Accueil > Marques & Agences > Achat média > Capucine Pierard et Rodolphe Rodrigues (Havas Media Group) : “Il y a un décalage entre les parts de marché des plateformes et leur efficacité” Capucine Pierard et Rodolphe Rodrigues (Havas Media Group) : “Il y a un décalage entre les parts de marché des plateformes et leur efficacité” Les données dans l'achat publicitaire sont importantes mais les agences médias doivent composer avec le RGPD, tandis que Google et Facebook ferment leurs écosystèmes. Pour comprendre comment Havas Media tente de s'adapter, mind Media a interrogé Capucine Pierard, directrice générale adjointe chez Havas Media Group & chief data officer, et Rodolphe Rodrigues, global head of data chez Havas Media Group depuis avril, après avoir été pendant cinq ans global media director d'AXA. Par Aymeric Marolleau. Publié le 12 juillet 2018 à 15h35 - Mis à jour le 12 juillet 2018 à 15h35 Ressources Quelle est l’organisation d’Havas Media Group pour la gestion et l’activation des données ? Capucine Pierard : En France, nous bénéficions d’une expertise très forte sur la Data, grâce à une approche globale de la donnée, nourrie par quatre équipes : DBi (Data Business Intelligence), dont les consultants développent des projets data sur mesure pour exploiter la donnée sous toutes ses formes, au service de la croissance du business de nos clients. Ils élaborent et déploient notamment des projets de monétisation de données. CSA Data Consulting, dirigé par Thierry Fontaine-Kessar, qui exploite les données consommateurs grâce au panel CSA pour les rendre activables et qui propose des modélisations économétriques adaptées à la communication. Hélia, une entité dirigée par Samir Amellal, spécialisée dans le CRM. Et MFG Labs, entité de 40 data scientists, qui mène des projets d’exploitation de big data à travers des modèles algorithmiques et de prédiction. Cela constitue une équipe de plus de 200 experts qui peuvent être amenés à travailler de concert sur certains projets. Par ailleurs, depuis trois ans, nous avons créé en France la fonction de “connexion manager”, des stratèges pointus en digital et data qui font le lien entre nos équipes data et les consultants stratégiques qui pilotent les marques. Votre organisation autour de la data va-t-elle évoluer ? Rodolphe Rodrigues : Nous sommes en plein travail de refonte sur la vision data globale d’Havas dans le Monde. Notre objectif est de désiloter l’exploitation de la donnée et la mettre à tous les niveaux au service du business de nos clients, notamment pour mieux comprendre les consommateurs. Nous voulons sortir du média pur, pour que toute la connaissance que l’on tire des données alimente le marketing et la connaissance consommateur/client pour l’annonceur. Havas s’appuyait jusqu’à présent sur sa plateforme data, Artemis. Nous remettons en question aujourd’hui ce principe de plateforme data agence. Par ailleurs, parmi les DMP mises en place par les annonceurs, rares sont celles qui rencontrent le succès. Le retour sur investissement n’est pas encore à la hauteur des attentes. C’est pourquoi nous abordons maintenant les sujets data en mode consulting, sous forme de projet, dans une démarche itérative. Nous auditons la situation de l’annonceur, ses enjeux business, ses besoins marketing, et proposons des solutions opérationnelles, dans le cadre de roadmaps avec des étapes étalées sur six mois à trois ans. L’objectif est d’aider nos clients à conquérir des parts de marché, ce qui implique entre autres de redéfinir notre modèle de rémunération. Depuis quelques années, nous sommes passés avec certains clients à un modèle de consulting, rémunérant nos prestations sur du temps passé, avec des incentives sur les économies réalisées, la qualité des dispositifs en place (reach, visibilité) et l’adossement au chiffre d’affaires gagné. Cela nécessite que les annonceurs soient clairs sur leurs objectifs et qu’ils partagent d’avantage d’information avec nous, comme le nombre de ventes réalisées, voire les marges sur ces ventes. “Avec le RGPD, les walled gardens se sont refermés encore d’avantage. C’est un vrai problème auquel vont devoir faire face les annonceurs” Le 25 mai, Google a arrêté de partager son ID DoubleClick. Quel regard portez-vous sur ce choix ? Rodolphe Rodrigues : Nous utilisions cet ID pour construire des modèles d’attribution avancés, non prévus par les outils standards, pour enrichir les rapports de campagne avec des données externes et qualitatives. Cela permet d’élaborer pour nos clients des bilans d’efficacité, analysant l’effet des points de contact sur le consumer decision journey (branding, trafic et business) de façon globale et objective. En termes de data notamment, les plateformes sont désormais fermées. Avec le RGPD, les walled gardens se sont refermés encore d’avantage. C’est un vrai problème auquel vont devoir faire face les annonceurs. Aujourd’hui, nous avons d’un côté Médiamétrie, une organisation plurielle et objective, qui réunit éditeurs, agences et annonceurs ; et de l’autre côté les plateformes, qui limitent la mesure à leurs propres écosystèmes. Quelles conséquences la fin du partage de l’ID DoubleClick a-t-elle pour Artemis Alliance, la plateforme data d’Havas ? Capucine Pierard : Artemis reposait notamment sur la récupération de cet ID, en tant que socle de réconciliation. Une partie de ce qu’elle faisait ne peut donc plus l’être. Nous remettons aujourd’hui en question le modèle de plateforme pour les agences car nous doutons qu’elle représente l’avenir : le RGPD impacte en Europe toutes les plateformes data, car leur force résidait dans la capacité à croiser des données anonymes first-party avec des third party. Cette réglementation a donné des idées à de nombreux législateurs dans le monde, comme le Canada ou la Californie. D’ailleurs, le mot “plateforme” est malheureusement devenu largement galvaudé. “Nous avons parfois le sentiment d’un manque de mesure et d’équilibre dans les arbitrages des budgets annonceurs, qui surinvestissent dans les plateformes” Comment vous êtes-vous mis en conformité avec le RGPD ? Qu’est-ce que cette réglementation a changé dans votre stratégie ? Capucine Pierard : Etant donné les enjeux et l’ampleur du sujet, nous avons lancé le chantier en interne dès septembre 2017, car chacun est concerné par la RGPD. Grâce à Havas Université, notre plateforme d’e-learning globale, nous avons formé les 20 000 collaborateurs du groupe dans le monde, y compris les créatifs. Notre DPO a drivé l’édition d’un guide pour accompagner nos clients dans la pédagogie et la mise en place de cette règlementation. Nous avons envoyé un courrier à tous nos partenaires pour partager notre démarche, et un formulaire à chacun pour leur demander leur démarche de mise en conformité avec le RGPD. Enfin, nous mettons en place un registre de traitement afin de consigner toutes les étapes et process de traitement de la donnée dans le cadre de nos opérations. Quel regard portez-vous sur les alliances data lancées ces derniers mois par les éditeurs et les distributeurs ? Capucine Pierard : Nous avons testé Gravity, RelevanC et Skyline. Il est assez compliqué de faire un bilan de chacun, car les résultats diffèrent beaucoup selon le type de campagne, de secteur et de cible. Sur les projets data, il y a encore beaucoup de déclaratif, peu de contrôle, pas d’organisme tiers. Nous travaillons donc à des protocoles de test pour y voir plus clair. Nous avons adressé des questionnaires à tous les intervenants de second et third party data pour comprendre le type de données qu’ils opèrent, leur volume, leur fraîcheur, afin de réaliser une cartographie qui nous aide à orienter les annonceurs vers les partenaires les plus sérieux et robustes. Fin juin, Havas a annoncé un indice de qualité pour qualifier les contextes de diffusion des campagnes publicitaires. Quel est le sens de cette démarche ? Capucine Pierard : Il faut remettre la qualité au cœur des débats et clarifier la pertinence réelle des solutions du marché pour restaurer la confiance. Nous avons parfois le sentiment d’un manque de mesure et d’équilibre dans les arbitrages des budgets annonceurs, qui surinvestissent dans les plateformes. Nous ressentons un manque d’équité dans le traitement des différents acteurs du marché. Le contrôle de la mesure des plateformes est opaque. Et nous constatons un décalage entre leurs parts de marché, leur part d’audience réelle et leur efficacité pour l’activité des annonceurs. Notre indice de qualité digitale vise notamment à montrer aux annonceurs que la qualité a un prix et à les aider à établir ce juste prix (plus de détails sur cet indice sur le site de mind Media, ndlr). Aymeric Marolleau Achat médiaAgencesAlliances DataDMPDonnées personnellesDuopoleRGPD Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Label Digital Ad Trust : tous les détails sur la mise en place, ses objectifs, les questions qu’il pose Havas met en place un contrôle anti-fake news sur ses campagnes numériques Dossiers Comment les agences médias structurent leurs offres data Hors-séries gratuit Campagnes, adtech et data, comment bien briefer ses prestataires: un guide gratuit à télécharger Dossiers Google cesse de partager son identifiant utilisateur : les agences s’inquiètent pour le tracking de leurs campagnes et leurs plateformes data essentiels Nos synthèses et chiffres sur les principales thématiques du marché Les mutations du search à l'ère de l'IA générative L'application inaboutie de la loi sur les droits voisins Google vs DOJ : tout ce qu'il faut savoir sur le procès qui pourrait redéfinir l'adtech L’essentiel sur les identifiants publicitaires La transformation du marché publicitaire en 2024 2023 : le marché publicitaire doit se préparer à la fin du tracking utilisateur Comment l’intelligence artificielle générative bouleverse les médias Les enjeux réglementaires des médias en 2023 analyses Les articles d'approfondissement réalisés par la rédaction Adtech : pourquoi la Commission européenne sanctionne Google de près de 3 milliards d’euros Retail media : une consolidation indispensable des régies pour répondre aux attentes des acheteurs publicitaires IA et monétisation des contenus : comment l’IAB Tech Lab veut contrôler les robots crawlers Droits voisins : l’Apig veut introduire une plainte contre Meta devant l'Autorité de la concurrence Paul Boulangé (Starcom France) : "Nous sommes en train de déployer Captiv8 en France, notre solution d'automatisation du marketing d'influence" Claire Léost devient DG de CMA Média, WPP Media promeut Stéphanie Robelus… Comment les SSP généralistes investissent le secteur du retail media Bénédicte Wautelet (Le Figaro) : “Toute solution qui utilise de l’IA en rapport avec nos contenus doit y être autorisée et nous rémunérer” Aides à la presse : combien les éditeurs ont-ils perçu en 2024 ? 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