Accueil > Financement et politiques publiques > DiGA, le laboratoire allemand des DTx DiGA, le laboratoire allemand des DTx En 2019, le législateur allemand a instauré un système de remboursement des applications de santé numérique (DiGA) par les caisses d’assurance maladie publiques. Une initiative qui a permis à l’Allemagne de devenir un terrain d’expérimentation des thérapies numériques (DTx). Par Coralie Baumard. Publié le 03 juillet 2023 à 21h50 - Mis à jour le 03 juillet 2023 à 14h55 Ressources Le DiGA a fait des émules de l’autre côté du Rhin, la prise en charge anticipée numérique (PECAN), dont les modalités ont été précisées par le décret du 31 mars 2023, est clairement inspirée du système de remboursement allemand. L’Allemagne a été le pays précurseur en matière de remboursement des thérapies numériques (DTx). “Dès ses débuts, le programme a suscité beaucoup d’intérêt dans le monde entier. Des entreprises sud-coréennes, israéliennes, américaines sont venues nous voir. Il n’y avait aucun autre pays qui permettait cela. C’était un test décisif pour l’industrie”, indique Axel Meiling, associé de Digital Oxygen, un cabinet de conseil spécialiste du marché allemand de la santé. Le DiGA est instauré par la loi Digital Care du 9 décembre 2019 qui décrit les procédures et les exigences relatives à l’évaluation et au remboursement des applications de santé numérique. Moins d’un an plus tard, le 25 septembre 2020, la première application est inscrite au répertoire de l’Institut fédéral des médicaments et des dispositifs médicaux (BfArM). Les premières négociations sur la rémunération des DiGA débutent en juin 2021, l’accord-cadre sur les montants des rémunérations est finalement acté en décembre 2021. Le financement du DiGA est assuré par l’assurance maladie obligatoire, qui couvre 88 % de la population allemande. Les patients se voient prescrire l’application par leur médecin ou peuvent la faire activer directement par leur caisse d’assurance maladie. Une définition précise Pour pouvoir être considérée comme DiGA et accéder au remboursement, une solution doit remplir un certain nombre de critères : disposer du marquage CE dispositif médical (classe I ou IIa) être basée sur les technologies numériques ; contribuer à la reconnaissance, à la surveillance, au traitement ou à l’atténuation de maladies, de blessures ou de handicaps ; être utilisée uniquement par le patient ou par le patient et le professionnel de santé (et non par le seul professionnel de santé) ; atteindre son objectif médical principalement grâce à sa fonction numérique. Ces prérequis ne sont qu’une première étape. Le DiGA comporte ensuite deux phases d’inscription : une inscription provisoire d’une durée de douze mois, puis une inscription permanente. Une expérimentation de douze mois Pour y parvenir, les entreprises doivent déposer un dossier auprès de l’Institut fédéral des médicaments et des dispositifs médicaux. La documentation doit apporter des preuves en matière de sécurité, de protection et d’hébergement des données, d’interopérabilité. Axel Meiling, associé de Digital Oxygen, un cabinet de conseil spécialiste du marché allemand de la santé. “L’entreprise doit également prouver que ses allégations médicales sont valables, en s’appuyant sur des études réalisées dans d’autres pays ou sur de petites études pilotes. Ces éléments doivent lui permettre d’argumenter sur le bénéfice que son application apportera au système de santé. Le BfArM dispose d’un délai de trois mois pour examiner la validité de ses revendications, s’il les considèrent comme valides, la solution est inscrite sur la liste provisoire. Pendant cette période, la DTx peut être prescrite et générer des revenus, ce qui n’est pas négligeable pour une start-up. Ce délai lui permet également de finaliser ses preuves médicales en menant, par exemple, un essai clinique randomisé contrôlé plus important. C’est le choix fait par le ministère de la Santé pour que la barre ne soit pas trop haute pour les DTx et qu’elles puissent véritablement accéder au marché ”, explique Axel Meiling. Une fois, les douze mois écoulés, le BfArM examine à nouveau le dossier. Si les preuves sont suffisantes, la solution peut être intégrée à la liste permanent des DiGA remboursées, dans le cadre contraire, elle sera radiée. Si les effets positifs ne sont pas assez documentés mais que les tests effectués doivent montrer des résultats probants dans le futur, le BfArM peut décider de prolonger de douze mois l’inscription sur la liste provisoire. Durant les douze premiers mois, le tarif du remboursement est fixé par l’entreprise. Si elle intègre la liste permanente, elle devra le négocier avec la Caisse publique d’assurance maladie (GKV-Spitzenverband). Cette phase de négociation dure entre cinq et huit mois. 47 DiGA inscrites de manière permanente Selon les chiffres du BfArM, au 28 juin 2023, 176 demandes (137 demandes d’admission provisoire pour examen et 39 demandes d’admission permanente) ont été déposées pour intégrer le répertoire DiGA. Désormais, 47 applications sont inscrites : 18 de manière permanente et 29 de manière provisoire, 6 ont été révoquées (principalement en raison d’une preuve insuffisante de la valeur clinique). Sur les 47 applications, seules 3 sont proposées par entreprises étrangères : Édupression (Autriche), Re.flex (Roumanie), Vitadio (République Tchèque). Elles bénéficient toutes d’un remboursement temporaire. Le BfArM précise que 13 demandes sont en cours d’étude et qu’il a émis un avis négatif pour 15 candidatures qui n’ont pu accéder à l’admission provisoire, 95 candidatures ont, elles, été retirées par leur demandeur. “Les entreprises admises sont principalement des start-up et des petites entreprises. Il n’y a pas de grandes entreprises de technologie médicale ou de grandes entreprises pharmaceutiques, cela est dû en partie au processus de candidature. Durant les trois mois où le BfArM étudie le dossier, il faut être particulièrement agile. Par exemple, si l’agence estime que la méthode d’authentification choisie ne convient pas, il faudra être capable de la modifier dans cet intervalle, ce qui est possible pour une entreprise de 10 ou 50 personnes ne l’est pas pour un grand groupe. C’est la raison pour laquelle les grandes entreprises retirent leur candidature, la modifient et se représentent” souligne Axel Meiling. Des usines à DiGA Autre raison de l’absence des grands groupes pharmaceutiques, des revenus et un retour sur investissement trop faibles. “Les revenus qu’apportent les thérapies numériques ne sont qu’une fraction infime de ce qu’elles peuvent gagner avec leurs médicaments. C’est pourquoi elles considèrent davantage les applications numériques comme un investissement marketing ainsi qu’un élément d’une approche holistique d’aide aux patients. De leur côté, les start-up n’ont pas la force de vente nécessaire pour démarcher les professionnels de santé qui sont assez conservateurs en Allemagne. Le coût d’acquisition des clients ou le coût d’ordonnance sont les points faibles de leur analyse de rentabilité, elles s’associent donc à des sociétés d’appareils médicaux ou à des sociétés pharmaceutiques existantes pour accéder aux professionnels de santé” analyse Axel Meiling. Certaines start-up ont fait de la création d’applications numériques leur spécialité, quitte à devenir des “usines à DiGA”. Ainsi GAIA (7 DiGA), HelloBetter (6 DiGA) et Selfapy (5 DiGA) concentrent à elles seules 40% des applications remboursées. Si les DiGA inscrites s’adressent à différentes aires thérapeutiques, la santé mentale domine largement, près de la moitié d’entre elles ciblent les troubles psychologiques et psychiatriques. Graphique issu du Digital Therapeutics Policy Report réalisé par la Digital Therapeutics Alliance, juin 2023. Une adoption encore limitée par les patients Les prescriptions de DiGA ont triplé entre 2021 (50,1k) et 2022 (152,9k) et 81% des patients ont échangé des codes de prescription pour activer les DiGA. Cette évolution est loin de satisfaire Stefanie Stoff-Ahnis, membre du conseil d’administration de la Caisse publique d’assurance maladie (GKV-Spitzenverband). Dans un communiqué de presse publié en janvier 2023, elle estime que “Même après plus de deux ans, les applications de santé en sont encore à leurs balbutiements.” La question de la performance et de l’adoption par les patients sont aujourd’hui des points noirs du système pour la Caisse publique d’assurance maladie. Stefanie Stoff-Ahnis juge, dans un communiqué de presse daté du 22 mai 2023, qu’”une mise à jour juridique est nécessaire”. Elle indique : “En tant que condition préalable à l’inclusion dans le catalogue de services GKV, l’utilisation par l’assuré doit également être prouvée sans aucun doute. Le DiGA offre la grande opportunité de mesurer dans quelle mesure le patient suit les instructions médicales. Par conséquent, les informations sur l’utilisation réelle du DiGA devraient être rendues transparentes par les fabricants et prises en compte dans la rémunération. Après tout, une prestation médicale n’est remboursée que si elle a effectivement été utilisée par l’assuré et non au moment de la prise de rendez-vous. Nous voulons payer pour des prestations thérapeutiques et pas pour des téléchargements” Des évolutions législatives en préparation Autre point qui préoccupe la Caisse publique d’assurance maladie, le rapport coût-efficacité des DiGA. Pour une application listée provisoirement, le tarif moyen de remboursement est de 500 € (généralement pour un trimestre), alors qu’il est compris entre 109 et 250 € pour une application permanente dont le tarif a été négocié avec la Caisse publique d’assurance maladie. La Caisse considère que la mise en place de plafond, le 1er octobre 2022, n’a pas permis de mettre un frein aux tarifs excessifs des applications listées temporairement. “Des projets de législation sont en cours, les payeurs aimeraient réduire le coût des DiGA et baser le paiement sur la performance mais reste à savoir comment mesurer la performance et inscrire cette donnée dans la législation est complexe. Les fabricants de DiGA et l’ensemble de l’industrie ne s’en réjouissent pas”, observe Axel Meiling. Mais d’autres évolutions envisagées sont elles plutôt en faveur des industriels, il est prévu un élargissement de la classification du DiGA pour inclure les dispositifs médicaux certifiés jusqu’à la classe IIb et les services de télémédecine avec les professionnels de santé. “Je pense que cela figurera dans la version finale de la loi car personne ne s’y oppose. L’administration a débuté le DiGA avec les classe I et IIa pour le tester et, aujourd’hui, le système est stable, il fonctionne. Il est possible de prouver que les applications sont sécurisées, c’est pourquoi ils l’étendent. Cette nouvelle législation doit voir le jour d’ici la fin de l’année”, précise Axel Meiling. Nul doute que les évolutions du DiGA devraient être suivies de près par l’industrie des DTX. Coralie Baumard Dispositif médicalEuropeFinancementsRèglementairestart-upThérapie digitale Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind