Accueil > Parcours de soins > Comment la crise sanitaire a accéléré la valorisation des données de santé en vie réelle aux États-Unis Comment la crise sanitaire a accéléré la valorisation des données de santé en vie réelle aux États-Unis Alors que depuis plusieurs années la valorisation des données de santé en vie réelle fait l’objet de plus en plus d’attention des acteurs du secteur de la santé depuis plusieurs années, la crise sanitaire mondiale a provoqué un effet d’accélération pour de nombreuses applications. mind Health a assisté à plusieurs conférences et présentations sur les perspectives de ce domaine aux États-Unis et en livre certains enseignements. Par Aurélie Dureuil. Publié le 01 juin 2021 à 17h37 - Mis à jour le 01 juin 2021 à 17h40 Ressources Au niveau mondial, les données de santé représenteraient un volume de 2,3 milliards de giga-octets. Parmi elles, figurent les données en vie réelle ou de vraie vie, c’est-à-dire des données n’étant pas collectées dans un cadre expérimental mais étant générées à l’occasion des soins réalisés en routine pour un patient ou via des objets connectés comme les montres, balances… Elles apportent a priori des informations sur le parcours de soins mais aussi sur la prise en charge des malades dans leur quotidien. Elles intéressent aujourd’hui différents acteurs du secteur tant pour le suivi de l’usage que de l’efficacité des produits de santé, en passant par la recherche médicale (Lire L’Essentiel sur les données de santé de mind Health). À l’occasion d’une conférence le 10 septembre 2020, l’agence américaine de régulation du médicament (Food & Drug Administration, FDA) a présenté le travail qu’elle effectue sur les données de vie réelle à travers son “real-world evidence program”, dévoilé en décembre 2018, détaillant au passage des cas d’usage. Amy P. Abernethy, alors commissaire adjointe de la FDA (poste qu’elle a quitté en avril 2021), a d’emblée souligné qu’en matière de données de vie réelle “la vérité est que nous apprenons en faisant. (…) J’aime à penser à un système de santé apprenant, dans lequel le soin apporté au patient assis en face de vous est enrichi par tous les patients soignés avant lui et dans lequel la transformation numérique du soin est réinvestie dans une agrégation continue de données. Surtout, plutôt qu’un système de santé national, il s’agit d’un ensemble de systèmes imbriqués à travers les États-Unis et le monde”. Amy P. Abernethyex-commissaire adjointe de la FDA À l’occasion d’une conférence le 10 septembre 2020, l’agence américaine de régulation du médicament (Food & Drug Administration, FDA) a présenté le travail qu’elle effectue sur les données de vie réelle à travers son “real-world evidence program”, dévoilé en décembre 2018, détaillant au passage des cas d’usage. Amy P. Abernethy, alors commissaire adjointe de la FDA (poste qu’elle a quitté en avril 2021), a d’emblée souligné qu’en matière de données de vie réelle “la vérité est que nous apprenons en faisant. (…) J’aime à penser à un système de santé apprenant, dans lequel le soin apporté au patient assis en face de vous est enrichi par tous les patients soignés avant lui et dans lequel la transformation numérique du soin est réinvestie dans une agrégation continue de données. Surtout, plutôt qu’un système de santé national, il s’agit d’un ensemble de systèmes imbriqués à travers les États-Unis et le monde”. Des projets mis en place pour répondre aux enjeux liés à la pandémie Si ces données de vie réelle suscitaient déjà un fort intérêt, la crise sanitaire mondiale a accéléré les travaux tant des acteurs privés que des agences réglementaires et des institutions. En France, par exemple, la mission de préfiguration du Health Data Hub a rendu son rapport en octobre 2018 et la plateforme nationale des données de santé a vu le jour officiellement le 1er décembre 2019. Pourtant, alors qu’elle est encore en phase de mise en œuvre, la crise sanitaire a poussé à une mise en production dès le printemps 2020, comme le confiait à mind Health Stéphanie Combes, directrice du Health Data Hub, en juin de la même année. Aux États-Unis, l’initiative de FDA sur les données de vie réelle a démarré en 2007, avant de prendre de l’ampleur avec la création du système Sentinel en 2016. La FDA a notamment présenté en 2019 son plan stratégique pour la période 2019-2023. Et le système a été utilisé pendant la crise sanitaire, comme l’a rappelé Patrizia Cavazzoni, directrice du Center for drug evaluation and research (CDER) de la FDA, au cours 12e workshop annuel de Sentinel le 14 octobre 2020 : “avoir un système d’entreprise de données médicales polyvalent et prêt comme Sentinel est encore plus important lors d’une urgence de santé publique”. Elle a cité l’exemple de l’exploitation de la plateforme Sentinel pour “répondre à plusieurs questions en suspens sur la gravité du COVID-19 et son impact sur la coagulation sanguine”. La FDA a par ailleurs mis en place le COVID-19 Evidence Accelerator en mars 2020. Comprendre les usages La FDA travaille également avec des acteurs privés sur ces sujets. Comme l’indiquait Aetion au cours d’une conférence organisée par le média américain STAT le 17 septembre 2020 sur les données de vie réelle sur le COVID-19. L’entreprise américaine a ainsi détaillé sa collaboration avec la FDA entamée au mois de mai 2020. La start-up new-yorkaise a mis au point une plateforme d’analyse des données de vie réelle (Aetion Evidence Platform) dans le cadre de la pandémie. Elle permet de cerner les usages en matière de diagnostic et de traitements ainsi que les facteurs de risque de complications à partir de l’identification puis de l’analyse de jeux de données de vie réelle adaptés. Carolyn Magill, sa CEO, a expliqué que, tous les quinze jours, est actualisé sur le site web de la société un graphique qui montre le type de traitements délivrés aux patients atteints de COVID-19. “Et nous pouvons en apprendre beaucoup plus, simplement en comprenant qui a accès à quel traitement ou comment cette donnée varie d’une région à l’autre.” Elle a toutefois reconnu les préoccupations que peuvent soulever l’usage des données de vie réelle et leur interprétation : “comment être certain que les résultats que nous observons sont bien une preuve ? et comment pouvons-nous valider ces résultats afin de pouvoir agir de façon responsable ?” Une méthodologie sur laquelle Aetion travaille, avec l’aide de l’industrie. À noter que la plateforme d’Aetion a déjà fait l’objet de plusieurs publications. Carolyn Magill, CEO d’Aetion La génération de preuve (RWE) à partir des données de vie réelle (RWD) a par ailleurs fait l’objet d’une définition lors d’une conférence organisée par Duke – Margolis Center for Health Policy en décembre 2020 et consacrée à un écosystème de données de vie réelle de haute qualité. Mark McClellan, son directeur, a rappelé que “les données de vie réelle sont des données liées à l’état de santé du patient et/ou à la délivrance de soins, collectées systématiquement à partir de diverses sources : dossiers patients électroniques, données de remboursement des payeurs, registres, application mobiles et technologies numériques. Les preuves de vie réelle sont des preuves dérivées des données de vie réelle grâce à l’application de méthodes de recherche. Pour les applications réglementaires, les RWE peuvent en outre être définies comme preuves cliniques, concernant l’utilisation et les potentiels bénéfices et risques d’un produit médical, dérivées de l’analyse des RWD”.Au cours de la conférence de STAT du 17 septembre 2020, Harlan Krumholz, directeur du Yale New Haven Hospital Center for Outcomes Research and Evaluation (États-Unis), a lui soulevé l’importance de rester “très vigilant” quant à l’usage de ces données de vie réelle dans les essais cliniques parce que, de fait, elles n’ont pas été produites dans un but de recherche et peuvent être sources de biais. “Et comprendre la qualité de la donnée comme sa source est complexe. (…) Cela aurait été très différent si nous avions protocolisé la collecte de ce type de donnée.” Interrogé sur la façon de produire des preuves en vie réelle robustes à partir de données collectées en routine pour évaluer les bénéfices et risques de traitements d’une maladie nouvelle, en l’occurrence le COVID-19, qui par définition ne peut fournir de données historiques, Harlan Krumholz a répondu que tout dépend du point de comparaison. Dans le cas de la pandémie, il s’agit principalement d’études “intra-COVID-19” : “‘un historique serait nécessaire dans le cas d’un nouveau traitement pour une pathologie existante, afin de savoir s’il améliore la survie par exemple. Mais ici, nous avons été confrontés à une nouvelle maladie. La priorité était de la définir de façon standardisée. Nous n’avons pas été handicapés parce que nous n’avions pas l’expérience de cette maladie. En réalité, cela signifiait que le champ était ouvert, il y avait tant de questions auxquelles répondre. Mais nous ne voulions pas que chacun définisse le COVID-19 d’une façon différente, ce qui nous aurait empêché de comparer les rapports et de combiner, de synthétiser les savoirs”. Le souci consistait plutôt à structurer ces retours pour leur reproductibilité et à s’assurer de travailler de façon transparente. Harlan Krumholz, directeur du Yale New Haven Hospital Center for Outcomes Research and Evaluation Prendre en compte les limites À ce titre, Carolyn Magill a déclaré que, lorsque Aetion utilise des jeux de données de vie réelle, la start-up “s’assure” de leur provenance, de leur qualité, et qu’elles répondent à la question à laquelle Aetion souhaite répondre. “Plus vous obtenez de transparence, plus vous pouvez vous reposer sur ces données”, a-t-elle ajouté. Ces deux acteurs ont par ailleurs fait part des données qui manquent à ce jour dans le cadre de la lutte contre le COVID-19. Harlan Krumholz a ainsi indiqué que son établissement travaille à la collecte de données provenant directement du patient : “les données agrégées depuis les systèmes de santé et autres sources tendent à être fragmentées et, souvent, ne reflètent pas le point de vue du patient ni les résultats qui seraient importants pour eux. Cela manque grandement, en partie parce que cela nécessite information et consentement et donc cela requiert une certaine organisation”. Carolyn Magill a relevé quant à elle le manque de données relatives aux populations isolées. Lors de la conférence de septembre 2020, la FDA a également partagé les opportunités comme les défis qu’elle associe aux données de vie réelle et dont elle “discutait déjà avant l’arrivée de la COVID-19”. Parmi ces opportunités, Amy P. Abernethy cite la possibilité de saisir le parcours de soins et de permettre un système de santé apprenant, le rôle des données de vie réelle pour compléter les données issues des essais cliniques. Egalement, apporter une information plus large sur des échantillons de populations plus grands mais aussi pour optimiser la recherche ainsi que l’élaboration de cycles d’apprentissage et d’analyse rapides. Enfin, elle évoque la possibilité de faire progresser la rigueur scientifique nécessaire à l’usage des données de vie réelle. Du côté des points critiques, la FDA a identifié le challenge technologique et d’interopérabilité des données, le besoin de données qualitatives et intègres, celui de méthodes analytiques complexes, de transparence, de traçabilité et de confiance. Enfin, en guise d’axes de travail futurs, Amy P. Abernethy estime que “l’agence doit se positionner de façon à être en mesure d’apprendre systématiquement des données de vie réelle désormais disponibles : nous devons comprendre quels sont les jeux de données adéquats et nous concentrer sur la caractérisation des données et le développement de méthodes appropriées”. Quelques initiatives menées par la FDA À ce jour, pour “pouvoir observer des jeux de données en action et comprendre ce qu’il est possible d’en faire et comment s’y fier” sur un plan réglementaire, la FDA mène des “projets de démonstration”. Amy P. Abernethy, alors commissaire adjointe de la FDA en a cité trois en exemple à l’occasion d’une conférence le 10 septembre 2020 : l’étude HARMONY-OUTCOMES, à laquelle participe GlaxoSmithKline et qui tente de déterminer si les dossiers médicaux électroniques peuvent être utilisés pour le recrutement de patients pour la recherche clinique, l’étude IMPACT-Afib qui se base sur le programme Sentinel de la FDA pour évaluer les bénéfices de l’éducation thérapeutique sur l’observance du traitement et le projet RCT DUPLICATE mené à partir des demandes de remboursement auprès des assureurs.Amy P. Abernethy a également listé une série d’initiatives actuellement menées par l’agence en matière de données de vie réelle. Outre le programme Sentinel, elle a mis en avant le Biologics Effectiveness and Safety (BEST) System, qui s’applique aux produits de biologie mais aussi deux autres activités “arrivées à maturité” : le Medical Device Epidemiology Network (MDEpiNet), un partenariat mondial construisant des méthodes et une architecture de preuves en vie réelle à travers des réseaux de registres, et le National Evaluation System for health Technology (NEST), un écosystème national d’acteurs du dispositif médical oeuvrant à la génération de données “efficaces” pour la prise de décision réglementaire. La FDA a également lancé le partenariat Systemic Harmonization and Interoperability Enhancement for Laboratory Data (SHIELD) visant à améliorer la qualité et la portabilité des données électroniques des laboratoires. Formation d’une coalition sur des données de vie réelle Le 19 mai 2021, cinq acteurs spécialisés sur les données de vie réelle (RWD) et preuves de vie réelle (RWE) ont dévoilé la création d’une coalition. Aetion, Flatiron Health, IQVIA, Syapse et Tempus se sont regroupés sous la bannière de la RWE Alliance afin de soutenir “l’avancement de l’utilisation des RWE dans la prise de décisions réglementaires”, indiquent-ils dans un communiqué. L’Alliance prévoit de travailler avec la FDA et le Congrès américain “pour plaider en faveur de politiques faisant progresser” ces usages. Les cinq entreprises prévoient de collaborer “avec des groupes de patients, des sociétés biopharmaceutiques et de dispositifs médicaux et leurs associations professionnelles, ainsi que d’autres parties prenantes clés”. Aurélie Dureuil base de donnéesCOVID-19DiagnosticDonnées de santéDonnées privéesEssais cliniquesHealth data hubIndustrieInteropérabilitéobjets connectésParcours de soinsPatientPolitique de santéRechercheRèglementairestart-up Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire De l’usage des preuves en vie réelle dans l’autorisation des DM Droit Devant Comment la FDA a l’intention d’intégrer la donnée dans son travail quotidien Données de vie réelle : la FDA sélectionne quatre projets Données de vie réelle : la FDA détaille le fonctionnement de son programme Sentinel La FDA détaille le fonctionnement de son COVID-19 Evidence Accelerator La FDA entame une collaboration avec la plateforme de données de vie réelle d'Aetion