Accueil > Financement et politiques publiques > La Cour des comptes épingle l’usage non-maîtrisé de la télésanté La Cour des comptes épingle l’usage non-maîtrisé de la télésanté Alors que le gouvernement souhaite élargir la télésurveillance et l’inscrire dans le droit commun dès 2022, la Cour des comptes dresse un bilan mitigé des pratiques en matière de télésanté depuis 2014 et le lancement du programme Étapes. Par Sandrine Cochard. Publié le 07 octobre 2021 à 14h54 - Mis à jour le 12 octobre 2021 à 16h34 Ressources Dans le chapitre consacré à la télésanté de son rapport annuel sur l’application des lois de financement de la Sécurité sociale, publié mardi 5 octobre 2021, la Cour des comptes dresse un bilan de la télésanté en France. Et le constat est sévère. Si la Cour loue “les atouts potentiels considérables” de la télésanté, elle estime qu’ils sont “encore insuffisamment exploités”. Un “échec quantitatif” du programme Étapes La Cour des comptes regrette ainsi “des dispositifs de télésanté nombreux et mal coordonnés” dans les régions, où un “même éditeur peut facturer à différentes régions des coûts de développement de services similaires”. Autre écueil : “une stratégie de développement lente, dont les objectifs n’ont pas été atteints”, souligne la Cour des comptes, fustigeant au passage “un échec quantitatif des expérimentations” du programme Étapes. “En dépit de leur élargissement aux établissements de santé et à l’ensemble des régions en 2017, moins de 1 000 actes de télémédecine ont été facturés à l’assurance maladie jusqu’en novembre 2017, qui témoignent de l’échec quantitatif de cette expérience”, pointe la Cour des comptes dans son rapport. Télésurveillance : le programme Étapes peine à démarrer dans l’insuffisance respiratoire malgré de nombreux participants Quant aux expérimentations de télésurveillance, commencées en 2018, elles peinent à convaincre. “Si près de 100 000 patients en avaient bénéficié à la date de décembre 2020, 80% d’entre eux environ étaient inscrits au titre d’une prothèse cardiaque implantable. Or, le suivi par télésurveillance existait déjà avant ces expérimentations, qui ont apporté aux médecins une rémunération pour un service qu’ils effectuaient jusqu’alors gratuitement. Le nombre de patients inclus pour les autres pathologies concernées est donc bien plus faible, de l’ordre de 20 000”, épingle la Cour des comptes. La covid-19 : un accélérateur aux “effets d’aubaine non maîtrisés” Si la télémédecine est restée jusqu’en 2019 une pratique très minoritaire, la crise de la Covid-19 est passée par là, accélérant considérablement les usages depuis. Là encore, la Cour des comptes tempère l’élan observé depuis l’année 2020. Data : L’évolution de la téléconsultation en France “Les téléconsultations qui se sont multipliées pendant la crise sanitaire sont essentiellement des actes de substitution aux consultations réalisées habituellement en présentiel, non ciblés sur les publics ou les zones pour lesquels l’accès aux soins doit être amélioré. Très utile durant cette période exceptionnelle, il conviendra néanmoins, au terme de la crise sanitaire, que ce type d’utilisation des téléconsultations cesse de bénéficier des conditions dérogatoires permises depuis le printemps 2020. Là où les patients ont un accès satisfaisant au système de santé, les ressources publiques n’ont pas vocation à financer le développement non maîtrisé d’actes de télésanté, qui se surajoutent au mode de recours traditionnel à la médecine de ville.” La Cour des comptes fait ici allusion à ce qu’elle nomme “des effets d’aubaine non maîtrisés”, à savoir la facturation, par certains médecins, de conseils médicaux par téléconsultation. Les recommandations de la Cour des comptes Résultat : la Cour des comptes “encourage un usage sélectif de la télésanté”, et fait une série de recommandations pour “mettre la télésanté au service d’un meilleur fonctionnement du système de soins” : – impliquer davantage les acteurs territoriaux en définissant leur rôle ; – accompagner et former les professionnels de santé. “Cette politique d’accompagnement doit être articulée avec les aides à l’équipement des professionnels et des structures. Ces dernières, octroyées par les ARS et par l’assurance maladie apparaissent insuffisamment adaptées : les financements accordés par les ARS ne font pas l’objet d’un suivi permettant de connaître leurs destinataires et les aides des caisses primaires d’assurance maladie financent indifféremment l’équipement des cabinets médicaux ou paramédicaux, quels que soient les publics ou les zones concernés.” – répondre aux enjeux d’interopérabilité ; – proposer des mécanismes de tarification adaptés. Pour la Cour des comptes, le financement de la télésanté “ne devrait pas relever exclusivement d’une tarification à l’acte, mais être aussi fondé sur les modèles issus de ces expérimentations.” Comme le financement à l’épisode de soins, partagé entre la ville et l’hôpital; l’intéressement, fondé sur des indicateurs de qualité et de dépenses, de regroupements de professionnels de santé libéraux, en sus de leur rémunération conventionnelle individuelle ; ou encore la rémunération d’une structure de soins de ville, comme une maison de santé, pour une patientèle donnée, en fonction notamment de la qualité de la prise en charge. – déployer la télésanté sur les populations et les zones pour lesquelles l’accès aux soins doit encore être amélioré. “Zones à faible densité médicale, patients détenus, résidents en établissements médico-sociaux et patients atteints de maladies chroniques, doivent ainsi être les principaux bénéficiaires de la télésanté”, conclut la Cour des comptes. Sandrine Cochard Parcours de soinsPolitique de santétéléconsultationTélémédecineTélésurveillance Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Les chiffres de la téléconsultation au troisième trimestre 2021 22 M€ prévus dès 2022 pour la rémunération des médecins pratiquant la télésurveillance Rentrée de la e-santé : quel avenir pour la télésanté ? analyses PLFSS 2022 : quelles pistes pour la généralisation de la télésurveillance médicale ?