Accueil > Parcours de soins > Lutter contre la non-observance grâce aux outils numériques Lutter contre la non-observance grâce aux outils numériques Un partenariat public-privé ambitieux s’est donné pour objectif, dans un laps de temps fixé à cinq ans, d’apporter une solution à la non-observance des prescriptions médicales, en permettant aux patients de l’Union européenne d’accéder à des informations numériques plus simples et compréhensibles. Quel bilan depuis son lancement en novembre 2020 ? Par Pharma Intelligence. Publié le 24 mai 2022 à 8h08 - Mis à jour le 22 mai 2022 à 22h10 Ressources Près de la moitié des patients ne respectent pas à la lettre les prescriptions médicales qui leur sont délivrées. L’Organisation de coopération et de développement économiques estime qu’environ 200 000 décès prématurés enregistrés chaque année en Europe sont le résultat de la piètre observance des prescriptions, ce qui représente annuellement environ 125 Mds € en frais d’hospitalisation, en soins d’urgence et en consultations ambulatoires pour adultes. Une situation humainement regrettable et des investissements conséquents qui pourraient être évités. À l’heure actuelle, il s’avère très difficile, voire impossible, de comprendre véritablement les facteurs qui incitent un patient à ne pas respecter sa prescription. Un projet financé par l’Union européenne compte toutefois pouvoir démontrer qu’en rendant plus immédiatement accessibles et plus compréhensibles les informations relatives aux médicaments, les patients pourraient être davantage enclins à prendre leurs médicaments correctement, avec de meilleurs résultats en termes de santé et de qualité de vie. La Pitié-Salpêtrière, Synapse Medicine et Dedalus s’associent pour optimiser la conciliation médicamenteuse Un partenariat public-privé Le partenariat public-privé Gravitate-Health, qui bénéficie du soutien du programme européen IMI2 (Innovative Medicines Initiative), a pour ambition de fournir un modèle comportemental qui permettra de comprendre les facteurs incitant les patients à se conformer aux prescriptions médicales, et d’identifier les outils permettant de développer des solutions répondant à leurs besoins et d’améliorer le pourcentage d’observance des prescriptions. Ce projet permettra de développer et de tester de nouvelles solutions numériques offrant des informations personnalisées, évitant ainsi aux patients d’avoir à consulter de multiples notices papier. Anne Moen, coordinatrice de Gravitate-Health et professeure à l’institut Santé et Société de l’université d’Oslo, explique que “les patients sont essentiellement informés sous forme d’une notice papier qui accompagne le médicament. La difficulté de lire les très petits caractères utilisés, à qui s’ajoutent des informations souvent difficiles à trouver et à comprendre, sont autant de complications inutiles, notamment quand les patients doivent prendre plusieurs médicaments.” Tels sont les défis pratiques auxquels sont confrontés les patients pour accéder à l’information et la comprendre. Des difficultés que viennent aggraver le vieillissement, les multi-morbidités et les pathologies chroniques, de nombreux patients devant ainsi se référer à plusieurs notices papier pour différents médicaments. Anne Moen cite également l’exemple d’un patient qui doit prendre un médicament alors qu’il est à l’étranger, et qui ne peut accéder à des informations dans une langue qu’il connaît. “Supposons que vous voyagez en Bulgarie et que devez acheter vos médicaments sur place, avec une notice rédigée dans la langue du pays. Ce serait un énorme avantage pour vous de pouvoir lire cette notice dans votre propre langue, ou au minimum dans une langue que vous comprenez suffisamment”, explique-t-elle. Avoir au sein du consortium des firmes telles que Datapharm, qui est aujourd’hui le principal fournisseur britannique d’informations médicales via son portail numérique EMC+ (electronic medicines compendium), constitue un précieux atout, dans la mesure où EMC est agréé par le régulateur pour la publication d’informations en anglais, la deuxième langue pour la majorité des citoyens européens. “Agréées par les autorités de tutelle, les notices papier qui accompagnent les médicaments présentent des informations statiques mal adaptées aux besoins spécifiques des patients.” Giovanna Ferrari, directrice principale chez Pfizer et responsable de l’étiquetage pour l’Europe Le Dr Giovanna Ferrari, directrice principale chez Pfizer et responsable de l’étiquetage pour l’Europe, est également chef de projet pour Gravitate-Health. “Agréées par les autorités de tutelle, les notices papier qui accompagnent les médicaments présentent des informations statiques mal adaptées aux besoins spécifiques des patients, ni à leur niveau d’éducation sanitaire, explique-t-elle. Cela crée bien évidemment des barrières pour la compréhension. De surcroît, les fabricants de médicaments et les autorités réglementaires ne sont pas en capacité d’avoir des retours d’expérience sur la manière dont le contenu des notices est appréhendé, ni sur son application en conditions réelles. Pourtant, un tel retour d’expérience permettrait d’améliorer la présentation des informations.” Des informations en ligne peu fiables “Il y a certes énormément d’informations disponibles sur Internet, mais les sources sont loin d’être fiables ou régulièrement actualisées, et les patients peuvent être contraints de se référer à de multiples sources fragmentaires avant de parvenir à accéder aux informations souhaitées pour gérer leur santé, ce qui de toute évidence pose un problème, observe Giovanna Ferrari. En outre, il n’y a pas un accès équitable aux ressources disponibles en ligne, dans la mesure où tous les pays n’ont pas des outils numériques suffisamment performants et accessibles pour obtenir une information crédible.” Le consortium Gravitate-Health apporte son expertise en matière d’écosystème de santé, dans le cadre de l’IMI – un modèle qui a aidé à produire des aperçus significatifs à partir de projets de recherche interdisciplinaires de grande ampleur, avec la capacité de fournir des résultats pouvant être intégrés efficacement dans le paysage sanitaire général. Comptant 39 membres dans quinze pays, il est co-piloté par l’université d’Oslo, coordinatrice du partenariat public, et par Pfizer, leader industriel privé. Les participants à ce projet comprennent des firmes biopharmaceutiques, des instituts universitaires et de recherche, des prestataires de soins, des payeurs, des associations de patients et des fournisseurs de moyens électroniques et autres outils d’information dédiés à la santé. La non-observance des prescriptions est un défi déjà bien répertorié en termes de santé publique, et les programmes d’observance adaptés aux patients sont un sujet majeur sur l’agenda des recherches stratégiques de l’IMI2. Avec un financement de 18,5 M€ sur cinq ans (2020-2025), Gravitate-Health développera et testera une solution logicielle open source baptisée Gravitate Lens (G-Lens) afin de fournir des informations sur les médicaments agréés par le régulateur et guider les patients vers des données compréhensibles, fiables et actualisées qui répondent à leurs besoins et adaptées à leur contexte médical et à leur niveau de familiarité avec les termes utilisés. Ces informations seront fournies via une application destinée aux appareils intelligents, offrant des échanges bilatéraux, fournissant du contenu et permettant de collecter les données du patient. L’idée étant que les informations médicales provenant d’un ensemble de sources fiables puissent être disponibles et compréhensibles – par exemple, le contenu d’une notice ou des dossiers médicaux électroniques de type EHR-IPS (International Patient Summary). [Étude exclusive] Le bilan des initiatives des GAFAM dans la santé en 2021 Les données de vie réel Ayant rejoint le projet depuis un peu plus d’un an, Gravitate a développé des personas robustes basés sur la compréhension commune des utilisateurs du logiciel G-Lens, en se basant sur les données en monde réel. Cette approche contribuera au développement du logiciel, en décrivant un groupe diversifié de personnes dont le parcours médical personnel est représentatif de celui d’une grande partie de la population. Les personas sont couramment utilisés par les spécialistes du marketing pour aider à définir une base de clients. Appliquant des principes de conception centrés sur l’humain, et faisant appel aux meilleures pratiques et expériences utilisateurs, le projet a permis de recueillir des données lors d’entretiens réalisés dans plusieurs pays, avant de valider les personas et les parcours empruntés par les utilisateurs via une approche de crowdsourcing. “Nous avons également développé de solides pratiques de travail, alors même que nous ne nous sommes pas encore rencontrés physiquement”, explique Anna Moen. Le projet a été lancé pendant la pandémie de Covid-19 et, selon elle, cet événement inédit a contribué au financement de ce projet de santé numérique. “Nous sommes très reconnaissants d’avoir pu bénéficier de cette opportunité à ce moment précis, mais il nous incombe désormais d’aller jusqu’au bout.” Des fonctions éducatives et comportementales Le logiciel G-Lens sera accompagné de fonctions éducatives et comportementales pour aider les patients à observer leur prescription en comprenant exactement quoi faire, ce qui s’avère particulièrement important pour les patients soumis à des traitements complexes pour de multiples problèmes de santé, parfois à long terme. Les premières remontées d’information montrent que l’autogestion des patients, grâce aux outils numériques, a un impact positif sur l’observance du traitement et sur les résultats qui en découlent. Le Health Outcomes Observatory (H2O) est un autre projet IMI2 mis en œuvre parallèlement au consortium Gravitate-Health, en vue d’établir un réseau, initialement dans quatre pays d’Europe, qui permettra de fournir aux patients des applications destinées à collecter des données de santé, notamment les mesures associées aux résultats communiqués par les patients et celles relatives à leur expérience propre, dans trois domaines spécifiques : cancer, diabète et maladie inflammatoire de l’intestin. Les données recueillies doivent être conformes aux réglementations relatives à la protection des données et avoir fait l’objet du consentement individuel des patients ou d’un contrat social collectif en vue d’utiliser des dossiers patients anonymes. Les partenaires du projet H2O sont AbbVie, Eli Lilly, Novartis, Pfizer, Roche, Sanofi et Takeda, ainsi que Medtronic, géant de la Medtech et l’un des leaders mondiaux dans les technologies destinées au secteur médical, avec ses dispositifs portables. Frédérique Debroucker (Medtronic) : “Il faut tendre vers une approche transverse de rémunération à la qualité” Transition vers les informations électroniques Giovanna Ferrari observe le développement rapide des informations électroniques sur les produits (ePI) comme catalyseur du projet Gravitate-Health. Elle est également propriétaire du processus opérationnel Pfizer qui permet de gérer les documents d’étiquetage par pays, en mettant notamment l’accent sur l’étiquetage électronique. “L’ePI est un domaine d’importance mondiale qui connaît un rapide développement, avec de nouveaux standards qui émergent en temps réel. Grâce à ses travaux de recherche, le consortium Gravitage Health offre l’opportunité majeure de pouvoir tester l’utilisation des nouveaux standards ePI, mais aussi de pouvoir développer et partager les enseignements acquis afin de voir comment optimiser l’ePI pour répondre aux besoins des patients. Ces enseignements peuvent également déboucher sur une meilleure compréhension dans la manière d’optimiser nos processus réglementaires, dans le cadre d’une plus large transformation numérique”, précise-t-elle. “L’ePI est un domaine d’importance mondiale qui connaît un rapide développement, avec de nouveaux standards qui émergent en temps réel.” GIOVANNA FERRARI, DIRECTRICE PRINCIPALE CHEZ PFIZER ET RESPONSABLE DE L’ÉTIQUETAGE POUR L’EUROPE D’après les perspectives publiées par l’Agence européenne des médicaments (EMA), l’ePI sera utilisé via le processus d’évaluation réglementaire. Lors de leur collaboration en 2020 pour définir les principes clés des projets d’informations électroniques pour les médicaments dans l’Union européenne, l’EMA, les responsables des différentes agences et la Commission européenne ont précisé que l’utilisation de l’ePI “devrait permettre de mieux soutenir les patients/consommateurs de manière à ce qu’ils puissent prendre une décision étayée sur leurs traitements. C’est aussi le moyen de les aider à respecter leurs prescriptions, contribuant ainsi à obtenir de meilleurs résultats.” Les initiatives françaises pour améliorer l’interopérabilité des données de santé Définir un standard ePI européen En 2021, l’EMA a lancé un projet de mise en œuvre d’un ePI – une initiative qui porte sur une seule année –, avec pour objectif de définir un standard ePI commun à l’ensemble de l’Union européenne. S’il est effectivement défini, ce standard pourrait servir de base à une publication coordonnée de l’ePI en Europe au cours des prochaines années, aidant ainsi l’UE a concrétiser les avantages pour la santé publique que ces informations électroniques sont en mesure d’offrir. Giovanna Ferrari ajoute qu’un aspect innovant du travail réalisé par Gravitate-Health concerne la manière d’interpréter les données produites au moyen de ces outils – en respectant scrupuleusement le règlement général sur la protection des données (RGPD) et les autres exigences réglementaires en vigueur, et uniquement avec le consentement des patients, afin d’évaluer comment s’est déroulé l’accès à l’ePI existant, et sa compréhension par les intéressés. “Ce type d’analyse pourrait contribuer aux objectifs visant à améliorer la sécurité du patient”, explique-t-elle. L’industrie biopharmaceutique européenne souhaite aller encore plus loin et remplacer entièrement les notices papier. Elle devrait très certainement bénéficier du soutien des acteurs de la biopharmacie au niveau global, qui devraient y voir un formidable potentiel de diffusion rapide, avec des changements aux informations approuvés par les régulateurs concernés. Cela permettrait également d’économiser les coûts d’impression des notices et de réduire parallèlement l’empreinte environnementale. Si le projet Gravitate-Health et d’autres initiatives de même ordre s’avèrent concluants, une pression supplémentaire sera exercée sur l’EMA et sur les autres agences, afin de finaliser ce chantier de grande ampleur. Selon Giovanna Ferrari, la transition vers des informations uniquement électroniques constitue “une décision qui appartient aux autorités. Actuellement, la législation européenne requiert des notices d’information papier pour tous les médicaments. Mais cette obligation est susceptible d’être révisée dans quelques années. Quel que soit l’avenir de ces projets, l’important est de faire en sorte que les patients puissent accéder aux informations fondamentales et, si possible, les améliorer afin qu’elles soient totalement compréhensibles.” Cet article est proposé gracieusement par notre partenaire, Pharma Intelligence, un leader mondial d’analyses de marché, d’intelligence, et de données dédiées au secteur pharmaceutique. Pharma Intelligence EuropeLaboratoiresMédicamentPatientPharma IntelligencePharmacologiepharmacovigilance Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire analyses Dossier [Étude exclusive] Le bilan des initiatives des GAFAM dans la santé en 2021 MDR : un compte à rebours aux allures de couperet Les enjeux de la génération de données en anatomopathologie Dataroom “Concevoir une molécule en 3 ans plutôt que 10” (Pistoia Alliance) IA & Drug discovery : une université, un industriel et une SATT développent un laboratoire commun Étude de cas La Pitié-Salpêtrière, Synapse Medicine et Dedalus s’associent pour optimiser la conciliation médicamenteuse