Accueil > Financement et politiques publiques > Organisation métier > La filière des dispositifs médicaux dresse son panorama La filière des dispositifs médicaux dresse son panorama Le Syndicat national de l’industrie des technologies médicales (Snitem) a présenté le 5 janvier son panorama de la filière industrielle des dispositifs médicaux en France. Cette étude bisannuelle révèle le dynamisme du secteur en termes de croissance. Mais ce dernier accuse une baisse significative de son nombre d’entreprises. En cause, notamment, le cadre réglementaire particulièrement contraignant. Par Romain Bonfillon. Publié le 06 février 2024 à 18h02 - Mis à jour le 08 juillet 2024 à 16h53 Ressources Après la période Covid, comment vont les entreprises du dispositif médical ? C’est à cette question qu’a dû répondre Dominique Carlac’h, présidente de D&Consultants, lorsqu’elle s’est vue confier par le Snitem et pour la quatrième fois, une nouvelle étude bisannuelle sur cette filière industrielle (le dernier panorama avait été présenté le 11 février 2022). La structuration du secteur n’a pas fondamentalement changé, note Dominique Carlac’h, mettant en avant les principaux chiffres qui le caractérisent : • 32,5 Mrds de chiffre d’affaires, dont 10,6 Mrds à l’export. • 1 393 entreprises recensées (90 % ayant une activité exclusivement DM). • 93 % de PME. • Près de 84 000 emplois directs, près de 100 000 en incluant la sous-traitance. Une croissance à plusieurs vitesses Après une baisse significative pendant la période Covid (entre 2019 et 2021), le chiffre d’affaires réalisé sur le marché national continue de croître, de même que celui réalisé à l’export. “Le fait que la croissance du CA soit plus forte sur le marché national qu’à l’export est par contre une première”, note Dominique Carlac’h, précisant que phénomène est à la fois “dû au rattrapage post-Covid des ventes en France et à une forte croissance sur les diagnostics in vitro. Plus de la moitié des entreprises déclarent commercialiser des DM à usage individuel et consommable. Après une légère décroissance en 2019-2021, leur chiffre d’affaires a retrouvé une croissance de l’ordre de 0,5% sur la période actuelle. Les entreprises qui commercialisent des DM de diagnostic in vitro (DM-DIV) ont connu quant à elles une croissance entre 5 et 10 %”. “Le secteur du dispositif médical, ajoute Dominique Carlac’h, se caractérise par une multitude de produits dont le cycle de vie est court et l’innovation permanente. Le modèle de R&D du DM s’appuie principalement sur la mise en place de partenariats publics/privés sur le long terme. La part de chiffre d’affaires consacrée à la R&D est relativement stable depuis 2021, aux alentours de 7 %”. Un nombre d’entreprises en diminution Fait marquant : entre 2021 et 2023, le nombre d’entreprises du dispositif médical présentes sur le marché a diminué : 119 entreprises ont quitté le marché (73% en raison d’une cessation d’activité/liquidation, 24% en raison d’un rachat par un groupe du secteur) et seulement 36 l’ont investi (70% sont des start-up). In fine, le nombre d’acteurs de la filière a baissé de 5,6 % ces deux dernières années. La réglementation européenne une nouvelle fois mise en cause Le marquage CE médical est le préalable essentiel à toute commercialisation d’un dispositif. Applicable depuis 2021, la nouvelle réglementation européenne sur les dispositifs médicaux (MDR) a induit une augmentation significative des exigences attendues du fabricant en vue de l’obtention du marquage CE. Conséquence : de très importants retards tant dans la notification des organismes (43 organismes notifiés en Europe, dont 1 en France) que dans la certification des dispositifs médicaux. À noter qu’à force de protestation des acteurs de la filière, la période de transition pour les produits déjà existants a finalement été étendue (sous certaines conditions) à fin 2027 ou fin 2028 suivant la classe de DM concernée. Pour Thierry Herbreteau, président de Peters Surgical, la baisse du nombre d’entreprises du secteur “est un signal faible du panorama à prendre au sérieux. Ma conviction est que cela va continuer. Lorsqu’on voit que les 3/4 des entreprises n’ont pas obtenu le certificat MDR et que 90% sont des PME, on se dit que le MDR est une véritable bombe à retardement. Chez Peters Surgical, nous nous sommes renforcés en prévision du MDR dès 2017 et nous avons décidé des produits que nous allions ne plus commercialiser. Nous avons ainsi différencié les produits, entre ceux qui avaient un marché mondial et ceux pour lesquels le rapport entre l’investissement et le retour sur investissement n’était pas suffisant. À ce moment, nous avons perdu entre 15% et 20% de notre chiffre d’affaires par anticipation”. Pour Cyrille Fleury, CEO de Menix Group, un spécialiste des dispositifs orthopédiques et implants dentaires, le constat est le même : le MDR, ce sont des coûts multipliés par 3 en termes de recrutement, de clinique, au niveau des organismes notifiés…et sur des durées beaucoup plus longues. On parlait avant de certification réalisée en 6 à 12 mois, c’est dorénavant 18 à 24 mois”. MDR : un compte à rebours aux allures de couperet Le sujet n’inquiète pas que les seuls fabricants. Bernard Celli, vice-président en charge des produits et prestations au Comité économique des produits de santé (CEPS) dit “entendre le témoignage d’entreprises qui vont privilégier le marché américain plutôt que le marché européen. Cela signifie que les patients français et européens seront servis avec ces innovations plus tardivement. Or, notre premier objectif au CEPS est de faire en sorte que les patients disposent des dispositifs médicaux les plus modernes en quantité suffisante. Cela vient percuter l’objectif des pouvoirs publics, donc à ce titre, cela doit nous alerter et l’on doit trouver des solutions pour que la situation se lisse”. Deux autres freins : l’accès au marché et l’emploi Outil statistique, le panorama de la filière du DM est aussi l’occasion pour le Snitem de noter que “le récent rapport de la mission Borne, publié fin août 2023, salué par les industriels de la filière, est néanmoins rattrapé par la réalité économique de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024”. Différentes dispositions de la loi, et notamment la clause de sauvegarde, induisent selon le panorama “une baisse de la capacité des entreprises à investir en France et à développer de nouveaux marchés”. Aussi, pour rappel, les dispositifs médicaux innovants peuvent bénéficier de 3 modalités de prise en charge : le forfait innovation, mais entre 2021 et 2023, seuls 4 forfaits innovation ont été publiés au Journal Officiel ; le dispositif de prise en charge transitoire (mais sa mise en place est récente et reste ignorée par 58% des entreprises interrogées, relève l’étude) ; le dispositif PECAN, dont le décret de publication a été publié le 31 mars 2023 (et “qui reste encore largement méconnu par les acteurs interrogés”, relève Dominique Carlac’h). Accès au marché des DMN : long is the road… In fine, l’étude relève un manque de confiance des acteurs de la filière des DM à l’égard des pouvoirs publics, en raison notamment : du modèle du PLFSS, par nature annuel, qui engendre un manque de stabilité et de visibilité sur les politiques tarifaires des DM ; du temps moyen d’inscription sur la liste de produits et prestations (LPP) remboursables de 1 à 3 ans d’un manque de reconnaissance par la HAS de l’innovation incrémentale de DM existants. En revanche, les entreprises saluent une amélioration notable des échanges avec le CEPS. Il n’en demeure pas moins que 46 % (vs 40 % en 2021) des entreprises interrogées ont renoncé à la mise sur le marché d’un DM en France pour plusieurs raisons : Enfin, le panorama relève une nouvelle fois une tension sur les ressources humaines, selon la nature de l’entreprise. 85% des entreprises du panel peinent à recruter et pour 82% d’entre elles, la tension s’est accrue depuis le panorama 2021 notamment sur les profils techniques ouvriers, cadres réglementaires, cadres marketing/vente et cadres R&D. Les profils numériques/IT/appli médicales sont également très recherchés, le nombre de postes à pourvoir dépassant largement les candidatures. Perspectives 2024 Selon le panel des entreprises interrogées, 57% de la croissance anticipée se ferait sur les marchés internationaux (vs 65 % en 2021). L’Europe, l’Amérique du Nord et l’Asie restent les trois marchés privilégiés par les entreprises. Parallèlement, relève l’enquête, les entreprises favorisent des projets d’acquisitions en Europe (37 % vs 22 % en 2021) plutôt qu’en France (27 % vs 35 % en 2021) ou aux États-Unis (18 % vs 22 % en 2021). D’autre part, pour Bernard Celli, “l’un des grands enjeux de 2024 est la mise en œuvre de l’article 65 de la LFSS pour 2022. Cet outil va nous permettre d’accorder une revalorisation aux produits fabriqués en France et en Europe avec comme argument la lutte contre les pénuries de produits de santé et le présupposé qu’un dispositif fabriqué plus près du patient va avoir un moindre risque de tension ou de rupture d’approvisionnement. L’objectif est également d’encourager la réindustrialisation”, rappelle-t-il. Romain Bonfillon Dispositif médicalEtudeEuropeMarchéOrganisations professionnellesRèglementaire Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind