Les nouvelles voies du diagnostic : le défi de leur accès 

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La fréquence des cancers en France a doublé depuis trente ans. Si tous les cancers ne peuvent pas être dépistés, les recherches démontrent aujourd’hui qu’une prise en charge précoce, basée sur des méthodes innovantes de diagnostic, ainsi que des mesures de prévention et de dépistage, améliorent le score de guérison et de survie. Pourtant, l’accès à ces actes reste hétérogène sur le territoire, du fait des barrières réglementaires, financières et propres à l’organisation des soins. Lors de la deuxième édition du mind Health Day, une table ronde a posé les enjeux de l’accès à cette médecine de précision, de la place de l’IA ainsi que des biomarqueurs dans les nouvelles pratiques en oncologie.
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“La médecine de précision intervient très tôt dans les phases d’avant-cancer, dès le stade de la prévention et du dépistage, en parallèle des nouvelles techniques de diagnostic qui émergent” a évoqué Muriel Dahan, Directrice de la Recherche et du Développement de Unicancer, en préambule des échanges de la table-ronde, qui réunissait à ses côtés le Dr Suzette Delaloge, oncologue et directrice du programme Interception de Gustave Roussy, et Matthieu Leclerc-Chalvet, directeur général de Therapixel.

L’accès à un diagnostic précoce est perçu par la représentante d’Unicancer comme un enjeu d’efficience. “Pouvoir profiter des évolutions technologiques et des découvertes scientifiques, comme en attestent les communications récentes de l’ASCO et les études très positives qui ont été réalisées sur les biomarqueurs ou l’ADN circulant, est un enjeu extrêmement important. Cela permet de détecter plus précocement un cancer, d’éviter la rechute et de réorienter un traitement pour empêcher les erreurs et les errances thérapeutiques” précise Muriel Dahan.

Elle note cependant que les recherches actuelles atteignent un stade critique. “Nous sommes à la croisée des chemins”, affirme-t-elle, ajoutant que “nous avons un enjeu de rythme de connaissance et d’acceptation dans nos systèmes de santé pour que tous les patients aient accès, au moment le plus opportun pour eux, à ces tests et ces diagnostics précoces”.

Ouvrir l’accès à la médecine de précision 

Pour ouvrir la voie à cette médecine de précision, elle estime qu’il faut d’abord “prouver que les données soient bien pertinentes, pour justifier de s’orienter vers une médecine personnalisée qui donnera la meilleure thérapeutique d’emblée à chaque profil de patient”. Le recueil de données et leur intégration au cycle de découvertes scientifiques “est en train de se mettre en place” ajoute-t-elle, bien que ces adaptations supposent de “changer la façon dont nous pratiquons la recherche et le soin”.

Pour le Dr Suzette Delaloge, l’explosion des nouvelles technologies et de l’intelligence artificielle en oncologie soulève la question du modèle économique. “Beaucoup de biomarqueurs et d’outils d’IA font face aux mêmes problématiques, à savoir le modèle de financement”. Citant le référentiel des actes innovants hors nomenclature (RIHN), à l’œuvre depuis 2015 en France, elle estime que ce modèle n’est plus viable : “Le modèle tel qu’on le connaît en France va être mis à mal dans les années qui viennent. Il y a des réformes fondamentales à faire pour permettre d’anticiper la manière dont sont intégrés les biomarqueurs et l’IA en fonction du niveau de preuve fourni. Il faut trouver un équilibre entre notre modèle de remboursement et celui des assurances privées, dans certains cas”, dit-elle, prenant exemple sur le modèle des assurances américaines, qui ouvre un marché inégalitaire pour l’accès aux tests MCED (les tests sanguins de détection précoce multi-cancers).

Sur le chapitre du RIHN 2.0 qui se prépare, Muriel Dahan se félicite de la dynamique lancée avec le Conseil stratégique des industries de santé (CSIS), à laquelle prend part Unicancer. “Il faut que tout le monde réfléchisse à la meilleure façon de faire pour que cette capacité de donner accès de façon anticipée et égalitaire sur le territoire reste efficace et permette d’intégrer les innovations qui arrivent de façon massive. Nous travaillons avec la DGOS et l’AIS sur un nouveau modèle” dit-elle.

Intercepter le cancer avec des scores de risque “evidence-based »

Face à ces problématiques d’accès à la détection précoce et au diagnostic, l’enjeu de la prévention prend toute sa dimension. “C’est un enjeu titanesque”, affirme Suzette Delaloge. Avec le programme Interception qu’elle pilote depuis 2021 à l’Institut Gustave Roussy, l’objectif, résume-t-elle, est de “créer une nouvelle manière de faire de la prévention plus efficacement”. Comment parvenir alors à entraîner l’oncologie dans le champ de l’avant-oncologie ? Pour Suzette Delaloge, il s’agit “d’intercepter le cancer qu’une personne risque de développer dans les cinq ans qui viennent”. Suzette Delaloge a par ailleurs ajouté qu’Interception, qui vient d’être accepté comme expérimentation du dispositif Article 51, explorera des parcours inédits et de nouvelles voies de financement.

Cette détermination du risque dépend de critères orientés “evidence-based”, soutient Suzette Delaloge. “Pour l’instant, nous utilisons des scores et des algorithmes qui sont déjà validés dans les scores de risque de développement du cancer du sein, du cancer du poumon ou encore du cancer colorectal. “C’est encore un peu frustrant”, témoigne-t-elle, compte tenu des “points d’achoppement” qui perdurent avec le RIHN, qui freine l’innovation en biologie. Les scores de polymorphisme font aussi partie des critères visés par le programme, même si pour l’heure, “leur niveau de preuve n’est pas encore assez élevé” et “ils ne disposent pas de modèle de prise en charge en France”.

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Il en va de même pour l’analyse d’image, un fort enjeu pour le dépistage, dont le niveau de preuve devrait encore se solidifier à l’avenir, comme en atteste le directeur de Therapixel, un éditeur français qui développe des algorithmes d’IA en imagerie médicale pour les mammographies. L’intégration de l’IA dans le dépistage a pour but de “trouver l’aiguille dans la botte de foin”, décrit Matthieu Leclerc-Chalvet.

Les nouvelles frontières de l’IA dans l’imagerie médicale

Therapixel s’attaque à la question de l’efficience en imagerie pour aider les radiologues dans leurs tâches. “Le remboursement n’est pas la panacée” affirme Matthieu Leclerc-Chalvet. Ce dernier ajoute : “si nous changeons un peu le modèle et la façon de procéder aux examens radiologiques, alors il sera possible d’adopter plus pleinement l’innovation et faire en sorte qu’elle se paie toute seule. Pour gagner en efficience avec l’IA et faire bouger les lignes dans un système de santé qui est déjà complexe, il faut accepter son implémentation profonde et complète.”

Le développement de l’IA repose aussi sur la recherche de la preuve formelle. Comme en témoigne Matthieu Leclerc-Chalvet, “il est désormais établi qu’un radiologue qui lit une mammographie a une bien meilleure performance s’il utilise une IA que s’il lit tout seul. Cela a été démontré dans de multiples études et pays. Ensuite, il faut sauter le pas et se demander s’il est possible de s’inspirer de l’aéronautique pour, dans certaines conditions, laisser la machine piloter à la place du pilote. Ce n’est évidemment pas un saut simple à faire.”

Matthieu Leclerc-Chalvet note que si, “sur 1000 examens de mammographie, huit cancers seulement sont détectés, cela signifie que 90% du temps la lecture des examens ne révèle rien.” Le logiciel Mammoscreen de Therapixel a fait l’objet d’études cliniques aux États-Unis pour passer la barrière réglementaire. En France, Therapixel finalise une étude pour l’évaluation de l’IA en deuxième lecture des mammographies en région PACA et vient de démarrer, en parallèle, une étude prospective sur l’IA laissée en autonomie en première lecture, prévue pour durer jusqu’à l’année prochaine.

Un virage collectif à opérer

Pour intercepter le cancer le plus précocement possible, la mobilisation collective des acteurs a été soulignée par les intervenant(e)s. Les laboratoires pharmaceutiques, en particulier, sont encouragés à prendre part à la médecine de précision en construction, comme l’a suggéré Suzette Delaloge. “Nous avons besoin de compétences et d’innovations diverses, et en particulier du développement de médicaments – des radioligands aux thérapies ciblées, en passant par les anticorps, l’immunothérapie et les vaccins. Je pense que nous avons besoin que l’industrie pharmaceutique reconsidère ce champ qui est en train d’arriver et anticipe la construction de médicaments qui puissent répondre à ces besoins. Actuellement, la construction des médicaments est basée sur un cancer établi, sa complexité, la façon de gagner en espérance de vie chez des patients qui ont des cancers très avancés. Il va falloir penser différemment et construire des médicaments anticipatoires” a-t-elle souligné.

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