Accueil > Parcours de soins > DTx : Luna fait le pari d’un business model mixte DTx : Luna fait le pari d’un business model mixte START-UP A LA LOUPE - La start-up française Luna propose un outil de diagnostic et de suivi de l’endométriose. Fondée en 2018 par deux médecins, Luna (ex MyEndo'App) appuie son développement sur un modèle économique alliant BtoC et BtoB. Retour sur les grandes étapes qui ont jalonné son histoire avec la CEO Inès Ben Amor, qui finalise actuellement la levée d’un bridge de 500 K€ pour soutenir le développement de Luna. Par Sandrine Cochard. Publié le 05 mars 2024 à 22h30 - Mis à jour le 06 mars 2024 à 10h34 Ressources La genèse En 2018, le Pr Charles Chapron et Dr Jean-Philippe Estrade, tous deux médecins experts de l’endométriose, s’associent pour fonder MyEndo’App. Cette application propose un questionnaire permettant à ses utilisatrices d’obtenir un score de risque pour déterminer la probabilité d’être atteinte d’endométriose, maladie difficile à diagnostiquer et synonyme de fortes douleurs. Ce questionnaire est le fruit de quinze ans de recherches menées à l’hôpital Cochin (dont une partie de l’équipe est impliquée dans le projet) sur un échantillon 2500 patientes. “Le Pr Charles Chapron nourrissait la frustration d’être en bout de chaîne, avec des patientes qui étaient en errance thérapeutique depuis plusieurs années ou recevaient une prescription médicale inadaptée au problème de l’endométriose, explique aujourd’hui Inès Ben Amor, CEO de Luna, à mind Health. L’objectif était de digitaliser ce questionnaire pour en faire une aide au diagnostic ouvert à toutes les femmes, partout dans le monde.” Les fondateurs et les effectifs Les deux cofondateurs, le Pr Charles Chapron et Dr Jean-Philippe Estrade, sont issus du monde médical et spécialistes de l’endométriose. “Ils ont lancé My Endo App et six mois plus tard, 20 000 utilisatrices avaient répondu au questionnaire : 10 000 en France et 10 000 aux Etats-Unis (le questionnaire était disponible en anglais et en français). Cela a permis de confirmer qu’il y avait un véritable besoin et a poussé les fondateurs à monter une équipe opérationnelle”, souligne Inès Ben Amor, CEO de Luna. Son arrivée en septembre 2022 coïncide avec une nouvelle étape de développement pour la start-up. “L’objectif était de définir une stratégie produit, de structurer nos activités et de créer un modèle économique. Par essence, Luna est une start-up médicale : fondée par des médecins, qui ont impliqué d’autres médecins au moment du premier financement, elle est orientée parcours de soin. Pour autant, je suis arrivée à un moment où il y avait un réel besoin de se doter d’une vision business, avec un business model, une vision produit et une roadmap associée. Il y avait tout à construire sur ce volet là.” Aujourd’hui, Luna compte une dizaine de personnes, essentiellement des profils techniques (développeurs, designers). Les cofondateurs font toujours partie de l’entreprise en tant qu’associés. L’équipe dirigeante se compose d’Inès Ben Amor (CEO) et de Jean-Philippe Estrade (Président-fondateur). Inès Ben Amor, ingénieure de formation (École des Mines de Saint-Etienne, spécialisation en informatique et IA), endosse également le rôle de CTO et de product manager. Technologie, service et positionnement Luna est une start-up pionnière dans les parcours personnalisées des patientes, intégrant des processus de diagnostic à des programmes d’accompagnement. Prenant l’endométriose comme point de départ, Luna comprend notamment un questionnaire d’aide au diagnostic, certifié dispositif médical, qui permet de calculer un score de risque. Parcours de soins en 5 étapes Ce questionnaire s’inscrit dans un parcours de diagnostic global qui se déroule en 5 étapes : quatre ont lieu en ligne, une suppose un examen d’imagerie. Si l’examen confirme le diagnostic, Luna propose également une mise en relation avec des professionnels de santé spécialisés. “Aujourd’hui, avec ce parcours, on arrive à poser un diagnostic d’endométriose en quelques semaines là ou avant, les femmes pouvaient connaître 7 à 10 années d’errance thérapeutique”, se félicite Inès Ben Amor. Des fonctionnalités de suivi quotidien des symptômes et de traitement complètent le dispositif. “L’utilisatrice peut ensuite exporter en un clic une synthèse de ses symptômes et traitements et la transmettre à son médecin avant la consultation. L’objectif est de raccourcir les cycles de tests de traitement.” Données de vie réelles Des algorithmes permettent de générer une synthèse à partir des documents médicaux de la patiente (par exemple : compte-rendu d’IRM pelvienne) qu’elle peut ensuite directement adresser à son médecin. “Notre objectif est d’accompagner les utilisatrices tout au long de leur maladie et de leur parcours de soin, en les outillant pour faciliter le suivi de la maladie et la communication avec le médecin.” “Nous collectons énormément de données de santé. Nous serons bientôt l’une des solutions permettant d’avoir le dossier médical le plus complet sur les patientes atteintes d’endométriose, en associant leur historique et les données de vie réelle renseignées au jour le jour. Demain, nos algorithmes permettront d’apporter au médecin une aide à la décision sur la prise en charge d’une patiente, pour privilégier telle ou telle pilule selon les symptômes qu’elle a renseignés”, assure Inès Ben Amor. Marché, clients et chiffre d’affaires Luna compte 50 000 utilisatrices, majoritairement en France. La start-up vise un objectif de chiffre d’affaires 2024 de plus de 400 K€. Nicolas Gremy (Bpifrance) : “La santé numérique est à la fin d’un cycle…et c’est une bonne chose ” Actionnariat et financement Luna a levé 500 K€ en 2021, auprès de 21 médecins mobilisés principalement par Jean-Philippe Estrade. Puis Luna a été lauréate du programme BPI i-Nov, en 2022, à hauteur de 753 K€. Aujourd’hui, Luna finalise une nouvelle levée de fonds de 500 K€ auprès de Business Angels. “Nous avons besoin de cet apport en trésorerie, mais aussi de bénéficier de cette vision business, explique Inès Ben Amor. L’objectif de cette levée est de se concentrer sur la vente en 2024, pour générer du revenu tout en continuant de développer nos algorithmes d’aide à la décision médicale.” Modèle économique Le modèle économique de Luna repose sur une brique BtoC et une brique BtoB. Brique BtoB Luna déploie sa solution de diagnostic et d’accompagnement auprès des entreprises. Concrètement, Luna fournit un code à l’entreprise qui le transmet à ses salariés. Ce code d’activation, une fois saisi sur l’application, leur permet d’accéder gratuitement aux fonctionnalités premium. “C’est l’un de nos axes stratégiques pour 2024, souligne la CEO. Nous avons développé une offre entreprise pour proposer notre solution auprès des salariés, dans le cadre d’une démarche QVT ou de prévention ou comme un avantage salarié.” Luna a commencé à déployer ce modèle auprès des 10 700 salariés de Malakoff Humanis, en décembre dernier. L’étape suivante pourrait être la prise en charge des adhérents par les mutuelles. Brique BtoC L’application propose des fonctionnalités directement accessibles gratuitement. Les fonctionnalités plus avancées (accès à des parcours de soins personnalisés, parcours de diagnostic de l’endométriose, mise en relation avec des professionnels de santé référencés, éducation thérapeutique…) sont payantes via un abonnement de 4,99€/mois ou 50€/an. “Notre retour d’expérience est que le BtoC, c’est compliqué pour un tas de raisons : cela suppose un budget marketing conséquent pour réussir à capter une audience, animer une communauté… et derrière, même pour lever des fonds, c’est compliqué car les investisseurs aujourd’hui ont du mal à croire dans des modèles BtoC et ils ont raison. On préserve malgré tout l’accès BtoC car il est primordial pour nous de permettre à toute femme qui en a besoin d’accéder à notre solution.” Luna a donc choisi de se concentrer principalement sur sa brique BtoB. DTx : les chiffres clés du DiGA allemand[Info mind Health] DTx : l’écosystème franco-allemand se met en ordre de marche Les prochaines étapes “Notre enjeu cette année est de déployer massivement notre offre BtoB auprès des entreprises partout en France”, selon la CEO. Luna écarte pour le moment un développement à l’international. “Les parcours de soins sont trop différents pour être scalables, balaie Inès Ben Amor. Nous avons tout de même un plan stratégique pour l’international qui se consolide et l’ensemble de nos travaux sont conçus avec beaucoup de modularités en vu de cette prochaine étape.” Alors que le marché des DTx (thérapies numériques) est toujours en attente de modèle et que certaines ont été absorbées par d’autres l’an dernier, à l’image de Lucine, rachetée par Bliss Therapeutics, Luna écarte les projets d’acquisition. “Aujourd’hui, beaucoup de start-up healthtech ont du mal à passer le cap. L’acquisition de Luna n’est pas un sujet aujourd’hui. Nous avons encore beaucoup de choses à faire et nous sommes sur la bonne voie !”. Sandrine Cochard Application mobileDonnées de santédonnées de vie réelleParcours de soinsstart-upThérapie digitale Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire DTx : quel usage et quelle appétence chez les professionnels de santé ? Entretien Resilience rachète GutyCare et dévoile sa stratégie de conquête du marché de la télésurveillance Confidentiels Task force DTx : “le principal enjeu est d’avancer collectivement”