Accueil > Marques & Agences > Achat média > Annonceurs : dans quels cas internaliser son trading desk ? Annonceurs : dans quels cas internaliser son trading desk ? Alors que le programmatique prend une importance croissante dans la publicité en ligne, de plus en plus d'annonceurs choisissent de se passer tout ou partie des agences pour leur achat média, en créant leur propre trading desks. Si ce choix présente l'avantage de faire des économies et de gagner en transparence, il comporte aussi des risques, sur la gestion des ressources humaines et l'innovation, notamment. C'est pourquoi certaines marques optent plutôt aujourd'hui pour des modèles hybrides. Quels types de marque s'y prêtent le mieux ? Pour quels avantages et quels inconvénients ? Jusqu'où internaliser ? mind a interrogé Air France, Club Med, Pernod Ricard, Agence 79, VT Scan, Tradelab et TubeMogul sur l'opportunité, pour une marque, d'opérer elle-même ses achats programmatiques et les résultats à en attendre. Un tableau détaillant les dispositif d'Air France, Club Med et Pernod Ricard complète ce dossier. Par Aymeric Marolleau. Publié le 19 janvier 2017 à 16h52 - Mis à jour le 19 janvier 2017 à 16h52 Ressources Ces trois dernières années, le mode d’achat programmatique s’est considérablement développé et a convaincu nombre d’annonceurs de son intérêt pour mieux cibler mieux les bonnes audiences en ligne gagner en efficacité. Selon l’Observatoire de l’e-pub du SRI, 40 % du display acheté en 2015 en France l’a été de cette façon. Mais le procédé apporte son lot d’inconvénients (intermédiaires et marges supplémentaires, opacité, reporting imprécis…) et génère désormais des craintes, en matière de visibilité, de fraude et de brand safety, notamment. Pour retrouver la pleine maîtrise de leur achat média, de plus en plus de marques choisissent depuis 2014 d’internaliser une partie ou l’ensemble de leurs achats programmatiques plutôt que de les déléguer à leur agence média. Procter & Gamble, Unilever, Amazon, Netflix ou encore Groupon ont fait ce choix aux États-Unis. En France, ils ont été imités par Air France, Club Med et Pernod Ricard. Selon nos informations, PMU, Blablacar, Price Minister et Sarenza font de même, sans communiquer sur le sujet. Preuve que la tendance n’a rien d’anecdotique, quatre trading desks de marque figuraient en 2015 parmi les 30 principaux acheteurs en programmatique en France, selon une étude publiée par SRI (nos détails). Ainsi, Procter & Gamble, Netflix, eBay et Air France arrivent juste derrière les trading desks d’agence Amnet (Dentsu Aegis Network), AOD (Publicis), Affiperf (Havas) ou encore GroupM. Transparence, propriété des données et économies Certaines marques ont plus d’intérêt que d’autres à internaliser leur achat média. En particulier “celles qui ont un cycle de conversion et de vente court, avec une forte problématique de performance, comme les e-commerçants, ou encore les acteurs du voyage, dont l’activité a fortement migré en ligne”, remarque Fabrice Valmier, codirigeant du groupe VT Scan. Il faut aussi un volume d’investissement suffisant pour justifier les investissements humains et technologiques. Chez le premier annonceur mondial, Procter & Gamble, le programmatique représente 75 % de ses investissements en ligne. Et 50 à 70 % pour Club Med, soit un peu plus d’un million d’euros en 2016. Quels bénéfices y trouvent-ils ? Ils sont notamment d’ordre pécuniaire : Air France et Club Med estiment avoir économisé 20 % en coût média. Notamment parce que les trading desks des agences prélèvent des commissions comprises entre 5 et 15 % des montants investis. Une économie séduisante pour les annonceurs, à condition d’anticiper et de compenser les coûts d’organisation interne et de formation. Mais les enjeux financiers ne sont pas les seuls considérés. “Nous voulons plus de visibilité et de transparence sur nos investissements en ligne”, clame Thibaut Portal, coordinateur de l’achat média au niveau monde de Pernod Ricard, qui opère lui-même certaines de ses campagnes. Club Med, qui a commencé à internaliser son trading desk fin 2016 – l’agence était alors conseillée par Carat (Dentsu Aegis Network) – avait entamé sa réflexion dès 2015. “Nous sentions que nous devions reprendre le contrôle sur notre chaîne d’investissement”, explique à mind Aline Ducret, e-business & digital experience manager chez Club Med. Elle précise que “le mode de rémunération des agences, lorsqu’il est très fortement basé sur un pourcentage du média investi, biaise la transparence du plan média, car l’agence peut être tentée de faire des économies sur les frais techniques ou négocier des marges arrières. En outre, l’internalisation nous a donné plus de visibilité sur nos données, notre audience, et a davantage responsabilisé les équipes.” Récupérer la propriété de ses données médias a également permis au voyagiste d’affiner son modèle d’attribution pour s’éloigner du dernier clic, trop réducteur. “Nous pouvons maintenant suivre les impressions, les clics et les budgets, pour rapprocher plus finement une impression d’une vente”, affirme Aline Ducret. Pénurie de talents et isolement Ce choix présente toutefois plusieurs défis pour l’entreprise. Premier fait notable : les traders médias et les data analystes capables d’opérer des campagnes programmatiques sont encore rares et chers. “C’est un sujet si complexe que seule une minorité d’annonceurs sont aujourd’hui capables de l’internaliser”, estime Jérémie Bugard, fondateur d’Agence79, nouvelle agence média de Club Med, choisie pour l’aider à internaliser son achat. “Ce ne sont pas des profils faciles à recruter pour un annonceur, car ils ont plutôt l’habitude de travailler en agence, avec une organisation plus flexible et plus de transversalité”, ajoute Aline Ducret, qui a constitué une équipe d’acquisition de quatre personnes au Club Med, avec des compétences en programmatique et display, retargeting, social ads et attribution. “L’internalisation du programmatique exige six mois à un an de travail à un annonceur majeur”, estime ainsi Elie Ziani, directeur du consulting chez Tradelab, qui accompagne une poignée de marques dans cette démarche. Certains pointent aussi un risque d’isolement pour l’annonceur. “Comme elles travaillent avec de nombreux annonceurs et prestataires, les agences peuvent comparer toutes les offres du marché. En faisant cavalier seul, les marques risquent de se couper des innovations et des meilleures pratiques”, alerte Fernando da Costa, vice président d’Omnicom Media Group France. Pour éviter cet écueil, la plupart des annonceurs sollicitent les conseils d’une agence, rémunérée essentiellement au temps passé. C’est par exemple le cas de la Fox avec Omnicom, Club Med avec Agence79, et Air France avec Gamned. “Elle nous aide à rester toujours à la pointe en termes de technologies et de pratiques dans le programmatique”, expliquait à mind Florence Estra, directrice marketing digital d’Air France, en septembre dernier (son interview sur mind). Financièrement, “l’internalisation du programmatique présente aussi le risque de transformer une charge variable en charge fixe”, rappelle Fernando da Costa (Omnicom Media Group). Alors que les agences négocient parfois des conditions préférentielles auprès des outils en centralisant les achats pour leurs clients, les annonceurs qui font le choix de l’internalisation doivent accepter de financer leur outil et organisation chaque mois. Et la liste des technologies à entretenir peut être longue puisque pour améliorer l’efficacité de leur DMP, certains annonceurs l’entourent d’une DMP et d’outils de brand safety, de visibilité, ou encore de DCO (dynamic creative optimization). Les modèles hybrides se développent Pour se soustraire à ces contraintes, certains annonceurs optent pour un modèle hybride. Ils souscrivent par exemple eux-mêmes à un accès à une DSP, mais en délèguent la gestion à leur agence. “Cela leur donne plus de transparence et prévient la fraude, sans la lourdeur opérationnelle de l’intégration, qui peut être envisagée comme une deuxième étape, après une ou deux années de tests et de formation”, explique Jérémie Bugard (Agence79). Ainsi, selon le JDN, la moitié des 20 principaux annonceurs médias en France a souscrit à Doublick Bid Manager (DBM), le DSP de Google. Il s’agit de Lidl, Orange, Unilever, Carrefour, Volkswagen, Ferrero, Nestlé, Ford, Mondelez et L’Oréal Paris. Pernod Ricard est allé un peu plus loin en créant au sein de son siège parisien une équipe de trois personnes, au sein de la structure Global Media Hub (coordination des chats médias online et offline du groupe), qui achète en direct sur DBM pour certaines des campagnes qu’il mène en Australie, au Canada et en Amérique Latine, en soutien à ses équipes locales. “Nous sommes en phase exploratoire, c’est une expérimentation qui nous permet de mieux comprendre comment fonctionne ce type de mécaniques médias, tout en continuant de nous appuyer sur les ressources de nos agences pour des campagnes plus importantes”, explique Thibaut Portal, qui a mis cette équipe en place pour le groupe français. “Il est important pour Pernod Ricard d’avoir de bonnes relations avec ses agences au niveau local, car elles sont en charge de la recommandation sur le planning stratégique, alors que notre activité est très spécifique d’un pays à l’autre, selon la législation. Cette solution hybride nous permet de mieux connaître nos consommateurs en interne”, ajoute-t-il. En France, le groupe de spiritueux continue de confier ses achats programmatiques à Carat (Dentsu Aegis Network) et Tradelab, mais il a commencé à déployer ce modèle hybride en Europe et en Asie, deux de ses principaux marchés. Le détail des dispositifs d’Air France, Club Med et Pernod Ricard est à télécharger ici : Aymeric Marolleau Achat médiaStratégies annonceursTrading desksTransparence Besoin d’informations complémentaires ? 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