Innovation, prévention, RSE : les priorités d’Unicancer dans un contexte financier tendu

L’explosion scientifique et technologique en cancérologie et la montée de la prévalence dans la population générale se confrontent à “une carence mondiale de médecins et de soignants ainsi qu’une augmentation de l’incidence des cancers observée” témoigne Jean-Yves Blay, président d’Unicancer, en marge de la Convention nationale des centres de lutte contre le cancer qui se tenait les 13 et 14 novembre derniers.

Face à ces enjeux, la cancérologie connaît une “révolution diagnostique et thérapeutique” constate Jean-Yves Blay. L’irruption de l’intelligence artificielle dans la recherche et le soin secoue le secteur. “L’IA joue un rôle croissant pour aider à gagner du temps, par l’analyse d’images ou l’amélioration des processus de décision notamment” analyse-t-il. Parmi les technologies de pointe, la biopsie liquide fait aussi figure de “révolution” complète le président d’Unicancer. “Nous allons pouvoir faire du diagnostic sans être invasif, regarder l’ensemble des anomalies moléculaires d’un patient et être en mesure d’adapter le traitement de façon précoce”.

Former à l’IA

Unicancer a entrepris en 2023 une démarche prospective concernant les outils numériques. La formation fait partie des axes forts de cette stratégie, afin de pouvoir “anticiper la création des nouveaux métiers ou encore l’évolution de certains métiers liés aux outils numériques et à l’IA” soutient Sophie Beaupère, déléguée générale d’Unicancer.

En 2025, Unicancer va lancer une formation dédiée à l’IA générative ouverte aux professionnels médicaux et soignants, ainsi qu’à l’ensemble des professionnels des établissements affiliés. Le gain de temps, par exemple entre le diagnostic et la première prise en charge thérapeutique, ainsi que le contrôle qualité, sont parmi les bénéfices attendus de cette technologie dans les prochaines années.

Biopsie virtuelle, impression 3D : les lauréats du Prix Innovation

Unicancer a dévoilé les lauréats du Prix Innovation 2024 consacré à l’innovation en cancérologie en France. Il vise à mettre en lumière les travaux d’excellence réalisés au sein du réseau Unicancer dans six catégories. Les lauréats de la 10e édition sont : 

• La catégorie RSE pour l’attractivité RH : Le projet lauréat de l’Institut Bergonié est consacré à la prévention de l’épuisement professionnel chez les étudiants en médecine.
• Les soins écoresponsables : Le projet lauréat “Eco3D print RT” du centre Jean-Perrin (RT pour radiothérapie) se fonde sur une imprimante 3D pour fabriquer des dispositifs sur place et améliorer le confort des patients traités.
• La place du patient dans la décision : L’Institut de cancérologie de Montpellier a été récompensé pour sa politique de décision partagée. Les patients qui intègrent un comité sont invités à proposer des projets pour le soin, la recherche ou l’enseignement, et les co-piloter en binôme avec les professionnels de l’institut.
• Digital/data au service du patient : Deux projets lauréats sont ex aequos dans cette catégorie. Le projet du Centre François Baclesse utilise l’IA pour réduire les délais d’attente en radiothérapie, en améliorant la disponibilité des machines de traitements, et le projet porté conjointement par le Centre Antoine Lacassagne et Sophia Antipolis porte sur le déploiement d’une infrastructure d’apprentissage fédéré inter-CLCC pour la médecine de précision.
• Recherche et Innovation : Le projet lauréat de biopsie virtuelle dans les cancers de l’ovaire, porté par l’Institut du Cancer de Montpellier, permet une analyse sans prélèvement de l’ensemble de la tumeur.
• Activité physique adaptée : Le projet lauréat, porté par le Centre Léon Bérard, vise à analyser et démontrer les bénéfices d’un exercice physique réalisé avant l’administration d’immunothérapie.

“Chacun de ces prix illustre les axes thématiques clés de notre convention, déclare Jean-Yves Blay. Ils permettent d’aborder les enjeux futurs avec de bonnes pistes. L’intervention des patients, le questionnement sur les données, la recherche clinique sont autant de sujets importants à nos yeux.”

RSE : une charte d’engagement bientôt déployée

La responsabilité sociale et environnementale des CLCC était au centre de la première journée de la Convention. “Nous avons ouvert un chantier sur ce sujet. L’accompagnement dans cette transition est nécessaire, notamment d’un point de vue financier. Nous prenons des initiatives pour réduire notre impact sur l’environnement, par exemple sur le fonctionnement du bloc opératoire. Nous travaillons sur une stratégie depuis un an au sein d’Unicancer, qui prévoit la signature d’une charte d’engagement sur les soins écoresponsables et le développement durable avec chaque établissement” déclare Sophie Beaupère. Sur le volet social, Unicancer souhaite intégrer davantage les patients au sein de ses processus de décision et ses programmes de soin.

Prévention : le programme Interception va se généraliser

Sophie Beaupère a annoncé le lancement prochain du programme Interception au niveau national, au titre des expérimentations article 51 autour de la prévention des personnes à haut risque de cancer. Porté par le Dr Suzette Delaloge à Gustave Roussy, ce programme rassemble plusieurs partenaires, dont des CLCC, le groupe ELSAN et la Mutualité Française, et s’inscrit dans une démarche complémentaire des campagnes de dépistage. “L’idée est d’identifier grâce à un algorithme développé en interne les sujets qui sont les plus à risque de développer des pathologies cancéreuses (ORL, gynécologiques, tabac, facteurs viraux, facteurs génétiques, etc.)”, avait expliqué le Pr Fabrice Barlesi, directeur général de Gustave Roussy,à mind Health.

“Cet algorithme sera mis à disposition des médecins généralistes pour informer les patients des risques, les orienter vers des programmes de soutien et d’accompagnement pour les aider à modifier certains de leurs comportements ou les orienter vers des actes techniques complémentaires. L’objectif est d’éviter des cas graves de cancer”, complète Jean-Yves Blay.

Le modèle économique et le financement des initiatives en matière de prévention représentent un fort enjeu pour la filière. Le réseau Unicancer appelle de ses vœux “une loi de santé pluriannuelle” pour “poser un cadre qui permette de traiter des sujets ayant trait à l’innovation ou la prévention”, a évoqué Sophie Beaupère.

Des résultats financiers en berne

Avec l’évolution des tarifs et le contexte d’inflation, les conditions financières des CLCC se sont dégradées cette année. “En 2024, près de la moitié des établissements seront déficitaires alors que l’an dernier, l’ensemble des centres tendaient vers l’équilibre”, alerte Sophie Beaupère. “Il y a moins de soutien et de subvention pour financer l’innovation. Nous devons beaucoup autofinancer nos projets innovants et nos investissements”.