Accueil > Parcours de soins > Gestion de la data > RH : les industriels de la pharma misent sur des équipes multidisciplinaires RH : les industriels de la pharma misent sur des équipes multidisciplinaires Intelligence artificielle, big data, IoT… les projets autour des nouvelles technologies du numérique se multiplient dans l’industrie de la santé. Pour mener leur transformation, les entreprises pharmaceutiques mettent en place des équipes dédiées alliant spécialistes du secteur et nouveaux profils tech. mind Health confronte les expériences d’AstraZeneca, Guerbet et Janssen. Par Aurélie Dureuil. Publié le 25 novembre 2019 à 16h45 - Mis à jour le 02 juin 2021 à 11h02 Ressources Département innovation et business excellence, centre d’excellence digital et data, équipe digitale… les industries pharmaceutiques musclent leurs équipes dédiées à la transformation numérique. Publiée en juin 2019, l’étude Prospective Industrie du futur – enjeux et perspectives pour la filière industries et technologies de santé du Pipame (pôle interministériel de prospectives et d’anticipation des mutations économiques) recense plus de 340 000 emplois directs et indirects (hors hôpitaux) dont près de 100 000 dans l’industrie pharmaceutique selon les chiffres 2017 du Leem. Ses auteurs notent qu’“aujourd’hui, la maîtrise des innovations digitales semble ainsi se positionner du côté des partenaires et incite à la montée en compétences des ressources internes de manière à pouvoir construire un dialogue constructif entre acteurs (…) Toutes les initiatives de mise en œuvre d’une transformation numérique ont fait appel à des profils intégrant une composante numérique et anticipent des besoins en ce sens”. Les industriels du médicament se dotent ainsi de chief data officers et d’équipes dédiées. Ces CDO sont issus tant du secteur pharmaceutique que d’autres industries. À l’exemple de François Nicolas qui a intégré Guerbet fin 2017 après un parcours dans l’industrie de la tech (GE Healthcare) et de la santé (Impeto, Sanofi). Le CDO monde de Novartis Bertrand Bodson, qui a pris ses fonctions en janvier 2018, arrive du monde du “digital retail” après avoir passé cinq ans chez Sainsbury’s Argos. Chez AstraZeneca, la directrice du département innovation et business excellence, Nabila Gadiri-Bernard, est, elle, issue du sérail. Tout comme Céline Chevrier, directrice du centre d’excellence digital et data (CEDD) de Janssen France ou encore Thibault de Chalus, responsable innovation d’Amgen France. Des équipes avec des profils variés Et à l’exemple de ces profils, ne venant pas tous de l’industrie pharma, ils créent des équipes mixtes alliant spécialistes du secteur et spécialistes des technologies du numérique. Pour son département innovation et business excellence “repensé et réorganisé en novembre 2018” et qui compte une trentaine de personnes, Nabila Gadiri-Bernard d’AstraZeneca France évoque “des profils assez variés : un tiers de pur pharma, un tiers de profils différents comme la finance, l’audit, le conseil et qui avait déjà un pied dans la pharma et un tiers qui vient d’autres secteurs et d’entreprises comme Renault, Orange, Swisslife”. Chez Janssen France, Céline Chevrier souligne que l’équipe est née de la fusion de deux équipes : salesforce effectiveness et digital. Aujourd’hui, constitué de 16 collaborateurs, le centre d’excellence se compose “d’environ 50 % de personnes ayant suivi une évolution interne et 50 % de personnes qui ont été recrutées en externe car nous n’avions pas les compétences chez Janssen”, note sa directrice. Elle cite notamment le recrutement de “deux data scientists ne venant pas de la pharma car le secteur est peu mature et d’une personne également start-upeuse pour travailler sur l’open innovation ”. Au sein Guerbet, l’équipe d’une dizaine de personnes, constituée autour de Français Nicolas en 2019, compte “des datascientists qui pouvaient venir d’autres secteurs mais aussi de chercheurs qui travaillaient déjà sur des programmes de recherche dans la santé”, témoigne Jean-Rémy Touzé, directeur des ressources humaines du groupe. Chez Ipsen, David Elvira a été nommé responsable digital R&D en janvier 2019 après un PhD au laboratoire de photonique et de nanostructure et un parcours chez la société spécialisée dans les objets connectés, Netatmo. De son côté, Roche Pharma France a recruté, entre autres, en mai 2019 Tania Aydenian au poste de Hub innovation senior lead, après une carrière au sein d’Orange. Changer le mode de recrutement Pour constituer ces équipes, les dirigeants ont donc misé à la fois sur du recrutement et de la formation interne. Comme en témoigne Nabila Gadiri-Bernard : ”pour les profils digitaux, avec une expérience dans la data et l’open innovation, nous avons recruté à 80 % à l’extérieur de la pharmacie et d’AstraZeneca”. Pour se faire, le laboratoire anglo-suédois s’est fait accompagner par “des cabinets de chasse spécialisés sur le numérique, qui nous ont aidé à préparer les entretiens, sélectionner les profils”, ajoute-t-elle. Océane Lamoureux, responsable RH d’AstraZeneca renchérit : “nous avions besoin d’expertise différentes. Nous avions l’impression d’être sur des entretiens un peu inversés. Nous devions convaincre le candidat du projet de l’entreprise, de sa capacité à l’accompagner, le former…”. Le laboratoire s’est aussi appuyé sur la cooptation une fois les premiers profils hors pharma intégrés. Pour les attirer, Guerbet a communiqué sur la raison d’être de cette nouvelle orientation stratégique. “François Nicolas et son équipe ont expliqué leurs projets, en particulier sur les cancers du foie et de la prostate en partenariat avec IBM Watson, dans des articles et vidéos qui ont été relayés sur les réseaux sociaux. Suite à cela, nous recevons aujourd’hui naturellement des CV et des propositions de chercheurs spécialisés dans l’IA”, indique Jean-Rémy Touze. Intégrer tous les profils Après la mise en place de ces équipes, plusieurs enjeux d’accompagnement sont identifiés : des différents profils sur les sujets du numérique et de l’industrie pharmaceutique, de l’équipe pour que tout le monde parle le même langage, dans la dynamique des projets et sur les perspectives d’évolution. “Nous avons accompagné les collaborateurs qui étaient déjà présents pour se renforcer sur les nouvelles compétences digitales et data mais aussi ces nouveaux profils sur les défis de demain”, explique Océane Lamoureux. Avec comme objectif ultime : “avoir des équipes performantes, ouvertes, curieuses et capables de travailler ensemble”, souligne Nabila Gadiri-Bernard. Chez Janssen, Céline Chevrier ajoute : “nous devons intégrer au mieux ces nouveaux profils afin qu’ils appréhendent notre écosystème, mais pour autant sans les formater pour ne pas perdre la valeur ajoutée de leurs expériences et de leur ouverture esprit”. Pour les profils purs pharma intégrant l’équipe, la plupart des laboratoires ont misé sur la formation. Céline Chevrier indique : “pour les personnes en mobilité interne, cela entrait dans leur plan de développement qui débute dès la prise de poste et se poursuit encore aujourd’hui. Nous avons le passeport Janssen qui permet d’identifier de manière individuelle les besoins de formations et de montée en compétences. Cela implique les formations standards pour tous dans l’entreprise, celles obligatoires pour la prise de poste et celles pour la montée en compétences”. Chez AstraZeneca, “des sessions avec des grandes écoles” ont été organisées et “nous avons également des programmes en interne pour renforcer ces nouvelles compétences, ce qui nous a permis de créer une “Digital academy” avec des entreprises comme Google”, indique Nabila Gadiri-Bernard. Pour les nouveaux profils, là encore des formations ont été menées, majoritairement en interne, parfois par les collaborateurs déjà dans l’entreprise. “Il s’agissait de leur apporter une compréhension à la fois de l’entreprise (son histoire, son mode de fonctionnement) et de la prise de poste et la montée en compétences. Via le passeport de formations, ils ont une vision des formations à effectuer dans les trois – six mois… Au niveau du CEDD, nous avons également mis en place un parcours d’intégration avec les équipes de Janssen France mais aussi européennes”, souligne Céline Chevrier. Elle a complété cet effort par un budget alloué pour favoriser les connexions externes, comme “s’abonner à des médias, participer à des tables rondes, salons, conférences… afin de pouvoir appréhender plus rapidement l’écosystème”. AstraZeneca s’est appuyé sur l’expertise interne, “pour expliquer ce qu’est une AMM, comment se développe un médicament, quelles sont les règles en pharmacie… Cela permet de comprendre l’univers de la pharma, plein d’acronymes et d’acquis, mais aussi d’identifier les équipes au sein de l’entreprise avec lesquelles ils allaient interagir pour accompagner cette transformation digitale”, indique Nabila Gadiri-Bernard. Chez Guerbet aussi, la formation est passée par les collaborateurs. “Les développeurs recrutés rencontrent les radiologues et spécialistes médicaux pour être au plus près de leurs besoins. Ils peuvent aussi s’appuyer sur les compétences d’autres profils dans l’entreprise et l’équipe IA afin d’être parfaitement intégrés au sein du groupe”, explique Jean-Rémy Touze. Le mentorat au coeur du dispositif Pour Janssen et AstraZeneca, l’intégration passe par du mentorat. “Le parrainage fait aussi partie de la culture Janssen. Chaque collaborateur peut, à un moment donné, être ou bénéficier d’un parrain ou marraine. Nous avons donc mis en place ce système. L’enjeu est de nous assurer que le duo fonctionne bien, nous aimons mixer les profils, par exemple un homme et une femme, et vérifions qu’il y ait une bonne compréhension entre les enjeux du poste et du collaborateur qui va le parrainer. Pour le CEDD, nous avons veillé à choisir des parrains/marraines avec une certaine ancienneté chez Janssen, qui soient bons pédagogues et au coeur des problématiques business”, détaille Céline Chevrier qui souligne ne pas avoir rencontré de refus de parrainage potentiel ou d’arrêt de parrainage. Chez AstraZeneca, “pour chaque nouveau collaborateur, nous concevons un parcours d’intégration au sein duquel nous identifions les personnes importantes pour lui expliquer leur métier et les enjeux de l’entreprise ainsi que de la pharma. Nous identifions également un mentor avec une certaine appétence sur son domaine, qui sait parler le même langage, à différente échelle de l’organisation. L’objectif est que le mentor arrive à traduire les besoins du nouveau collaborateur et le conseille. C’est un espace libre d’échanges”, témoigne Nabila Gadiri-Bernard. Le mentorat s’effectue sur la base du volontariat ainsi que d’un programme établi par le global et transmis aux collaborateurs concernés par les ressources humaines, précise Océane Lamoureux. Mettre en place un suivi personnalisé des compétences Une fois ces équipes créées, les entreprises travaillent sur leur capacité à retenir ces nouveaux profils très recherchés. “C’est un élément clé”, souligne Nabila Gadiri-Bernard. Le laboratoire organise des entretiens “très réguliers” avec les RH pour “comprendre si chaque nouveau recruté est bien dans le poste, s’il lui correspond bien et s’il est aligné à ses attentes…”, ajoute-t-elle. Une problématique à laquelle est confrontée également Céline Chevrier chez Janssen : “Les datascientists sont très demandés. Il faut donc réfléchir à comment travailler pour leur rétention dans l’entreprise. Cela passe par l’écosystème de travail, sur la structuration de l’organisation pour leur permettre d’évoluer au niveau français mais aussi européen. L’enjeu va au-delà de les intégrer, il faut anticiper les mutations à venir dans l’entreprise. Nous devons les accompagner au jour le jour avec une personnalisation des parcours individuels. Nous ne sommes plus sur du parcours standard”. Pour Jean-Rémy Touze de Guerbet cela passe aussi par le cadre de travail. “Dans l’équipe de développement, les profils ont moins de 30 ans. Ils attendent de l’autonomie, une liberté d’organisation, une bonne communication et une certaine flexibilité de l’organisation”. Aurélie Dureuil big dataIntelligence ArtificielleLaboratoiresRessources humainesStratégie Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Céline Chevrier (Janssen) : “Intégrer ces nouvelles méthodologies et améliorer nos interactions avec nos parties prenantes” Comment Janssen embarque ses salariés dans sa stratégie de transformation François Nicolas (Guerbet) : "Notre ambition est de prendre le lead en interne sur de nouveaux projets" Nabila Gadiri-Bernard (AstraZeneca) : "Nous avons lancé cette année des projets clés, transverses à toute l’équipe et à toute l’entreprise" Mouvement Emmanuel Capitaine intègre AstraZeneca