Accueil > Industrie > Philippe Lamoureux (Leem): “Nous sommes en train de vivre une transformation profonde de l’industrie des médicaments” Philippe Lamoureux (Leem): “Nous sommes en train de vivre une transformation profonde de l’industrie des médicaments” Le directeur général du Leem détaille la feuille de route de l’Académie du Digital en Santé, créée par Les entreprises du médicament et qui a été inaugurée le 14 avril 2022 avec un objectif : devenir pour la filière un espace de développement des compétences et d’innovation dédié au numérique en santé. Il nous partage également sa vision de la transformation à venir de l'industrie des médicaments, notamment face à l'émergence des DTx et des opportunités en recherche offertes par les nouvelles technologies. Par Sandrine Cochard. Publié le 31 mai 2022 à 22h54 - Mis à jour le 03 janvier 2023 à 14h41 Ressources Quel est le but de l’Académie du Digital en Santé (ADS) qui a été lancée mi-avril ? Son but est d’accompagner le virage numérique du secteur. Nous sommes partis du constat que le numérique allait profondément transformer l’industrie de la pharmaceutique, avec de nombreux métiers qui n’existent pas encore ! L’Académie du Digital en Santé répond à ce besoin de formation, d’imprégnation et de recherche sur tous les enjeux du numérique en santé. Nous comptons environ 150 métiers au sein de notre industrie. L’Académie souhaite proposer une offre de formation sur-mesure pour chaque collaborateur, quel que soit son niveau de maturité et celui de son entreprise. Quelle est sa feuille de route pour cette année ? L’Académie est à la fois une plateforme de formations, une communauté d’échanges et, à terme, un hub d’innovation. Nous avons déjà lancé un catalogue de formations en e-learning en avril. En mai, les premières formations en présentiel ont démarré avec notre partenaire de formation, ISIP, et d’ici la fin de l’année, nous lancerons un premier projet pilote multipartenaires à travers le Hub d’innovation. Nous prévoyons une montée en charge progressive, sur 18 mois. Notre objectif est que l’Académie atteigne sa maturité en 2024. Avec quels partenaires travaillez-vous au sein de l’ADS ? Nos partenaires sont Digilian, la faculté de droit de l’université catholique de Lille, IFIS Interactive et IFIS Pharma (groupe IFIS), Télécom Paris (de l’Institut Polytechnique) et l’EM Produits de Santé. Cette académie joue essentiellement un rôle de plateforme, elle n’a pas vocation à développer ses propres outils de formation. Notre volonté est d’ouvrir progressivement l’académie à de nouveaux partenaires, qu’ils viennent de l’univers du numérique ou de la santé. Notre ambition, à terme, est de pouvoir ouvrir l’Académie du Digital en Santé à toutes les entreprises de santé (DM, diagnostic, etc.). Nous cherchons également à nouer des partenariats avec des acteurs internationaux, à tisser des liens avec des organismes professionnels ou de formation européens. “Notre ambition, à terme, est de pouvoir ouvrir l’Académie du Digital en Santé à toutes les entreprises de santé.” Discutez-vous également avec des structures publiques comme PariSanté Campus ? Nous voulons d’abord mener une preuve de concept avec notre public cible prioritaire qui sont nos adhérents. Nous n’en sommes encore pas à ouvrir l’Académie vers des opérateurs publics, même si certains directeurs d’hôpitaux nous ont manifesté leur intérêt. Mais oui, notre ambition est de nous ouvrir progressivement. Nous avons déjà noué des discussions avec PariSanté Campus avec qui nous animons une conférence thématique le 16 juin prochain. L’entretien de Mathieu Grajoszex (DMH) : “Les start-up doivent passer de la valeur technologique à la valeur d’usage” Comment le numérique transforme les métiers de la recherche ? Quelles tendances suivez-vous plus particulièrement ? Le numérique ne transforme pas que la recherche, il transforme la totalité de l’activité ! Par exemple, la production va être très impactée par le digital… Le numérique va changer énormément de choses pour la recherche au plan technologique, notamment grâce au jumeau numérique, aux objets connectés et aux applications industrielles. Nous sommes en train de vivre une transformation profonde dans l’industrie des médicaments, avec une vague d’innovations colossale. Nous allons passer d’une approche centrée sur le médicament à une approche de solutions globales de santé dans laquelle on retrouvera des médicaments, mais aussi des dispositifs médicaux, de l’IA etc. Nous nous dirigeons donc vers des solutions d’avenir qui sont des solutions de technologies mixtes. D’autre part, la chaîne autour du médicament a jusqu’à présent énormément privilégié l’in vitro. Or, nous voyons aujourd’hui des patients qui demandent à bénéficier des traitements beaucoup plus tôt. Outre la production de médicaments, leur mise à disposition des patients est un enjeu fort et s’appuiera notamment sur la data, en particulier les données de vie réelle, afin de mieux cibler les traitements. On voit bien que le médicament seul ne suffit plus mais qu’on s’inscrit dans une solution globale qui intègre la technologie dans toutes ses dimensions. “Nous allons passer d’une approche centrée sur le médicament à une approche de solutions globales de santé dans laquelle on retrouvera des médicaments, mais aussi des dispositifs médicaux, de l’IA etc.” Comment voyez-vous l’émergence des thérapies numériques (DTx), dont certaines envisagent de se substituer au médicament ? J’observe que des industriels du médicament nouent des partenariats avec des DTx. Notre industrie vit aujourd’hui ce qu’ont pu vivre d’autres industries face à l’essor de la dématérialisation. L’arrivée des DTx, des GAFAM de plus en plus présents sur le secteur de la santé… Nous devons nous adapter à cette évolution et ces nouveaux enjeux. Les sciences du vivant portent aujourd’hui l’innovation de façon beaucoup plus massive qu’il y a une dizaine d’années. On va vers de la médecine personnalisée et des traitements de plus en plus ciblés. Les nouvelles technologies vont accompagner ces évolutions et il est nécessaire que les industries de santé s’acculturent et se forment à ces nouveaux enjeux. Or, notre industrie avait pris un peu de retard en matière de numérique en santé par rapport à d’autres branches industrielles, comme le dispositif médical. [Étude exclusive] Le bilan des initiatives des GAFAM dans la santé en 2021 Alexandre Malouvier évoquait récemment dans une interview à mind Health l’impact des essais cliniques décentralisés sur le métier de CRO. Cela fait-il partie des thèmes qui seront abordés dans l’Académie du Digital en Santé ? Le catalogue de formations 2022 proposé par l’Académie se divise en 4 grandes catégories de formations et 17 domaines thématiques déclinés en plusieurs modules, qui pourront eux-mêmes, à terme, se décliner en plusieurs niveaux. Nous avons également conçu des parcours différenciés, allant de l’acculturation à des niveaux experts pour cibler des profils précis représentatifs des métiers des industries de santé. Pour l’instant, nous démarrons avec 13 modules. Nous allons très vite passer à 17 modules et enrichir progressivement notre catalogue, à mesure des partenariats que l’on nouera. L’entretien d’Alexandre Malouvier (ICON plc) : “La prochaine révolution concerne l’e-sourcing” Comment avez-vous conçu le programme ? Nous avons constitué un Comité Pédagogique avec 8 experts du digital et/ou de la formation professionnelle issus d’entreprises de santé (Johnson&Johnson, Merck, UCB, Chugai, Ipsen, Grünenthal, GE Healthcare, Novartis). C’est avec ce Comité Pédagogique qu’ont été menées les étapes successives suivantes : Identification des cibles : “es personae”, pour couvrir de façon exhaustive les 150 métiers représentés dans nos entreprises ; Identification des thématiques de formation pour couvrir toutes les problématiques de transformation digitale de tous ces métiers ; Elaboration de la matrice des besoins : il s’agit d’établir un référentiel de compétences qui indique quel métier (= personae) a besoin de développer quelles compétences ; Enfin, constitution des parcours personae en affinant le référentiel de compétences et en intégrant un autre paramètre : les contraintes liées à chaque métier (flexibilité, durée de la formation, etc.). Sur la base de ces 4 étapes, nous avons pu établir un cahier des charges extrêmement précis de notre besoin en termes de modules à développer, objectifs pédagogiques associés, formats, modalités… Cela nous a aussi permis d’identifier nos premiers partenaires de formation. C’est avec ces partenaires et membres du Comité Pédagogique que nous co-construisons aujourd’hui les modules de formation de l’ADS. Vous êtes-vous inspiré d’un modèle à l’étranger pour concevoir cette académie? Non, nous ne sommes pas partis d’une inspiration de l’étranger mais d’un besoin de nos adhérents non couvert sur le territoire. Nous avons d’ailleurs créé dans le même temps une nouvelle commission au Leem, la commission du numérique en santé, qui n’existait pas. Ces actions concomitantes soulignent notre volonté d’accompagner ce virage numérique. Cette académie va-t-elle s’accompagner d’indicateurs de suivi pour mesurer l’évolution de la part du numérique dans les entreprises du médicament ? Pour le moment, notre ambition est de faire décoller l’avion. Nos adhérents manifestent beaucoup d’intérêt pour l’Académie du Digital en Santé, cela nous conforte dans l’idée qu’elle répond à un besoin. Avant de se poser la question de la métrologie de l’impact, il faudra d’abord être capable de mesurer la satisfaction des utilisateurs. Nous sommes encore dans une phase de démarrage, donc avant de savoir s’il a atteint sa destination, j’aimerais déjà que l’avion décolle ! Par ailleurs, le Leem dispose déjà d’un observatoire des investissements du secteur, qui mesure les investissements en production et en R&D. Via cet outil, on constate aujourd’hui que le modèle de notre industrie n’est plus nécessairement la construction de grands centres de recherche intégrés à des grandes entreprises, mais plutôt un modèle de mise en réseau des sites externalisés qui font appel à ces nouvelles technologies. Matthieu Lamy (Ad Scientiam) : “Les biomarqueurs digitaux révolutionnent la recherche clinique et la prise en charge des patients” Quels sont les critères de réussite de l’ADS ? Le critère principal est de voir si elle rencontre son public. Nous ciblons à ce stade les 100.000 collaborateurs des entreprises du médicament opérant en France. Nous ferons un premier bilan en 2024. Un autre indicateur important sera notre capacité à ouvrir l’Académie. Nous allons progressivement intégrer d’autres secteurs (les entreprises du Dispositif Médical notamment), ce qui devrait permettre d’accroître le nombre d’adhésions au fil des années. Notre volonté est que l’Académie cristallise autour d’elle les grands enjeux du numérique et intègre à ce titre des partenaires variés. Philippe Lamoureux Depuis novembre 2008 : directeur général du Leem Depuis 2002 : Directeur général de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé 2001-2002 : Directeur adjoint de cabinet de Bernard Kouchner, ministre délégué à la Santé 1998-2001 : Conseiller technique au cabinet de Martine Aubry, ministre de l’Emploi et de la Solidarité 1997 : Secrétaire général de l’Agence du médicament 1993-1997 : Chargé de mission puis directeur auprès du directeur général de l’Agence du médicament 1992 : Conseiller technique au cabinet de Bernard Kouchner, ministre de la Santé et de l’Action humanitaire Sandrine Cochard jumeau numériqueLaboratoiresMédicamentOutils numériquesThérapie digitale Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire L'évolution technologique des essais cliniques (Leem) Le nouvel enjeu des données de vie réelle Décentralisation des essais cliniques : une nouvelle plateforme française