Accueil > Financement et politiques publiques > Financement de l'innovation > DM connectés : Les cinq étapes pour se préparer aux changements réglementaires européens DM connectés : Les cinq étapes pour se préparer aux changements réglementaires européens En mai 2020 entrera en application le nouveau règlement européen sur les dispositifs médicaux. Ceux intégrant du numérique sont notamment concernés par un changement de classification. mind Health détaille les cinq étapes pour se préparer à cette évolution réglementaire. Par Aurélie Dureuil. Publié le 24 juin 2019 à 11h39 - Mis à jour le 24 juin 2019 à 11h39 Ressources Moins d’un an avant l’entrée en application du règlement européen 2017/745 sur les dispositifs médicaux, les fabricants de dispositifs médicaux doivent anticiper de nombreux changements. Avec en ligne de mire la date butoir du 26 mai 2020. “Face à cette date assez proche, à l’engorgement des organismes notifiés et au nombre d’actions à mettre en place, beaucoup d’entreprises ne seront pas prêtes. Certains marquages CE pourraient être suspendus”, s’inquiète Hugo Veysseyre, chargé d’affaires PME et innovation clinique de Lyonbiopôle. Du côté du Snitem (syndicat national de l’industrie des technologies médicales), Cécile Vaugelade, directrice affaires technico-réglementaire, constate également : “le niveau de préparation est très dépendant des cas des entreprises, des types et du nombre de dispositifs qu’elles ont dans leur portefeuille”. L’organisation professionnelle estime à 28 milliards d’euros le chiffre d’affaires des entreprises du secteur en France. Elle recense plus de 1 300 entreprises et 85 000 emplois industriels. Si le poids des entreprises dédiées à 100 % à la e-santé “est encore faible”, comme le confiait Stéphane Regnault, président du Snitem à mind Health fin 2018, ces sociétés sont concernées par les changements réglementaires auxquelles elles se préparent. Plusieurs étapes sont à mettre en oeuvre dans les prochains mois. 1 – Identifier le niveau de classification La première étape consiste à établir un état des lieux pour les dispositifs déjà sur le marché et pour ceux en développement. Et ainsi déterminer si le produit nécessite bien de répondre à la réglementation des dispositifs médicaux et dans l’affirmative à quelles classes de risque il appartient. En effet, l’avocat Pierre Desmarais observe “une tendance à la sur-interprétation” par les acteurs du secteur qui voit “le marquage CE comme un avantage compétitif”. Il estime ainsi que “la moitié des dossiers”, souvent issus de start-up, ne relèvent pas du marquage CE. “Pour qu’un logiciel soit dispositif médical, plusieurs étapes sont à mettre en place dans les analyses. Et notamment, il existe deux critères sur lesquels on échoue souvent : est-ce un programme informatique qui est défini par la prise de données en entrée et la fourniture d’une solution en sortie, et le programme a-t-il une action sur les données”, précise-t-il. Par ailleurs, le règlement européen définit deux grands types de dispositifs connectés : “les dispositifs comportant des systèmes électroniques programmables, notamment des logiciels, ou les logiciels qui sont des dispositifs à part entière”. Une fois, assuré de relever du marquage CE, les acteurs de la chaîne du dispositif médical connecté, doivent déterminer à quelle classification de risque ils répondent. Il existe quatre classe : I, IIa, IIb et III. Auxquels s’ajoutent les dispositifs médicaux implantables actifs (DMIA). Le nouveau règlement implique de nombreux changements de classe. “Des DM qui étaient des logiciels, il y en avait déjà. La plupart était de classe I. Avec le changement de réglementation, ils peuvent maintenant aller jusqu’à la classe III”, indique Cécile Vaugelade. Pierre Desmarais renchérit : “Ils passent quasiment tous au minimum en catégorie IIa”. C’est le cas notamment d’Ad Scientiam qui développe des solutions de suivi de maladies chroniques via des applications mobiles. “Un des premiers changements qui nous concerne est la classification. Les logiciels étaient en classe I car considérés à faible risque. Avec le règlement, les logiciels qui peuvent apporter une modification sur le traitement ou la prise en charge sont considérés au minimum en classe IIa. Nous sommes concernés. Nos produits passent en classe IIa et la conformité pour le marquage CE est totalement différente”, détaille Amélie Martinez, responsable qualité réglementaire de la start-up. Pour son dispositif DBLG1 de gestion du diabète de type 1, Diabeloop passe de la classe IIb à la classe III. “La nouvelle réglementation nécessite que tout dispositif qui inclut une boucle fermée d’ajustement soit classifié en classe III”, précise la société. 2 – Évaluer les nouveaux éléments à fournir Que le dispositif soit concerné par un changement de classe ou non, le règlement implique plusieurs changements quelque soit le type de dispositif médical. “Toutes les étapes sont renforcées ou précisées, de la qualification à la classification en passant par les exigences essentielles de démonstration de sécurité et de performances, d’évaluation clinique, de suivi après la commercialisation…”, précise Cécile Vaugelade du Snitem. Pour accompagner les acteurs de la chaine du dispositif médical, l’organisation propose Priam, un outil de diagnostic qui au travers d’un questionnaire relatif à l’entreprise et ses produits permet de signaler les exigences applicables du texte européen. Chez BioSerenity, un groupe de travail de cinq personnes a été créé en novembre 2017 pour “analyser les différences entre l’actuelle directive et ce règlement. Il s’est réuni toutes les semaines pendant un an afin de procéder à une lecture article par article des différences et des impacts sur nos produits puis de définir notre stratégie de convergence”, détaille Quang Tran, directeur des opérations de la société. La première étape concerne les évaluations cliniques et les dossiers techniques. “Parmi les nouvelles attentes, les études cliniques représentent un point crucial. Le délai d’accès au marché pour les entreprises s’en trouve fortement allongé et demande un investissement financier bien supérieur”, note Hugo Veysseyre. Pour le passage en classe III, Diabeloop anticipe : “pour la mise sur le marché d’un nouveau produit qui serait également de classe III, la nouvelle réglementation va avoir des impacts très importants sur la taille des essais cliniques nécessaires ainsi que sur le délai d’approbation”. Chez Ad Scientiam qui passe des classes I à IIa, Amélie Martinez témoigne : “avant, nous pouvions utiliser les données de la littérature de dispositifs médicaux similaires. Maintenant, nous devrons disposer obligatoirement des données cliniques, sauf si il existe un DM équivalent. Dans ce cas, il faut contacter le fabricant pour qu’il partage ses données. Et la documentation technique va être renforcée, notamment sur l’approche par les risques systématique. Un autre point concerne le renforcement de la vérification et de la validation des logiciels pour montrer la précision des résultats. Il va falloir une documentation solide”. Les dossiers techniques devront également intégrer de nouvelles exigences en matières de sécurité des données et d’interopérabilité. Autre nouveauté du règlement, la délivrance du certificat par les organismes notifiés au niveau européen. Un point indépendant des industriels mais qui pourrait engendrer des délais. 3 – Mettre en place l’identifiant unique En parallèle du renforcement des exigences pour les dossiers d’obtention du marquage CE, le règlement européen intègre la mise en place d’une traçabilité au dispositif. Pour cela un système d’identifiant unique de dispositif (IUD) va être déployé via la base européenne Eudamed. Le 6 juin 2019 est parue au Journal officiel de l’Union européenne la décision d’exécution 2019/939 désignant les quatre entités chargées de mettre en oeuvre le système d’attribution des IUD : GS1, HIBCC, ICCBBA et IFA GmbH. “Tous les fabricants devront avoir un IUD et remplir la base correspondante. Il faudra disposer des moyens informatiques pour faire le lien entre leurs outils internes et le module IUD de la base Eudamed”, signale Cécile Vaugelade. Pour les dispositifs connectés, plusieurs cas vont s’appliquer pour l’identification des dispositifs. Comme le rappelle Pierre Desmarais : “IUD est composé de deux parties : une qui va identifier le fabricant et le DM et l’autre qui fonctionnera comme un numéro de série. Il va falloir savoir comment on gère cette deuxième partie étant donné qu’il n’y a pas d’unité de production. C’est toujours le même dispositif qui va fonctionner pour tout le monde”. Amélie Martinez cite une conférence organisée par l’ANSM sur ce sujet de “comment graver un identifiant unique sur un logiciel” : “Il y aura un IUD-ID pour le logiciel qui sera sur la page avec les mentions réglementaires et sera le même pour tous les utilisateurs”. Pour BioSerenity qui fabrique des dispositifs connectés comme des tee-shirt, Quang Tran estime que l’organisation est déjà en place pour répondre à cette exigence : “Nous avons un IUD pour chaque dispositif. Puis certaines mises à jour majeures touchant les composants physiques ou logiciels pourront nécessiter un nouveau marquage CE et donc un nouvel IUD”. 4 – Se structurer pour le suivi post-marché Un autre changement du texte européen concerne le suivi des produits une fois qu’ils seront sur le marché. “Nous observons aussi la mise en place de la surveillance du dispositif médical sur le marché et de sa bonne utilisation en vie réelle. Toutes les entreprises seront concernées, au premier rang desquelles celles qui commercialisent déjà plusieurs gammes gammes de produits et qui vont donc être fortement impactées”, prévient Hugo Veysseyre. BioSerenity, qui développe sa gamme de dispositifs, a ainsi créé un hub mondial, comme l’explique Quang Tran. “Nous faisions auparavant un suivi post-marché relativement sommaire car nous avions peu de produits et ce n’était pas demandé par la directive. Pour répondre à cette nouvelle exigence et comme nous avons des volumes plus importants, nous avons mis en place un hub mondial pour améliorer la remontée de l’information et pour la matériovigilance qui nous permet de répondre aux exigences de PMS et PSU (respectivement post-market surveillance et rapport de sécurité périodique actualisé, ndlr) du règlement européen”. Pour Amélie Martinez d’Ad Scientiam, l’organisation pour ce suivi post-marché ne semble pas poser de problème. “Comme nous sommes sur des applications mobiles, nous pouvons récolter des données sur les risques potentiels et faire des analyses statistiques plus facilement”, indique-t-elle. 5 – Estimer le budget et le calendrier En termes de budget, difficile d’avoir des estimations. “Une entreprise monoproduit sans changement de classe connaîtra un impact financier complètement différente de celle qui a des dispositifs dans plusieurs catégories ou de celle qui change de la classe I vers une autre. Cela dépend également de tout ce qui a été fait avant, de son niveau de développement clinique, etc.”, détaille Cécile Vaugelade. Elle rappelle également l’obligation d’avoir une personne responsable du respect de la réglementation, ce qui sous-entend pour beaucoup un recrutement. Chez Ad Scientiam, Amélie Martinez cite également les recrutements nécessaires pour répondre aux exigences européennes. Sans compter les coûts associés à la certification, “entre 10 000 et 15 000 euros”, pour la prestation de l’organisme notifié “qui n’est pas gratuite”, signale-t-elle. Quang Tran de BioSerenity estime le coût engendré entre quelques dizaines à une centaine de milliers d’euros au final, avec l’impact en terme organisation non négligeable mais difficile à chiffrer. En termes de délais, si la date butoir est fixée au 26 mai 2020, chacun adopte une stratégie en attendant de pouvoir accéder aux organismes notifiés notamment. “La conformité pour le marquage CE est totalement différente et impose de passer par un organisme notifié. Comme ils ne sont pas encore tous certifiés par rapport au règlement, nous travaillons en parallèle, par exemple pour la certification ISO 13 485 de notre système de management de la qualité”, témoigne Amélie Martinez. L’objectif étant d’être prêt dès que les organismes notifiés seront disponibles. Chez BioSerenity, la stratégie adoptée a été d’anticiper la mise en application de ce règlement. “Notre objectif initial était de pouvoir basculer au mois de septembre 2019 bien que nos certificats actuels nous permettraient d’aller jusqu’en 2023. Bien que nous soyons prêts, notre volonté est de basculer à présent en 2020 afin de bénéficier de suffisamment de retours d’expériences”. Les organismes notifiés connus au compte-gouttes “Il va y avoir un goulot d’étranglement au niveau des organismes notifiés. Dans certaines conférences on nous parle d’un an de délai pour avoir un retour de ces organismes”, anticipe Amélie Martinez, responsable qualité réglementaire d’Ad Scientiam. Passage obligé pour obtenir le marquage CE, ces organismes doivent être certifiés au niveau européen pour intervenir. Or, au 21 juin 2019, seuls deux organismes étaient référencés sur le site de la Commission européenne : l’allemand Tüv Süd Product Service GmbH Zertifizierstellen http://www.tuev-sued.de/ps et le britannique BSI Assurance UK Ltd www.bsigroup.com. Et le Brexit en cours pose question sur le devenir de l’activité de BSI Assurance UK comme organisme notifié pour le règlement européen. “Un certain nombre d’organismes sont engagés dans le processus de certification”, rassure néanmoins Cécile Vaugelade, directrice affaires technico-réglementaire du Snitem. Un financement pour accompagner les PME en Rhône-Alpes “Nous avons lancé récemment un dispositif d’accompagnement des entreprises medtech avec le Snitem, l’agence AuRA Entreprises et la région Auvergne-Rhône Alpes”, détaille Hugo Veysseyre, chargé d’affaires PME et innovation clinique de Lyonbiopôle. Sollicité par le Snitem, le pôle de compétitivité a porté le projet avec ses adhérents auprès de la Région qui subventionne le projet à hauteur de 200 000 euros. Lyonbiopôle propose d’accompagner dix entreprises pour leur mise en conformité avec le nouveau règlement européen. Cette aide prendra la forme d’une subvention pour le financement à hauteur de 50 % d’une prestation. L’enveloppe sera plafonnée à 20 000 euros hors taxes par entreprise, précise Hugo Veysseyre. Il liste les critères d’éligibilité : “être une PME dont le siège social est situé en région, avoir déjà une personne dédiée au réglementaire ou à la qualité, avoir enregistré un chiffre d’affaires en 2018 et qu’il soit inférieur à 25 millions d’euros”. L’appel à candidatures est ouvert jusqu’au 12 juillet. La sélection devrait être connue en septembre. Cliquer ci-dessus pour télécharger le tableau dans son intégralité. Aurélie Dureuil Commission EuropéenneDispositif médicalOrganisations professionnellespôle de compétitivitéRèglementairestart-up Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Stéphane Regnault (Snitem) : “Au niveau du numérique, tout un chapitre est en train de se créer” Dispositifs médicaux connectés : les impacts du règlement européen