Oncologie : comment mieux personnaliser la prise en charge des patients

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Si le cancer demeure la première cause de mortalité en France, des diagnostics plus précoces et des avancées thérapeutiques ont permis de diminuer la mortalité. Désormais, les données de vie réelle sont de plus en plus utilisées pour améliorer la recherche et le soin. Lors de la deuxième édition du mind Health Day le 5 juin, une table ronde a exploré le rôle des patients dans l’évolution de la recherche ainsi que l’apport des outils numériques et de l’IA pour personnaliser la prise en charge. 
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Le taux de mortalité lié au cancer est en constante diminution depuis 25 ans grâce aux progrès réalisés sur les volets diagnostics et thérapeutiques. Dans son édition 2024 du Panorama des cancers en France, l’INCa révèle cependant qu’à cinq ans 63,5% des personnes souffrent encore de séquelles dues au cancer ou aux traitements. D’où l’importance d’améliorer le parcours de soins et la qualité de vie des patients. Jean-Philippe Bertocchio, néphrologue et CEO de la start-up SKEZI spécialiste des e-cohortes et de la collecte des données de santé, insiste lors du mind Health Day sur l’importance d’adopter une perspective à 360 degrés. “Les personnes atteintes de cancer souffrent également d’autres pathologies comme l’obésité, l’hypertension, l’insuffisance rénale, l’insuffisance cardiaque…qui peuvent impacter leur qualité de vie ainsi que l’adaptation des traitements. Prenons l’exemple d’un patient insuffisant rénal également atteint d’un cancer qui est traité par chimiothérapie. Si cette comorbidité n’est pas prise en compte, il risque de souffrir d’effets indésirables car la chimiothérapie est le plus souvent éliminée par le rein”, explique-t-il

S’adapter aux différents déterminants des patients

Cette prise en compte des spécificités d’un patient ne s’arrête cependant pas aux éléments biomédicaux. “Si on considère qu’un patient est égal à un autre patient en ne mesurant pas et en ne prenant pas en compte les déterminants psychologiques, sociaux ou environnementaux de l’état de santé, on passe à côté d’une partie de la prise en charge, souligne Jean-Philippe Bertocchio. Typiquement, un patient qui a un niveau de littératie inférieur à un autre ne va pas réagir de la même façon à une information donnée sur son état de santé. À cancer et marqueur biomoléculaire identiques, un patient vivant dans un milieu socio-économique défavorisé ne va pas avoir la même survie qu’un patient issu d’un milieu plus élevé. Nous essayons donc d’apporter de nouveaux types de données à prendre en compte.”

De gauche à droite : Charles Ferté, directeur médical et expérience patient de Resilience ; Guillemette Jacob, cofondatrice de l’association Les Seintinelles ; Jean-Philippe Bertocchio, CEO de SKEZI ; Jean-Emmanuel Bibault, cofondateur de la start-up Jaide.

Si les stratégies thérapeutiques sont aujourd’hui nombreuses, les questions de la gestion des effets indésirables et de la manière d’administrer le traitement sont clés pour l’observance. “Le sujet est aujourd’hui de faire de la médecine personnalisée en fonction des habitudes des patients (situation familiale, professionnelle, activité physique, alimentation, etc.). Nous menons désormais des études qui vont faire intervenir le patient dans la décision du traitement (études de préférence-patient), c’est le seul moyen d’améliorer la prise en charge”, considère Jean-Philippe Bertocchio.

L’apport des outils numériques pour recueillir les données des patients

Depuis 2013, l’association Seintinelles s’inscrit dans cette dynamique consistant à faire participer plus activement les patients à la recherche. “À l’ère de la médecine personnalisée et d’une meilleure prise en compte des données en vie réelle, les chercheurs ont besoin que de plus en plus de personnes s’engagent dans la recherche clinique et les citoyens ont tout intérêt à ce que la recherche avance plus vite. Historiquement, ce sont deux îles sur lesquelles on ne parle pas la même langue et on ne vit pas dans la même temporalité, nous permettons de créer un pont entre elles (…) Il y a un terrain pour réfléchir ensemble à la pertinence de la recherche et la pertinence des sujets de recherche”, affirme Guillemette Jacob, cofondatrice de l’association. Les Seintinelles a créé une communauté de 43 000 personnes et a généré plus de 115 000 participations à la recherche en s’appuyant notamment sur des questionnaires en ligne.

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Les outils numériques ouvrent en effet de nouvelles perspectives pour personnaliser le soins et orienter la recherche, comme le confirme Charles Ferté, directeur médical et expérience patient de l’entreprise de télésurveillance Resilience. “Ils ont cette capacité à reconnecter les patients en continu avec le système de soins. Le patient est le premier acteur de sa santé. Plusieurs études randomisées contrôlées ont montré que la télésurveillance permet une diminution des effets secondaires des traitements grâce à leur identification précoce et à la détection des signes de la maladie, décrit-il. Ainsi, nous pouvons réduire le nombre d’hospitalisations non programmées et le recours aux urgences, cela bénéficie aux patients, aux soignants et au système de soins. Les données recueillies sous forme de questionnaires validés cliniquement peuvent être ensuite utilisées pour la recherche et transmises aux patients.” 

La promesse de l’intelligence artificielle

L’utilisation de l’intelligence artificielle est un levier indispensable pour tendre vers la médecine de précision selon Jean-Emmanuel Bibault, professeur en oncologie radiothérapie et cofondateur de la start-up Jaide, proposant une solution d’IA ambiante. “La promesse de la médecine de précision est, par exemple, d’avoir des biomarqueurs ou des modèles d’IA capables de faire des prédictions permettant d’adapter le soin. Elle n’est pas réalisable en France, à de très rares exceptions, car les logiciels et les infrastructures SI des établissements de santé ne sont pas capables de bien collecter la donnée et de l’utiliser pour faire une prédiction à partir d’un modèle, détaille-t-il. Pour utiliser des modèles prédictifs validés, vous devez entrer les données à la main. Avec l’IA ambiante, le médecin ne saisit rien, c’est l’IA qui écoute, transcrit la donnée et la structure.” La start-up travaille à l’élaboration de modèles prédictifs permettant de concrétiser cette oncologie de précision. 

Charles Ferté est également convaincu que la collecte de données passives via la voix ou le phénotypage digital facial va rapidement prendre le pas sur les questionnaires patients. L’entreprise mise également sur des modèles prédictifs pour améliorer la prise en charge. Ces modèles permettent d’informer le patient et les soignants du risque de survenue de toxicité grave. Pour Guillemette Jacob, l’intelligence artificielle a également “un grand rôle à jouer dans le champ de l’information au patient”. “Aujourd’hui, une IA conversationnelle, comme ChatGPT, permet de remplir l’écart existant entre l’information disponible et l’accès à cette information par les patients. Or un patient, qui comprend mieux ce qui lui arrive, sera probablement plus observant et aura donc plus de chance de guérir. Reste à savoir, si nous voulons que ce soit ChatGPT qui réponde à nos concitoyens demain”, appuie-t-elle. Pour Jean-Emmanuel Bibault, la France pourrait s’inspirer de l’exemple du NHS, le service de santé du Royaume-Uni, qui vient de développer “ un modèle à partir de 57 millions de dossiers de patients britanniques.” “Ils vont s’en servir pour faire de la prédiction. Mais on pourrait tout à fait imaginer qu’ils l’utilisent pour faire un chatbot d’information médicale afin de limiter le recours des patients à ChatGPT. En France, nous pourrions également créer ce service public d’information médicale, nous avons l’énergie, les données de santé et les serveurs pour le réaliser”, juge-t-il.

Le défi de l’interopérabilité

Reste que de nombreux défis demeurent. “Selon moi, l’enjeu majeur est de ne pas reproduire les mêmes erreurs qu’auparavant en se disant que la technique va régler tous les problèmes. Un patient peut être confronté à une multitude d’outils et cela peut constituer une charge supplémentaire. Je pense que les outils technologiques doivent être évalués en fonction de l’expérience utilisateur et du besoin des patients”, signale Jean-Phillipe Bertocchio. Il ajoute également : “il y a un espèce de mur entre les solutions innovantes et le besoin de se connecter à un système informatique hospitalier. Nous sommes face à des services informatiques hospitaliers qui, en fait, n’ont pas cette capacité de faire l’interopérabilité. »

Jean-Emmanuel Bibault dénonce lui aussi la vetusté des logiciels hospitaliers semblables “au Minitel” ainsi que la mainmise de certains éditeurs sur les données de santé. “Nous sommes dans une impasse technologique et culturelle. Certains acteurs sont assis sur les données de santé et légalement ne peuvent pas en faire grand-chose légalement mais ne s’ouvrent pas non plus à ceux qui voudraient les utiliser. Aux États-Unis, Epic est le logiciel le plus utilisé, certes il est décrié, mais il a le mérite de posséder des API que des acteurs, comme la start-up Nabla, peuvent utiliser. Le risque est qu’à terme des inégalités de santé émergent avec des pays possédant une IA très forte permettant de faire de la médecine de précision et des pays en retard comme la France. Il existe un vrai enjeu de santé publique sur le fait de libéraliser ou au moins de forcer les éditeurs à s’ouvrir à d’autres acteurs plus petits et innovants”, alerte-t-il.

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