Accueil > Financement et politiques publiques > Données de santé : qui accède au SNDS et dans quels buts ? Données de santé : qui accède au SNDS et dans quels buts ? Depuis l’été 2017, plus d’une centaine de laboratoires pharmaceutiques, assureurs et start-up de la e-santé ont obtenu l’autorisation de l’Institut national des données de santé (INDS, devenu le Health data hub) d’extraire des informations du SNDS ou d’analyser des dossiers médicaux, notamment, pour faciliter les diagnostics, la prise en charge des patients, l’évaluation de l’efficacité d’un traitement et son coût... mind Health a analysé le fichier qui les réunit. Par Aymeric Marolleau avec Aurélie Dureuil. Publié le 13 décembre 2019 à 15h53 - Mis à jour le 31 janvier 2023 à 16h16 Ressources Depuis 2016, le Système national des données de santé (SNDS) centralise les principaux fichiers de santé français, comme les données médico-administratives de l’Assurance-Maladie et des hôpitaux, les statistiques sur les causes de décès, et depuis la Loi de modernisation du système de santé votée à l’été 2019 les informations cliniques elles-mêmes. Le SNDS joue la transparence en mettant à disposition, sur son site, la liste de toutes les demandes d’accès déposées depuis août 2017 auprès de l’Institut national des données de santé (INDS), – qui vient d’être officiellement remplacé par le Health Data Hub – par des acteurs aussi variés que les CHU, les laboratoires pharmaceutiques, les universités ou encore les centres de recherche contre le cancer. L’INDS est le guichet unique des demandes d’études de santé. Outre l’accès aux cinq bases gérées par le SNDS (voir encadré), elles peuvent porter, par exemple, sur la réutilisation de données issues de dossiers médicaux de patients ou de cohortes et registres tiers. Fin novembre, mind Health a étudié ce document pour mieux comprendre l’identité des demandeurs et des responsables de mise en oeuvre, les données auxquelles ils souhaitent accéder, les buts poursuivis ou encore le taux de réponses positives. Quelles données le SNDS contient-il ? Le Système national des données de santé est alimenté par cinq sources de données : – Les données de l’assurance maladie, c’est-à-dire la base Sniiram (pour Système national d’information inter-régimes de l’assurance maladie), géré par la Cnam. Cette base regroupe les informations issues des remboursements effectués par l’ensemble des régimes d’assurance maladie pour les soins du secteur médical. – Les données des hôpitaux, c’est-à-dire la base PMSI (pour Programme de médicalisation des systèmes d’information), gérée par l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (Atih). Cette base contient l’ensemble des données relatives aux hospitalisations en médecine, chirurgie et obstétrique, en soins de suite et réadaptation, en psychiatrie et les hospitalisations à domicile. – Les causes médicales de décès, c’est-à-dire la base CépiDC, élaborée par l’Inserm en collaboration avec l’Insee. Deux de ses objectifs sont d’étudier l’évolution de la mortalité en France et de faire des comparaisons internationales. – Les données médico-sociales du système d’information des Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) – L’Échantillon généraliste des bénéficiaires (EGB), un échantillon permanent représentatif nationalement des 660 000 personnes tirées au sort, protégées par les régimes d’assurance maladie obligatoires (régime général, régime agricole, régime social des indépendants et 10 sections locales mutualistes). Il contient des informations sur les caractéristiques sociodémographiques et médicales des bénéficiaires et les prestations perçues. Plus de précisions sur le site de l’INDS, devenu le Health data hub depuis le 1er décembre 2019. Ce dernier a vocation à héberger de nouvelles bases. Les informations qu’il contient témoignent de la place croissante des données dans la santé pour faciliter les diagnostics, la prise en charge des patients et l’évaluation de l’efficacité d’un traitement et son coût… Les centaines d’exemples concrets qu’il renferme montrent l’inventivité de la recherche publique et privée. Nous y consacrons un dossier en deux parties. Dans la première, nous nous intéressons plus spécifiquement aux objectifs poursuivis par les acteurs privés (laboratoires pharmaceutiques, assureurs santé, start-up de la e-santé) lorsqu’ils soumettent une demande à l’INDS. Quels objectifs pour les acteurs privés ? Avec sept autorisations de la Cnil, le laboratoire français Sanofi est l’acteur privé qui en a obtenu le plus grand nombre, via différentes filiales (Sanofi Aventis France, Sanofi-Genzyme, Sanofi Pasteur). En juillet 2018, le laboratoire Sanofi Pasteur a ainsi obtenu l’accès à l’Échantillon généraliste des bénéficiaires (EGB) pour évaluer la couverture vaccinale contre la grippe. Ce sont six autorisations pour Janssen entre mars 2018 et juillet 2019, via Janssen Cilag France et Janssen Research & Development. À l’été 2019, Janssen Cilag France et la Fondation Fondamental ont ainsi obtenu l’accès au Système national d’information inter-régime de l’Assurance Maladie (Sniiram) et au CépiDC, qui réunit les causes médicales de décès, pour étudier la prise en charge du fardeau économique de la dépression résistant aux traitements en France. MSD France, Ipsen Pharma, Roche, Amgen, le laboratoire britannique Shire (Takeda) et Gilead ont obtenu quatre autorisations chacun. En mars 2018, le laboratoire Bayer a obtenu l’accès à l’EGB pour une étude lui permettant de décrire, en France, le coût des patients avec maladie artérielle coronaire, maladie des artères périphériques et insuffisance cardiaque. En avril 2018, Roche et une société de recherche contractuelle mandatée pour mettre en oeuvre le traitement de données ont obtenu l’autorisation d’analyser des dossiers médicaux pour évaluer le taux de récidive de patients traités par un certain médicament (le trastuzumab, pour être précis) pour un cancer du rein. Cet accès au SNDS est perçu de manière positive par les industriels, comme en témoignait Emmanuelle Menke, responsable prix et accès au marché chez Novartis Pharma lors du 11e colloque Données de santé en vie réelle de l’Afcros en juin 2019 : “La mise en place de l’INDS a été une grande chance et une opportunité pour notre pays. Chez Novartis Parma, nous travaillons beaucoup sur les données de vraie vie avec nos collègues du médical et des opérations cliniques”. Elle insistait par ailleurs sur l’importance de “mettre (son) entreprise et (sa) filiale France en ordre de marche” et ainsi d’expliquer à la maison mère l’intérêt de l’accès à ces données. Elle citait notamment “un projet en cours à la demande des équipes monde”. Chez Abbott Diabetes Care également, Fleur Levrat, responsable accès au marché global, estime pouvoir s’appuyer sur cette source de données pour “convaincre le siège mondial de l’importance de mettre en place des études de vie réelle dans plusieurs pays dont la France”. Les assureurs ne sont pas en reste. En novembre 2018, la Fondation d’entreprise MGEN pour la santé publique (FESP-MGEN) a obtenu l’accès au SNDS pour une enquête baptisée Pascal, qui vise à étudier le choix des assurés en matière de complémentaire santé et de recours aux soins. En juin 2019, AG2R Prévoyance et IQVIA ont étudié la santé et la prévention au travail adaptées aux besoins et aux spécificités des branches professionnelles et des entreprises dont l’Institut de prévoyance AG2R Réunica prévoyance est le partenaire, dans le cadre de l’étude “Sanprévail AG2R”. La société Itelis, spécialisée dans les services de santé et co-détenue par Axa et Humanis, a voulu étudier dans la base PMSI l’accompagnement des assurés face à l’hospitalisation via Hospiway, un site de conseil et d’information à destination de ses bénéficiaires, lancé en 2016. Les start-up françaises profitent aussi de ces données. Sêmeia, qui utilise l’intelligence artificielle pour prédire les ruptures dans le parcours de soins des patients (arrêt de traitement, réhospitalisations, complications…), a obtenu cinq autorisations d’accès entre juin 2018 et octobre 2019. Notamment pour identifier les facteurs déterminants du parcours des transplantés rénaux, les déterminants des complications en chirurgie orthopédique, ou encore les déterminants de l’adhésion au traitement dans le cancer du sein. En février 2018, Therapixel, qui a levé 5 millions d’euros en mars 2019, a obtenu l’autorisation de s’appuyer sur des dossiers médicaux pour développer un algorithme d’intelligence artificielle pour l’interprétation de mammographies. Dans notre espace Research & data Retrouvez dans notre base de données la liste de toutes les demandes qui ont été déposées par les laboratoires pharmaceutiques et les start-up de la e-santé auprès du SNDS. Près d’un tiers des demandes d’accès concerne la recherche privée Sur 1 079 demandes présentées depuis un peu plus de deux ans, la majorité (66,8 %) émane de la recherche publique (CHU, universités, INSERM-CNRS…), assez nettement devant la recherche privée (industriels de santé, assureurs…) (voir graphique). En mars 2018, l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris a par exemple reçu l’autorisation d’accéder au SNDS pour étudier la morbidité et la mortalité associées au parcours de soin chez l’enfant et l’adolescent avec hyperthyroïdie. En janvier 2018 le CHU de Caen a analysé les inégalités sociales et territoriales de participation au dépistage organisé du cancer du sein en France. La même année, le CHU de Rennes a souhaité extraire des signaux à partir de données massives en santé pour surveiller le syndrome de la grippe. Au-delà de ces grands ensembles, le fichier du SNDS donne plus de précisions sur la nature des demandeurs. Il ressort ainsi que les CHU sont les premiers (39 % des 1 079 dossiers), devant les industriels de santé (laboratoires pharmaceutiques, à 14,2 %) et les universités et écoles (9,6 %). En 2018, la Paris School of Economics a par exemple reçu l’autorisation d’accéder au Sniiram pour étudier l’impact de la réforme des retraites sur la consommation de soins. En juillet 2019, HEC a également obtenu le droit de consulter le Sniiram pour étudier les effets des fusions et acquisitions sur la santé mentale des employés. La même année, l’Université du Mans a observé dans la base HYGIE l’effet du départ en retraite anticipé sur les dépenses de santé des seniors. Et l’Ecole d’économie de Paris a cherché dans la base CépiDC les effets de la pollution de l’air sur la mortalité en France. Des ministères obtiennent aussi parfois ce type d’autorisation. Ce fut par exemple le cas de celui de la santé, en décembre 2017, pour réaliser des simulations de réforme des restes à charge en ville et en établissements de santé. En mars 2019, il s’est appuyé sur le SNDS pour mesurer les coûts sur les services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) et les services polyvalents d’aide et de soins à domicile (SPASAD). Il a également souhaité comprendre les déterminants de la prescription des produits de santé et recherché les facteurs favorisant le recours aux produits les plus efficients, à partir de la base SniiramSNIIRAM. Côté médias, Le Point a par exemple obtenu l’accès au PMSI, qui réunit les données des hôpitaux, pour son traditionnel palmarès des hôpitaux et cliniques. Les demandes des industriels de santé reçoivent davantage de réponses positives que la moyenne Les demandes d’accès à ces données suivent un chemin complexe. Jusqu’à la création du Health data hub, les chercheurs qui souhaitaient s’appuyer sur elles pour mener des travaux d’intérêt public devaient en effet commencer par demander l’autorisation à l’Institut national des données de santé (INDS), guichet unique qui s’assurait que le traitement des demandes était conforme au cadre réglementaire et aux délais définis par la loi. Une procédure quasi-similaire se met en place avec le Health data hub. Les dossiers sont ensuite examinés du point de vue méthodologique par le Comité d’expertise pour les recherches, les études et les évaluations dans le domaine de la santé (le CEREES), qui fournit un avis à la Cnil sur la cohérence entre la finalité de l’étude proposée, la méthodologie présentée et le périmètre des données demandées. Enfin, la Cnil autorise ou non l’étude. Il existe également trois procédures simplifiées (plus de détails sur la procédure d’accès aux données sur le site du SNDS). Lorsque la Cnil ou le Ministère de la Santé ont un doute sur le caractère d’intérêt public de la demande, ils peuvent saisir l’INDS (qui a également un pouvoir d’auto-saisine). Son Comité d’Expertise sur l’Intérêt Public (CEIP) a ainsi étudié 19 dossiers depuis 2017, dont 14 ont abouti à une autorisation. Depuis août 2017, le CEREES a rendu 712 avis sur 1 079 demandes (66 %), et 72 dossiers étaient en cours de traitement fin novembre. 241 dossiers (22,3 %) ont été jugés “hors champs” par l’institution, 38 ont reçu un avis négatif (3,5 %) et 72 un avis réservé (6,7 %). À ce jour, la Cnil a donné son autorisation à 405 dossiers (37,5 % des demandes déposées auprès du SNDS). 12 ont finalement fait l’objet d’une procédure simplifiée (MR003 ou MR004), trois ont été abandonnés, 37 ont été désignés “sans suite”, et 112 demandes sont toujours en cours (10,4 %), dont certaines ont été présentées en avril 2018. Sur les 153 demandes adressées par un industriel de santé au SNDS, 136 ont reçu un avis du CEREES (88,9 %) et deux étaient en cours d’examen fin novembre. 15 dossiers (9,8 %) ont été jugés hors champs, trois ont reçu un avis négatif, et deux un avis réservé. Le taux de réussite des demandes de traitement de données présentées par les industriels de santé est bien supérieur à la moyenne, puisque sur les 153 dossiers soumis depuis août 2017, 100 ont reçu une réponse positive de la Cnil (65 %). Un dossier a finalement fait l’objet d’une procédure simplifiée (MR003), trois ont été désignés “sans suite” et 14 sont encore en cours d’examen par la commission nationale informatique et liberté (9 %), les deux plus anciens depuis avril 2019. A suivre… En janvier 2020, nous nous pencherons sur la manière dont les acteurs intéressés accèdent aux données de santé et celles qu’ils mobilisent. Aymeric Marolleau avec Aurélie Dureuil base de donnéesDonnées de santéHealth data hubLaboratoires Besoin d’informations complémentaires ? 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