 2018 une communauté de retraités qui challengent les projets d’innovation et qui orientent les axes de notre action”, ajoute Romain Ganneau. Silver Valley est également à l’origine d’une instructive cartographie (publiée en février 2025) des solutions innovantes mobilisant l’IA pour accompagner la transition démographique. (cf. ci-dessous) Romain Bonfillon Appel à projetsDispositif médicalPréventionSilver economie Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind