Accueil > Marques & Agences > Achat média > Loi Sapin : le décryptage du décret de reporting, ses conséquences pour le marché de la publicité en ligne, ses zones d’ombre Loi Sapin : le décryptage du décret de reporting, ses conséquences pour le marché de la publicité en ligne, ses zones d’ombre Par . Publié le 17 février 2017 à 11h48 - Mis à jour le 17 février 2017 à 11h48 Ressources Le décret relatif au compte-rendu des campagnes transmis aux annonceurs vient compléter la Loi Sapin (1993) et la Loi Macron (2015) pour permettre une meilleure transparence du marché publicitaire en ligne. Il sera effectif dès janvier 2018. mind analyse l’impact du texte sur le marché à l’aide de spécialistes. Voici les cinq articles du texte commentés par mind Media et des experts. Décret n° 2017-159 du 9 février 2017 relatif aux prestations de publicité digitale Article 1 Le présent décret s’applique, pour l’application de l’article 23 de la loi du 29 janvier 1993 susvisée, aux prestations de publicité digitale entendues comme celles ayant pour objet la diffusion de messages sur tous supports connectés à internet tels qu’ordinateurs, tablettes, téléphones mobiles, téléviseurs et panneaux numériques. Tous supports connectés à internet Isabelle Le Roy (cabinet tracks&facts) : “On précise ici que les principes de la Loi Sapin de 1993 (relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, ndlr) sur la publicité s’appliquent aussi au digital, ce qui n’était pas formalisé clairement par la version originale de Loi Sapin. C’était implicite, mais beaucoup d’acteurs du digital en ont profité pour ne pas appliquer toutes ses composantes. “Apporter cet éclairage est une avancée, mais pour quelques temps seulement… On parle en effet de “supports connectés à internet”, en les listant. Mais quid des objets connectés qui vont se développés, notamment ceux reliés à une station d’accueil, qui elle est reliée au web ? Et le décret s’applique-t-il quand on est hors connexion internet ? Autant de situations qui pourront créer de nouveaux problèmes d’application.” Article 2 S’agissant des prestations de publicité digitale mentionnées à l’article 1er, à l’exception de celles définies à l’article 3 ci-dessous, le compte rendu communiqué par le vendeur d’espace publicitaire à l’annonceur précise la date et les emplacements de diffusion des annonces, le prix global de la campagne, ainsi que le prix unitaire des espaces publicitaires facturés. Les sites ou ensemble des sites internet sur lesquels les annonces sont diffusées peuvent être regroupés en fonction de leur nature ou de leurs contenus éditoriaux. Le prix global de la campagne, ainsi que le prix unitaire des espaces publicitaires facturés Note de mind Media : L’article 2 concerne le gré à gré. On précise ici que sur le digital hors programmatique, le vendeur doit fournir, comme sur les autres médias, un compte rendu complet sur la campagne, insertion par insertion, intégrant le coût unitaire des espaces facturés. C’est ce que demande l’UDA pour déterminer le coût initial. Ou l’ensemble des sites internet Isabelle Le Roy (tracks&facts) : “Si l’annonceur achète un package, le vendeur fournira-t-il un compte-rendu de sa composition, ou seulement sur l’ensemble ? Par ailleurs tous les formats n’ont pas les mêmes noms ou tailles : comment les rapprocher ? Cela va dans le sens de l’harmonisation des formats sur laquelle travaille l’IAB US. Les éditeurs devront adapter leurs formats publicitaires.” Article 3 Pour les campagnes de publicité digitale qui s’appuient sur des méthodes d’achat de prestations en temps réel sur des espaces non garantis, notamment par des mécanismes d’enchères, pour lesquelles les critères déterminants de l’achat sont le profil de l’internaute et l’optimisation de la performance du message, le vendeur d’espace publicitaire communique à l’annonceur un compte rendu comportant au moins les informations suivantes : 1° Au titre des informations permettant de s’assurer de l’exécution effective des prestations et de leurs caractéristiques : a) L’univers de diffusion publicitaire, entendu comme les sites ou l’ensemble de sites internet qui peuvent être regroupés en fonction de leur nature ou de leurs contenus éditoriaux ; b) Le contenu des messages publicitaires diffusés ; c) Les formats utilisés ; d) Le résultat des prestations au regard du ou des indicateurs de performance convenus lors de l’achat des prestations, tels que le nombre d’affichages publicitaires réalisés (par exemple « impressions », « pages vues »), le nombre d’interactions intervenues entre l’internaute et les affichages publicitaires (par exemple « clics », « actions ») ou toute autre unité de mesure justifiant l’exécution des prestations ; e) Le montant global facturé pour une même campagne publicitaire et le cas échéant tout autre élément, convenu avec l’annonceur, relatif au prix des espaces ; Un spécialiste du programmatique : “L’article 3 vise à mon sens les trading desks d’agences non transparents, ayant parfois le statut ou la position de régies (c’est le cas d’Affiperf chez Havas et d’Amnet chez Dentsu Aegis Network, ndlr) au sein des groupes de communication. Il faut cesser avec ces organisations horizontales, les activités programmatiques doivent être pleinement réintégrées dans les agences, comme l’a fait récemment Publicis Media, ou GroupM depuis toujours, c’est plus clair et plus sain, pour garantir plus de transparence sur l’activité de mandataire auprès de l’annonceur et les compte-rendus : sur le prix et la qualité de l’espace, le taux de marge, le prix des outils programmatiques et annexes…” Le vendeur d’espace publicitaire Note de mind Media : L’article 3 concerne le programmatique. Il indique que le reporting doit être effectué à l’annonceur par le “vendeur d’espace”. Tout l’enjeu va être de déterminer ce qu’est un vendeur sur la chaîne programmatique, alors que de nombreux intermédiaires occupent ce rôle. Sur quel(s) vendeur(s) reposera l’obligation d’information à l’annonceur ? La régie ? Le trading desk ? Le SSP ? Le DSP ? La possibilité, un temps envisagé, d’introduire un statut d’acheteur-revendeur ne figure pas dans le décret car il contredirait la Loi Sapin. Dans une lecture littérale du décret, il n’y a qu’un seul type de vendeur : la charge du reporting incombe à l’éditeur et sa régie. C’est d’ailleurs ce qu’estime l’UDA. Difficile à accepter pour les éditeurs et le SRI, lequel prend déjà position sur une définition plus large, qu’elle estime “pragmatique”. Les acteurs ont dix mois pour en discuter avec le ministère de l’Economie et des finances (et son organe compétent, la direction générale des entreprises) qui doit publier une circulaire d’application avant le 1er janvier 2018 pour préciser ce décret. Les disussions pourraient être moins consensuelles que celles de ces deux dernières années. Un spécialiste du programmatique : “Les difficultés d’applicabilité de la Loi sapin au programmatique restent entières. Le décret n’apporte effectivement pas de réponses aux questions que le marché se pose : les SSP et les DSP sont-elles des vendeurs d’espace ? Et les adexchanges ? D’un point de vue contractuel, ils se présentent comme de simples intermédiaires, mais dans la pratique, ils agissent comme des vendeurs d’espace. Je rappelle au passage que la Loi Sapin interdisait déjà d’être à la fois vendeur d’espace et acheteur, elle n’est simplement pas respectée sur le digital. Mais aucun annonceur ne va aller en justice, c’est trop de temps et d’énergie perdus” (**lire aussi notre encadré page suivante, ndlr). S’assurer de l’exécution effective des prestations Isabelle Le Roy (tracks&facts) : “C’est ce à quoi servait la pige à ses débuts en presse. De même pour les services de contrôle de diffusion interne en agence media. Il y avait par exemple des suspicions sur la diffusion des spots chez les Indépendants en radio. Que c’est triste d’en être encore là !” “Mais quid des créations adaptées à l’individu avec le principe de la dynamic creative optimization (CDO) ? Quelle création va servir de référence pour le contrôle et le reporting ? Le montant global facturé Isabelle Le Roy (tracks&facts) : “Qu’appelle-t-on exactement “montant global facturé (…) relatif aux espaces” ? Uniquement l’achat média ? La data nécessaire est-elle liée ? Le temps passé à programmer la campagne aussi ? Il faut fournir le CPM ou le CPM chargé ?” 2° Au titre des informations permettant de s’assurer de la qualité technique des prestations : a) Les outils technologiques, les compétences techniques ainsi que les prestataires techniques engagés dans la réalisation des prestations ; b) L’identification des acteurs de conseil, distincts des prestataires de technologie numérique, impliqués dans la réalisation des prestations ; c) Les résultats obtenus par rapport aux objectifs qualitatifs définis par l’annonceur ou son mandataire avant le lancement de la campagne tels que le ciblage, l’optimisation, ou l’efficacité ; S’assurer de la qualité technique des prestations : Isabelle Le Roy (tracks&facts) : “L’ensemble de ce paragraphe est destiné à apporter plus de transparence dans le travail des acteurs de la chaîne de l’achat média, c’est forcément très positif !” 3° Au titre des informations sur les moyens mis en œuvre pour protéger l’image de la marque de l’annonceur, toutes les mesures mises en œuvre, y compris les outils technologiques, pour éviter la diffusion de messages publicitaires sur des supports illicites ou dans des univers de diffusion signalés par l’annonceur comme étant préjudiciables à l’image de sa marque et à sa réputation ; Des informations sur les moyens mis en œuvre pour protéger l’image de la marque Note de mind Media : C’est la consécration des outils d’adverification et de qualité média, tels qu’Integral Ad Science, Adloox, AppNexus/Alenty ou Meetrics, et de leur importance pour les annonceurs. 4° Le cas échéant, les conditions de mise en œuvre des engagements souscrits dans le cadre de chartes de bonnes pratiques applicables au secteur de la publicité digitale. En outre l’annonceur pourra avoir accès aux outils de compte rendu mis le cas échéant à la disposition du mandataire. Dans le cadre de chartes de bonnes pratiques Isabelle Le Roy (tracks&facts) : “Ce point renforce le crédit apporté aux recommandations, chartes et labels qui sont en place ou vont l’être. On pense notamment aux recommandations de l’IAB US, qui sont en passe d’évoluer, mais aussi au label SRI-Udecam qui est annoncé pour la fin du premier semestre, ou aux chartes entre régies, agences et annonceurs.” Article 4 Les dispositions du présent décret ne s’appliquent pas aux vendeurs d’espaces publicitaires établis dans un autre Etat membre de l’Union européenne ou partie à l’Espace économique européen lorsqu’ils sont soumis, en application de dispositions du droit national de cet Etat, à des obligations équivalentes en matière de compte rendu. Note de mind Media : C’est un point qui interroge. On sait que les autres pays n’ont pas de texte légal aussi strict et spécifique à la publicité en ligne que l’est la loi Sapin en France. Quid du terme “obligations équivalentes en matière de compte-rendu ?” Un annonceur : “C’est confus. Est-ce à dire que des vendeurs d’espaces basés à l’étranger pourront se prévaloir d’obligations de compte rendu alternatives moindres dès lors qu’une disposition juridique existe, même minimaliste ? Ce principe peur encourager certaines régies ou agences à centraliser leurs activités programmatiques dans un autre pays que la France où la loi et le cadre juridiques sont plus flexibles. Les régies françaises seraient encore les dindons de la farce.” Article 5 Les dispositions du présent décret sont applicables le 1er janvier 2018. Note de mind Media : “Cela accorde un peu plus de dix mois au marché français pour s’adapter, mais aussi pour préciser le sens du texte. Une circulaire d’application devrait en effet détailler la mise en œuvre de ce décret et pourquoi pas apporter des réponses : qui sont les vendeurs d’espaces sur la chaîne programmatique et qui ne le sont pas ? Faut-il distinguer les vendeurs d’espaces des vendeurs de prestation ? Quel niveau de détails le reporting à l’annonceur doit-il contenir et sous quelle forme ?” Un annonceur : “J’ai du mal à comprendre ce texte. Les régies françaises ont visiblement perdu la première étape des discussions. Le texte leur fait peser toute la responsabilité du reporting. J’ai du mal à concevoir comment elles pourront répondre au niveau de détail demandé sans accès aux informations. En parallèle, il y a très peu de nouvelles obligations pour les agences en qui concerne la responsabilité de l’environnement média, la délivrabilité des campagnes, la garantie de diffusion, etc. A mon sens, il y a peu d’avancées pour les annonceurs, c’est la validation de pratiques du marché.” Un spécialiste du programmatique : “Les motivations qui ont justifiées de préciser la Loi Sapin sont évidemment bonnes, mais je ne pense pas qu’une loi puisse résoudre des questions aussi complexes que posent le marché de la publicité en ligne : la loi sera nécessairement inadaptée, imprécise ou en retard. Et le niveau de détail demandé ici dans les comptes rendus sera d’ailleurs inapplicable. La réponse se situe plutôt à deux niveaux : en haut, il faut que les différents acteurs représentatifs du marché travaillent ensemble, se mettent d’accord et établissent des bonnes pratiques. En bas, la solution est contractuelle, pas légale : il faut que l’annonceur mette en place des méthodes de travail et des engagements clairs dans ses contrats avec les agences.” Jean-Michel De Marchi Les acteurs de l’achat-revente sous pression ? “L’article 131 de loi de 2015 (dite “Loi Macron”, ndlr) l’avait déjà précisé : la Loi Sapin s’applique à tout le digital, et aucun acteur de la publicité en ligne ne peut être à la fois acheteur et vendeur d’espace publicitaire”, indique Pierre-jean-Bozo, directeur général de l’UDA, interrogé par mind. Une disposition déjà présente pour l’activité non digitale mais tolérée en ligne du fait d’un manque de précision des textes jusque-là et de l’opacité du RTB. Ce sont ici la majorité des sociétés de marketing à la performance qui peuvent être inquiétées, celles dont le modèle consistent par exemple à acheter des espaces au CPM, à les qualifier puis à les revendre aux annonceurs à des prix plus élevés au CPC. On pense évidemment à Criteo (contactée, la société nous a indiqué ne pas faire de commentaire en l’état), mais de nombreux autres acteurs sont également concernés. Achat médiaStratégies annonceursTrading desksTransparenceUdecamUnion des marques Besoin d’informations complémentaires ? 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