Accueil > Financement et politiques publiques > Pourquoi un modèle commun européen de la donnée de santé ? Pourquoi un modèle commun européen de la donnée de santé ? Dans le cadre de la Présidence française du Conseil de l’Union Européenne (PFUE), le Health Data Hub (HDH) a organisé le 6 avril 2022 un colloque intitulé “L’interopérabilité des données de santé pour la recherche : un défi européen”. Treize intervenants experts, dont Emmanuel Bacry, directeur scientifique du HDH, et Marc Loutrel, Directeur de l’expertise, innovation et international à l’Agence du numérique en santé (ANS) sont revenus sur l’importance de la standardisation et harmonisation menant à l’interopérabilité des données. Par Camille Boivigny. Publié le 29 avril 2022 à 9h29 - Mis à jour le 03 mai 2022 à 12h18 Ressources Emmanuel Bacry a d’emblée distingué deux notions différentes d’interopérabilité. Premièrement la standardisation, qui permet notamment que les pathologies soient codées selon un même processus rigoureux consistant à s’assurer que les objets du même type ont tous les mêmes caractéristiques de base et le même codage. Deuxièmement, l’interopérabilité : la capacité des programmes ou infrastructures à communiquer entre eux. “C’est au cœur de l’écosystème et touche tous les secteurs, dès lors que des données sont mises en jeu”, a introduit le directeur scientifique. L’interopérabilité peut se décliner en quatre niveaux : juridique : définit le cadre auquel les acteurs doivent se conformer, la gouvernance doit être homogène; sémantique : les mêmes codes doivent avoir les mêmes sens, cette interopérabilité correspond au vocabulaire et langage utilisé afin de garantir la compréhension par tous; syntaxique (soit la grammaire, le format des informations échangées) : l’organisation des données et leurs bases (format des tables) doivent être structurées de la même façon afin qu’un même programme puisse opérer sur des bases de données différentes; technique ou interopérabilité d’infrastructure, de système d’information d’un pays : cela comprend tous les éléments techniques permettant de véhiculer des informations entre systèmes (interface, sécurité du protocole de transfert, etc.). Emmanuel Bacry, directeur scientifique du Health Data Hub Différents cas d’usage “Le scandale du Lancet, dont un article datant de 2020 balayait l’hydroxychloroquine, est le cas d’usage le plus parlant. Les données de vie réelle d’une quarantaine de pays avaient été mobilisées alors qu’il est impensable aujourd’hui de les rendre interopérables tant les codages sont différents selon les institutions”, a illustré Emmanuel Bacry. Les maladies rares constituent un autre cas d’usage reflétant l’enjeu essentiel de l’interopérabilité : les patients étant peu nombreux, la recherche est forcément effectuée à l’échelle internationale. “La France dispose de deux atouts majeurs dans ce domaine : Orphanet, un catalogue de métadonnées et la BNDMR (Base nationale de données des maladies rares). Dans un futur très proche nous allons les lier au SNDS (Système National des Données de Santé), ce qui sera une étape majeure au niveau international”, a précisé le directeur scientifique. Les bases de données françaises sont nombreuses (entrepôt de l’AP-HP, cohortes Inserm etc.) mais très largement sous-exploitées, essentiellement par manque d’interopérabilité. Le HDH s’efforce de l’améliorer depuis 2016, notamment en achevant actuellement la mise au format OMOP (Observational medical outcomes partnership) du SNDS. Le défi consiste à établir des modèles de données communs (CDM) et des terminologies standards. Un modèle commun, enjeu majeur européen L’interopérabilité s’entend donc au niveau national, international mais aussi européen : le HDH mène un vaste consortium candidat européen visant à construire un prototype de réseau européen de données de santé. L’objectif est d’en démontrer la faisabilité et la pertinence pour booster les politiques européennes de réutilisation des données de santé à des fins de recherche et d’amélioration du système de santé. Les résultats attendus des travaux du consortium sont des lignes directrices de standardisation et de qualité de données, des solutions techniques de requêtage multicentrique et d’interopérabilité sémantique à l’échelle européenne. Le lauréat de cet appel à candidatures de la Commission européenne disposera de 5 millions d’euros pour y parvenir. L’intérêt de modèles de données et de bases de données communs est de disposer de schémas centrés sur le patient pour construire plus facilement son parcours. Un vocabulaire et des terminologies standards permettent de rendre les bases de données interopérables, de partager des bibliothèques de programmes et d’outils. Mais plusieurs obstacles subsistent, tant au niveau national qu’européen. “Les données sont dispersées dans plusieurs bases, d’autant que chaque détenteur de bases de données a ses propres règles. De plus, il existe peu de solutions de stockage et de traitement des données au niveau européen, sans compter l’absence d’approche globale de leur gouvernance et même de culture de leur partage”, a listé Emmanuel Bacry. C’est pourquoi il participe actuellement, au sein du HDH, à un projet de comparaison des trajectoires de santé nationales visant à évaluer l’interopérabilité des données de santé européennes dans cinq pays. Les multiples formats de données Le HDH, FinData, l’Autorité danoise des données de santé, la Direction générale nationale des hôpitaux (Italie), la Direction norvégienne de la cybersanté, livrent un aperçu de l’interopérabilité de leurs bases de données nationales afin de construire des modèles de prédiction basés sur les trajectoires de soins des patients pour les maladies cardiométaboliques, grâce à l’apprentissage automatique. Ils établissent ainsi ensemble les schémas pathologiques conduisant à un événement cardiométabolique majeur, caractérisent les besoins diagnostics et améliorent ainsi la prise en charge des patients et l’efficacité des systèmes de santé à long terme. Une transformation systémique Pour Marc Loutrel, l’intérêt de standardiser les formats de données, d’utiliser des terminologies de santé communes à l’échelle européenne, permettra de “tirer pleinement parti du web sémantique” [extension du Web standardisée par le World Wide Web Consortium qui encourage l’utilisation de formats de données et de protocoles d’échange normés sur le Web via un modèle fourni qui permet aux données d’être partagées et réutilisées entre plusieurs applications, entreprises et groupes d’utilisateurs, ndlr]. “Produire de la donnée de manière massive implique forcément de passer sur une transformation systémique. C’est ce que nous sommes en train de vivre en France avec le Ségur qui l’a largement financée. Différents cas d’usage sont envisagés, de la biologie à l’anatomie mais également sur le volet de synthèse médicale puisque nous allons nous conformer à l’International Patient Summary qui est le format pivot du volet choisi au niveau européen”, a-t-il détaillé. “Après avoir cumulé du retard, nous observons que tous les professionnels de santé sont concernés, de l’hôpital à la médecine de ville en passant par les pharmacies et les laboratoires de biologie. Tous vont continuer à produire massivement ces données dont nous avons besoin. Ces dernières seront parfois à moitié structurées voire encore non structurées mais ne boudons pas notre plaisir : c’est le point de départ !”, a-t-il conclu. Camille Boivigny base de donnéesCommission EuropéenneDonnées de santédonnées de vie réelleEuropeHealth data hubInteropérabilitéLogicielPatient Besoin d’informations complémentaires ? 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